Le miroir du vampire

Sous la protection du crépuscule qui dissimulait le soleil déclinant, Arwen parcourait la plaine des duels, portée par un cheval à la robe aussi blafarde que sa propre tenue. La bête, au galop depuis son passage dans le désert d'herbes, avançait inlassablement, encouragée par les rênes qui claquaient régulièrement près d'elle. Le trajet s'était jusque là révélé aisé, la cavalière blanche le connaissant si bien qu'elle avait appris à en éviter tous les coins les plus risqués et retenu jusqu'aux raccourcis les plus improbables.

Elle parvint ainsi à rejoindre le temple du sang avant que la nuit ne l'aveugle complètement, permettant enfin à la monture pâle de se reposer. Elle approcha des mégalithes écarlates et fit un tour sur elle-même, les yeux plissés. Elle supportait le silence d'Alucard depuis maintenant près de deux semaines, celui-ci ignorant magistralement ses appels télépathiques. Le vampire refusait obstinément de considérer ses réclamations répétitives du passage au niveau supérieur de sa magie, et avait fini par définitivement lui fermer son esprit, agacé par ses harcèlements incessants.

Arwen ne vit pas l'Esper Magister, dont la silhouette se fondait parfaitement dans les ténèbres, mais son don l'avertit d'un corps sanguin familier à quelques pas d'elle, et elle reconnut la présence de son maître. Elle grimaça, également consciente du deuxième être de sang à proximité. Sans politesses inutiles, elle fondit sur cette dernière et la main sur la poignée de son sabre, vociféra d'un air menaçant :

- Approche tes canines à moins d'un mètre de ce cheval et je peux t'assurer que ta prochaine beuverie nécessitera l'usage d'une paille !

Elle avait déjà dû rembourser la mort du premier destrier qu'elle avait emprunté aux écuries royales et ne tenait pas à verser une fois de plus dans une telle dépense. Et surtout pas par la faute du sapin de noël...

A peine la kendoka eut-elle le temps de finir sa phrase que ses lèvres se retrouvèrent, rejointes par le sortilège de suture, qui l'empêcha d'arguer de nouvelles menaces, tandis que Freefall était immobilisée d'une étreinte forcée. Pressentant la réaction de cette dernière, Alucard l'avait enlacée par derrière, ses bras la retenant fermement contre lui. De son côté, la furie blonde semblait s'inquiéter du sort qu'il lui avait lancé, et gardait une main plaquée contre sa bouche, lui signifiant d'un air implorant qu'elle garderait le silence s'il acceptait de libérer ses lèvres entravées. Le vampire soupira, faisant virevolter devant lui quelques mèches de la jeune femme qu'il serrait toujours dans ses bras, et annonça :

- Elle ne l'aurait pas tué en ma présence, furie imbécile. Tes menaces ne troublent pas seulement le calme que je m'efforce d'instaurer entre vous, elles mettent en doute mon autorité sur ma propre disciple, et je m'offense d'être soupçonné de pareille faiblesse.

Non, décidément, il ne se trouvait pas la motivation à lui rendre la parole. La kendoka l'irritait depuis trop longtemps pour qu'il trouve en lui l'indulgence suffisante pour lui pardonner ses provocations, devenues coutumières, envers Freefall. Pendant une semaine entière, le mage avait dû s'habituer aux appels incessants de l'humaine, qui l'avait contacté à chaque heure pour pleurnicher dans son esprit. En pleine journée, elle n'avait pas craint de le tirer de son sommeil, réclamant le renforcement d'un pouvoir qu'elle n'utilisait que depuis trop peu de temps pour mériter telle considération, comme il le lui avait patiemment expliqué à chacune de ses prises de contact. Tout du moins aussi patiemment qu'un vampire de mauvaise humeur pouvait l'expliquer...

Doucement, il relâcha Freefall, qu'il prévint :

- Un mot ou un geste déplaisant et il sera effectivement nécessaire d'investir dans l'achat d'une paille...

Après s'être assuré de la docilité de ses deux élèves, le mage reporta son regard sur sa disciple encore vivante et ordonna d'un ton sec :

- Je t'écoute.

Désignant sa bouche fermée des deux mains, Arwen lui indiqua son incapacité à parler. Intransigeant, il haussa les sourcils d'un air las.

- Et alors ?

Feignant d'avoir momentanément oublié ses capacités télépathiques, Arwen désigna sa bouche fermée dans l'espoir que le mage ne lève enfin le sort. Alucard, décidément de mauvaise humeur, ne fut cependant pas dupe et ne lui permit qu'une réponse pensée plutôt qu'orale. Résignée à devoir attendre le calme revenu de son maître avant de pouvoir reprendre la parole, la kendoka engagea un échange télépathique :

Je suis venue... vous demander de reconsidérer mon passage au niveau supérieur en magie du sang.

Sitôt sa phrase prononcée, une pluie violente s'abattit sur la plaine, noyant les terres sèches d'un sang que d'épais nuages écarlates pleuraient pour n'épargner étrangement que le maître et ses disciples. Les mégalithes du temple s'illuminèrent brièvement, tels des éclairs d'orage, et le visage furieux d'Alucard apparut un court instant à la jeune femme avant de s'évanouir à nouveau dans les ombres de la nuit.

Un peu intimidée, Arwen eut besoin de quelques secondes pour trouver le courage d'insister :

Je sais que vous me jugez encore trop peu expérimentée, et j'ai confiance en votre opinion. Toutefois, je pense que vous n'avez pas eu de véritable occasion de constater dans leur ensemble mes derniers progrès. Laissez-moi au moins une opportunité de vous prouver mes capacités !

Incapable de distinguer les traits du mage, elle put néanmoins le deviner hésitant, à son silence. Autour d'eux et sur toute l'étendue de la plaine, la pluie continuait de tomber drue, si forte que la jeune femme n'osait pas bouger de sa place épargnée par le déluge. Profitant de l'indécision du Maître vampire, elle ajouta :

Vous n'avez rien à perdre à me tester, au contraire, Maître Alucard. Ou bien j'échoue à la tâche que vous me confiez et dans ce cas je me fierai aveuglément à votre jugement à l'avenir, ou bien je réussis et vous gagnez l'objet de votre mise à l'épreuve, s'il est quoi que ce soit que je puisse acquérir pour vous. Quelle que soit la finalité de mon défi, vous serez soulagé de mes réclamations.

Dans le noir, les prunelles sangs du vampire s'illuminèrent, incendiées par un éclat de folie soudaine.

Son éternel sourire sadique retrouvé, Alucard croisa les bras et observa la mortelle d'un air narquois. Marquant sa bonne humeur, le sort de suture s'annula, et la demoiselle entre-ouvrit la bouche. La croyant sur le point de parler, il patienta pour la laisser s'exprimer quand il la vit sourire d'un air soulagé. Elle profitait simplement de la rupture du sortilège. Le vampire répondit donc :

- Soit... Tu m'as convaincu. J'accepte de te faire passer l'épreuve qui déterminera tes mérites. Mais souviens-toi : tu risques ta vie chaque fois que je vérifie la suffisance de tes compétences, et il est tout à fait exclu que j'intervienne en ta faveur en cas d'échec... Donc, es-tu toujours certaine de vouloir une épreuve ?

Qu'elle le soit ou non, il ne lui laisserait de toute façon plus le choix, maintenant qu'elle l'avait suffisamment poussé à bout pour lui inspirer un défi de taille. Si le mage s'intéressait réellement à la réponse de son élève, il n'avait toutefois aucune intention d'en influencer la suite des évènements, et n'était rien de plus que curieux de sa témérité. A son grand plaisir, la jeune femme acquiesça d'un air déterminé. Satisfait, il expliqua :

- Bien ! Puisqu'il en est ainsi, tu iras donc m'apporter en parfait état un miroir que j'ai pu contempler peu après mon arrivée sur Calypta, le seul qui m'ait jamais renvoyé mon reflet après ma mort.

Surprise de l'apparente facilité de son épreuve, l'idiote naïve sourit et demanda :

- J'irai, Maître. Pouvez-vous seulement m'indiquer l'endroit où vous avez découvert ce miroir ?

Fixant de ses yeux rouges le visage serein de l'humaine, il répondit d'une voix suave :

- Bien sûr que tu iras. Bon retour dans les catacombes, furie blonde. Tu salueras pour moi ton ombre, si tu la croises ?

L'expression paniquée qui déformait les traits d'Arwen contenta le mage de sang, dont le sourire s'élargissait à mesure que celui de la kendoka s'affaissait. Les catacombes était le lieu même où la demoiselle avait commis l'erreur qu'elle ne s'était toujours pas pardonné, et où il l'avait connue bien plus facilement effrayée des dangers qu'elle avait croisés -et ils avaient été nombreux-.

Par ailleurs, Alucard était toujours aussi véritablement intrigué par le miroir qui lui avait envoyé son double, et avait fréquemment songé à ses dons étranges, qu'il aurait voulu pouvoir de nouveau essayer. Mais tout comme son élève, l'idée d'un retour dans les catacombes le répugnait : il avait passé tant de temps à chercher la sortie de ces enfers souterrains, tellement de temps à affronter des ennemis aux coups aussi bien physiques que psychiques et à réfléchir à des énigmes toujours plus saugrenues les unes que les autres. Non, lui-même n'y retournerait sous aucun prétexte.

Sans cesser de se délecter de la grimace horrifiée d'Arwen, qui restait silencieuse, l'Esper Magister éleva près d'elle le portail ensanglanté, dont les portes étaient ouvertes sur la grande pièce ronde au fameux miroir enchanté... Tandis que la kendoka approchait les portes d'un pas hésitant, le mage songea à la façon dont elle parviendrait à affronter le reflet sans second pour résoudre l'énigme. Craignant que celle-ci n'évolue en fonction de la situation, il réfléchit à un moyen d'opposer à la glace un deuxième adversaire. Une solution lui traversa l'esprit, et le vampire se tourna vers Freefall :

- Ainsi tu n'auras jamais plus l'occasion de vaincre ta "sœur", ma douce. Pas trop triste, de la voir partir pour ne plus revenir ?

A quelques pas devant lui, Arwen ne semblait pas entendre l'hypothèse de sa mort et commençait à tendre lentement une main tremblante au travers du portail. Rieur, le mage sourit tendrement à la vampire qu'il pressait contre lui, et ironisa tout en la couvant du regard :

- Je tacherai de faire de mon mieux pour combler ce vide atroce et te contenter de ma seule compagnie... Cela ira, tu crois ?

Et sans attendre sa réponse, alors qu'Arwen franchissait d'un premier pas le portail, il embrassa langoureusement sa "douce" disciple. Lorsqu'il la sentit suffisamment impliquée dans leur échange pour oublier complètement la kendoka, il la propulsa soudain par lévitation jusqu'au portail. Et tandis que la vampire était happée par les catacombes, Alucard l'observait d'un air stupéfait, s'innocentant d'une parfaite expression d'incrédulité.

Les portes refermées, le mage sourit. Arwen avait désormais un second pour affronter une épreuve similaire à celle qu'il avait dû souffrir avec Ryu. Et un second de confiance, puisqu'il savait pouvoir compter sur sa disciple pour ne pas venir en aide à la furie blanche dans son épreuve. Parfaite pour répondre aux exigences du miroir sans pour autant faciliter sa mission à sa "sœur", Freefall apparaissait au mage comme l'accompagnatrice idéale à sa protégée mortelle.

Alucard s'amusa d'avance de la réaction de la vampire qui, après la petite mise en scène qu'il avait improvisée, serait très probablement persuadée avoir été envoyée dans les catacombes sous le sort d'Arwen. De nature paranoïaque dès lors qu'il s'agissait de lui, et en particulier avec la kendoka, Freefall interpréterait naturellement la soudaineté de ce sort par la jalousie de la jeune femme devant le baiser qu'ils avaient échangé... et grâce auquel il avait pu détourner son attention.

Délivré des querelles incessantes de ses deux disciples qui, sûrement, devaient déjà s'acharner à tenter de s'entretuer, le maître vampire ouvrit le portail de sang sur son manoir et le traversa pour rejoindre, sourire aux lèvres, le confort de son cercueil.

Faisant fi du portail encore ouvert derrière elle, Arwen pénétra d'un pas mal assuré une grande salle circulaire que ne meublait qu'un... miroir ! Un grand miroir auquel elle vint immédiatement faire face pour y lire l'inscription énigmatique, joliment taillée dans le bois du cadre doré :

- " Si vous voulez vous faire des ennemis, surpassez vos amis. Mais si vous voulez vous faire des alliés, laissez vos amis vous surpasser."

Alors qu'elle levait les mains pour se saisir de la glace, une illusion d'optique la figea dans son geste. Pendant un instant, il lui avait semblé voir son reflet ricaner. Mal à l'aise, elle observa son image à l'intérieur du miroir, et sursauta en entendant s'échouer dans la pièce une masse dont son pouvoir l'avait avertie de l'arrivée soudaine. Elle se retourna et découvrit avec étonnement le sapin de Noël, derrière lequel le portail se referma.

Elle voulut interroger l'intruse sur les raisons qui avaient bien pu la pousser à la rejoindre, quand le fil d'une lame familière se précipita vers sa gorge. Voulant l'éviter, elle recula rapidement et tomba en arrière, parvenant de peu à échapper au tranchant de... Gekido ! Les yeux écarquillés, Arwen surprit sa parfaite jumelle surgi de nulle part ricaner joyeusement, armée comme elle du serpent béni. Non, pas tout à fait comme elle. La kendoka aux pulsions meurtrières, elle, empoignait son katana de la main gauche.

Alors qu'elle comprenait seulement la provenance de son doppelganger, un deuxième sapin de Noël se joint à leur regroupement et se jeta sur son double. Peu soucieuse du devenir de sa camarade, Arwen roula sur le côté pour éviter une nouvelle attaque de son reflet et bondit sur ses pieds, brandissant Gekido dans une position défensive. Puis, les deux serpents se jetèrent l'un sur l'autre, et un ballet aux musiques de fers s'entrechoquant débuta. La kendoka gauchère "dansait" gaiement une valse qu'elle semblait mener, attaquant sans répit sa cavalière qui, de son côté, n'osait répondre trop violemment.

D'ordinaire, Arwen préférait l'attaque à la simple défense. Mais en l'occurrence, elle se retrouvait en une situation très comparable à celle à la suite de laquelle elle avait perdu son ombre, et elle craignait de souffrir une nouvelle malédiction si sa lame goûtait le sang de son reflet psychopathe. Se sentant dominée par le jeu de ce dernier, dont le sourire amusé confirma la nature démente, la furie blanche le percuta d'une violente lévitation qui l'envoya quelques mètres plus loin.

Profitant de ce répit, elle lança un regard en direction de Freefall et, ne sachant laquelle des deux combattantes vertes était le véritable sapin de Noël d'Alucard, elle demanda au hasard, reportant de nouveau son attention sur la kendoka gauchère qui se relevait déjà :

- Eh, Sapin ! As-tu reçu des instructions d'Alucard, ou n'importe quel conseil au sujet du miroir ?

Après tout, peut-être la présence de la cinglée pourrait-elle lui servir finalement. Il fallait bien qu'elle l'ait rejointe pour une raison, et leurs liens affectifs lui apparaissant comme un argument peu convaincant, elle espéra que le mage l'avait envoyée afin de la guider.

Cataclop, cataclop, son ouï aiguisée permit a Freefall d’entendre l’arrivée d’un cheval bien avant qu’elle n’en sente l’odeur. Cette arrivée la fit grimacer car elle ne connaissait qu’un seul encas stupide capable de trouver son chemin jusqu’au temple du sang. D’ailleurs, celle-ci n’était-elle pas sensée être devenue piétonne ? L’encas stupide confirma bien qui elle était en chargeant Freefall sur son canasson. Quelle délicate attention de lui apporter encore du cheval ! La vampire répondit aux menaces de la blonde par un large sourire enjoué, dévoilant deux canines pointues, mais les bras puissant d’Alucard l’enlacèrent avant qu’elle ne prononce un mot, la serrant contre lui sans qu’elle puisse bouger. Appréciant l’étreinte, la démente n’opposa aucune résistance, s’emmitouflant au contraire dans les bras de son maître. Le souffle de ce dernier caressa ses cheveux et elle bue ses paroles sans vraiment l’écouter, s’abreuvant simplement de sa voix. Alucard la relâcha alors et, complètement apaisée, c’est avec regret qu’elle quitta le confort de ses bras. La menace n’était pas nécessaire, elle ne ferait rien au cheval ni a sa maitresse stupide.. Oh, l’Endive rentrerait a pied ! Mais Freefall ne ferait rien en présence de son maître pour ne pas qu'il ne se sente provoqué ! Elle répondit d'une petite voix sage.

Oui mon Maître.

L’échange entre l’encas stupide et son maître ne l’intéressa pas. Qu’attendait l’idiote pour partir ? Une pluie de sang tomba brusquement sur la pleine, signifiant l’impatience d’Alucard, et Freefall rêva un bref instant que son maître se jette sur la blonde blafarde et la réduise en charpie. Hélas, son rêve ne s’exauça pas et, la pluie cessant, le vampire accepta de laisser l’endive blonde faire ses preuves.
Le fait que l’idiote risque sa vie dans l’épreuve fit plaisir a Freefall qui savait que les mises en gardes de son maître n’étaient pas anodines. L’épreuve, pourtant, sembla bien peu dangereuse. Mais l’expression de panique qui tordit le visage de l’Endive para instinctivement Freefall d’un radieux sourire. L’éventualité de la mort de sa "sœur" était loin de lui déplaire, et elle répondit sans hésiter, plongeant son regard conquit dans celui d’Alucard.

Oh si tellement !

Dis-t-elle en reposant sa tête contre la poitrine virile. Son ton démentant joyeusement les mots qu’elle prononçaient. Mais Freefall ne fit pas l’effort de paraître convaincante, son maître savait parfaitement ce qu’elle pensait de l’Endive. Et elle-même ne le cachait pas.

Mais quelle chance pour elle de périr dans un lieu de repos pour les morts ! Elle sera entourée de pleins de cadavres décrépis comme elle !

A la fois surprise et comblé de cette attention, elle se laissa alors emportée par la douce langueur des lèvres de son maître. Plus rien n’existait... l’Endive... la plaine... il n’y avait plus qu’elle et Alucard, et cet instant magique auquel elle n’osait croire. Était-elle encore en train de rêver ? Si un gros type chauve en pagne prétendait être Eiserne Drossel elle saurait que tout cela ne serait qu’un rêve ! Mais si s’en était un, elle ne voulait pas se réveiller. Aucun grassouillet chauve en pagne ne vint se présenter à elle (probablement parce qu’elle l’avait déjà tué la première fois) mais une force invisible l’arracha brutalement a Alucard dont elle s’éloigna décomposée. Se voyant attirée comme au ralenti, elle passa en arrière à travers le portail sanglant, et se retrouva par terre avant de comprendre pourquoi, sur le sol de pierre dur des catacombes !

L’ENDIVE !!!

Éructant de colère, la non morte avait clairement senti une magie faisant léviter son sang. Avec une aisance surnaturelle, la caïnite se redressa d’un coup, déjà prête à frapper. Mais au lieu d’une Endive blonde stupide Freefall en trouva deux ! Sa décontenance laissa bientôt place a un rire aigu tandis que les deux casse-croutes se mirent à se battre entre elles. Mais la caïnite n’avait pas l’intention de rester simple spectatrice, et décida d’offrir double ration d’endive à Eiserne Drossel. *CLING !* Le cerceau d’acier para juste a temps avec un bruis métallique la frappe rapide que Freefall vit arriver du coin de l’œil. Son adversaire, qui venait de surgir de nulle part, était armé de la même arme circulaire qu’elle ! Non, l’adversaire lui-même était un double d’elle-même ! Une seconde Freefall !

Ah Ah Ah Ah Ah Ah Ah !!!

Éclatant d’un rire de démente, la caïnite se jeta sur son double avec acharnement, jubilant de plaisir. Les deux Freefall maitrisaient aussi bien Eiserne Drossel, exécutant avec grâce chaque mouvement de leur Danse de la Mort, mais l’excitation et la frénésie de Freefall n’étaient pas égalé de son clone, qui sous les mimiques et sourires copiés était en vérité plus mécanique et ne ressentait aucune passion. Les Deux caïnites semblaient faire jeu égale, mais la vrai Freefall prenait progressivement le dessus.

Alors que, prise par son jeu, la jeune morte avait complètement oublié Arwen, celle-ci se rappela soudain a elle, l’interpellant.

Oui ! Lança la vrai Freefall, hystérique. Il a dit que tu devais mourir !

Et usant de son don noir la vampire submergea soudain son double sous l’asseau de toute la vermine des environs, envoyant en même temps, tout aussi brusquement Eiserne Drossel sur l’Endive bavardeuse. La démente accompagna son geste d’un rire hystérique !

- Ah oui ? Dommage, c'est bien la seule chose dont je ne sois pas capable !

Ravie par la décapitation de l’endive, Freefall s’extasia, riant et battant des mains.

Hahahahaha ! Bravo ! Fait-le encore !

L’endive restante se redressa alors, le regard furieux, et se propulsa droit sur la fausse Freefall, croyant attaquer la vraie. La fausse Freefall, que quelques mille-pattes et araignées harcelaient toujours, se retourna d’un coup, faisant voler quelques derniers bouts de rats autour d’elle, et d’un geste ample para le sabre blanc. Le choc des aciers résonna quelques brèves secondes alors que les adversaires échangeaient leurs coups, puis la fausse Freefall fut soulevée du sol, portée par la lévitation sanguine, et se trouva dangereusement propulsée sur l’originale.

La vampire se moquait bien de savoir si le casse-croute restant était la vraie ou la fausse Endive, mais cette garce blonde lui piquait son double ! Plissant les yeux, irritée, Freefall brandit le cerceau qui venait de revenir dans ses mains et trancha son doppelganger en deux. Ajoutant dans son geste une rotation rapide de l’anneau, elle le lança droit sur l’endive en le faisant surgir d’entre les deux morceaux coupés de son double ! L’anneau rebondirait au moindre choc contre Gekido pour décrire un cercle et revenir dans les mains de Freefall qui, de son coté, s’empara de l’Eiserne Drossel de son double pour fondre sur Arwen dans une attaque basse qu’elle porta a croupie en faisant de larges rotations de son arme empruntée. Arwen n'avait aucune chance d'échapper a la danse des deux Eiserne Drossel.

Bye-bye !

Chantona-t-elle d’une voix fluette.

Le sourire extasié de la jeune vampire se figea en grimace de stupeur lorsque, a l’instant même de trancher Arwen, le cerceau qu’elle tenait en mains disparut comme un mirage. Mort, le reflet de Freefall avait disparut en retombant par terre, et l’arme cessa d’exister avec lui. Mais la caïnite n’eu pas le temps de s’interroger sur ce qui c’était passé lorsque, fixant incrédule les jambes toujours intactes de sa rivale ombricide, elle réalisa ce qui allait lui tomber dessus. Relevant la tête pour voir la lame serpent s’abattre sur elle, Freefall fit une moue déconfite.

*Quelle poisse !*

Mourir était certes ennuyeux, mais se faire tuer par l’endive blonde débile était franchement vexant ! Décapitée, le corps de la caïnite s’effondra et disparut comme happé par l’air. Mais la jeune vampire ne fut pas la seule a mourir à cette même seconde. Ricochant sur les murs, Eiserne Drossel revint vers sa propriétaire comme prévu après que Gekido l’ai parée, mais le cerceau d’acier au lieux de contourner Arwen la transperça, se fichant dans la colonne vertébrale de l’humaine a l’instant même où celle-ci coupait le cou de Freefall. La blonde s’écroula sur le corps de sa sœur pour disparaitre avec elle.

Noir... Tout avait disparut autour de Freefall... Un instant plus tôt elle se faisait encore trancher le cou par cette stupide poche de sang sur patte et voilà que d’un coup il n’y avait plus rien. Tout était noir, les catacombes avaient disparues et Freefall n’avait pas l’impression d’être plus morte que d’habitude. Sa tête était toujours sur ses épaules... Ah Ah Ah ! Cette idiote de poche de sang avait raté son coup ! Mais où était elle ? La seule source de lumière que repéra Freefall était une sorte de fenêtre au loin. Freefall pouvait voir la salle du miroir à travers la fenêtre, mais l’Endive ne s’y trouvait pas, ni le miroir. Eiserne Drossel par contre était toujours là bas, reposant par terre a l’endroit même où elle s’était fait tuée. Une odeur familière l’alerta... l’Endive ! Finalement elle n’était pas toute seule dans le noir !

TU M’A TUÉE, ESPÈCE DE VIEILLE PEAU D'ENDIVE FRIPÉE !!

La vampire s’apprêta a se jeter sur l’humaine mais devant la pointe dressée de Gekido se ravisa et rangea ses crocs. Elle se vengerait bien assez tôt. Se dirigeant vers la sortie, Freefall sortie alors du miroir et retourna dans les catacombes. Elle alla d’abord ramasser son arme avant de revenir vers le miroir pour l’observer de plus près. C’était un grand miroir sur pied, une espèce de babiole vieillotte d’antiquaire. Le passage vers l’obscurité s’était refermé et sa glace ne semblait plus contenir aucun reflet. L’Endive l’avait surement cassé !

Le Maître le veut ! Dit-elle. Je vais le porter, de toutes façons il est trop lourd pour toi !

C’est elle qui rapporterait le miroir a son maître, il la féliciterait pour ça et l’Endive raterait ainsi son épreuve. Et puis il n’était pas question laisser celle-là faire plus de dégâts !

Trouve plutôt le chemin pour sortir d’ici !

Commanda-t-elle impatiente de ne plus devoir supporter la compagnie de l’Endive.

Quittant la salle du miroir, les deux "sœurs" s’engagèrent dans les boyaux obscures des catacombes. Pour Freefall, l’obscurité n’était pas un problème. Mais si la marche tâtonnante d’Arwen l’amusa au début, la voir trébucher sans cesses et avancer d’un pas traînant fini par agacer la vampire qui ne tarda pas a se plaindre de la lenteur de sa guide...

Les filles descendirent d’abord un escalier abrupte plongé dans le noir. Au bout duquel, étant trop bruyantes, elles attirèrent l’attention d’étranges poulpes noirs accrochés à l’envers au plafond. Eiserne Drossel et Gekido s’associèrent parfaitement pour exterminer les mollusques suceurs de sang, nettoyant en un rien de temps toute la galerie. Ce défouloir remit Freefall de bonne humeur, la rendant joyeuse jusqu’a ce qu’elles arrivent au bout du couloir. Un cul de sac !! La vampire s’énerva une fois de plus contre sa guide qu’elle trouva inutile ! Mais Arwen découvrit un levier caché actionnant l’ouverture d’un passage secret. Les jeunes femmes traversèrent alors un étrange endroit, une immense salle a manger décorée de 4 emblèmes : Lion, serpent, blaireau, et aigle. L’endroit ne ressemblait plus du tout aux catacombes mais plutôt a l’intérieur d’un château. La salle a manger étant vide, les filles la traversèrent rapidement et se retrouvèrent à nouveau dans les catacombes. Freefall marchant sur les tables au passage et s’amusant a tout renverser. Elles se retrouvèrent alors dans une salle en pierres grises, illuminée par des chandelles, et au bout de laquelle se trouvait trois portes ouvertes. Instinctivement Freefall voulut prendre la porte du milieux, dans ces cas là elle choisissait toujours la porte du milieux. Choix confirmé par Arwen, étrangement sur d’elle, qui se dirigea vers cette porte là sans hésiter.

Derrière la porte, un long couloir les conduisit a une sorte de cachot où de larges cellules jalonnèrent leur chemin de partes et d’autres. Elles traversèrent ensuite une chambre funéraire aux ossements éparpillés sur le sol, puis descendirent un escalier les conduisant a une autre bifurcation. Les couloirs aux murs décorés de crânes devenaient de plus en plus serrés, rendant le transport du miroir plus encombrant pour Freefall. Après plusieurs bifurcations, elles arrivèrent dans une grande salle dégagée dont la paroi ronde et trouée de galerie ressemblait à un vrai gruyère, offrant plein de directions.

Par où faut-il aller ? Demanda-t-elle inquiète par l’expression perdue d’Arwen.

L’issue qu’elles empruntèrent leur fit suivre un long goulot descendant en pente douce et dont le sol, de plus en plus humide, finit par devenir une mare qui noya d’abord leurs chevilles puis alors qu'elles avançaient les engloutis progressivement jusqu’aux épaules. Circulaire, le goulot remonta en large colimaçon, les ramenant petit à petit au sec, mais les espèces d’œufs gélatineux qu’elles rencontrèrent pendent la partie immergée du parcourt entama sérieusement leur moral. Aussi, lorsqu’a l’issue du goulot elle débouchèrent à nouveau dans la salle-gruyère, Freefall décida de choisir elle-même le chemin... Menaçant d’abord l’humaine blafarde de reprendre sur elle tout le sang que les gelées lui avaient volées ! Le chemin que choisit Freefall les ramena lui aussi à la salle-gruyère, et il leur fallut en essayer plusieurs autres avant que l’un d’eux les conduise finalement à une nouvelle salle. Sombre et carrée, la pièce était entièrement vide et ne comportait aucune issue. Les fers accrochés aux murs lui donnant un air de cachot. Fatiguée par le manque de sang, Freefall avança au centre de la pièce et posa le miroir. C’était encore un mauvais chemin. De toutes évidence l’Endive ne lui servait a rien, alors pourquoi la gardait-elle en vie ? C’était l’occasion pour elle de se rendre utile, et de faire don de son sang dont Freefall avait plus besoin qu'elle ! La caïnite posa son regard améthyste sur l’humaine, une lueur de folie brillant dans ses yeux, lorsque le sol se déroba sous ses pieds ! Les briques du sol de la pièce se démantelèrent juste sous elle, le trou s’élargissant a toute la pièce, emportant les deux filles dans leurs chutes. Retombant sur le dos un étage plus bas, Freffall rattrapa le miroir et le protégea de la pluie de pierres. Ralentissant sa chute grâce a la lévitation, Arwen atterrie sans heurt après que le dernier débris se soit écroulé. L’endroit où elles avaient atterries était une longue pièce comportant deux portes se faisant face à chacune des extrémités. L’une des portes avait été arraché de ses gongs, apparemment défoncée, et reposait par terre. Freefall décida de prendre cette direction. Cette porte était sûrement la trace du passage de son maître, la sortie était donc par là !

Fitz débouche la bouche du bichon. Du beurre et ça biche ! Dit-elle avec assurance.

Passé la porte effondrée, les deux demoiselles arrivèrent devant un puits qui semblait être la seule issue. Sa profondeur, et l’ignorance de ce qu’elles y trouveraient au fond, obligea Freefall à demander l’aide d’Arwen pour la faire descendre à l’aide de sa lévitation. Se sort horripilant allait finalement servir à autre chose qu’a énerver la nosfératu. La démente descendit avec le miroir, soulevée par la le pouvoir d’Arwen jusqu’a ce qu’il devienne trop faible. Ce qui lui permit de gagner quelques mètres, lui épargnant une chute violente. Contrairement à son maître Freefall ressentait la douleur, et soigner son corps écrasé lui aurait demander trop de force pour le peu de sang qui lui restait. L’étrange pièce où elles atterrirent avait un sol en forme de damier. Les demoiselles ne s’y attardèrent pas, et empruntèrent un tunnel grossièrement taillé dans la roche. Après quelques dizaines de mètres, elles débouchèrent dans une pièce en coude décorée d’une statue grandeur nature d’un basilic. Une fiole luminescente trainait par terre, brillant si fort qu’elle blessait les yeux. Freefall la brisa en donnant un coup de pied dedans, l’envoyant s’éclater contre le mur. Ce qui plongea la pièce dans le noir. Capable de voir dans l’obscurité, la démente sortie sans s’occuper d’Arwen, laissant l’humaine a son sort, mais dans sa hâte glissa en marchant sur un masque qu’elle n’avait pas remarquée. Jurant contre l’objet stupide qui l’avait fait tombée, elle l’écrasa sans succès et shoota dedans pour le faire rebondir contre un mur...

Au sortir de la pièce, Freefall poursuivit seule dans les souterrains, contente d’avoir semée l’Endive qui resterait peut-être coincée pour toujours dans la pièce obscure. Son maître la consolerait alors de la perte de sa chère grande sœur et la féliciterait de lui avoir ramené le miroir magique que cette nouille d’humaine avait échoué a lui rapporter. La jeune vampire déboucha dans une vaste caverne, entièrement vide à l’exception d’une torche allumée accrochée à la paroi. Persuadée que la sortie n’était plus très loin la caïnite accéléra le pas, désireuse de quitter ces grottes et ces couloirs qui sentent le moisis, lorsque son ombre projetée sur le mur devant elle s’anima soudain et sauta à terre, prenant substance et consistance, et lui barra le passage, armée de l’ombre d’un Eiserne Drossel. Un sourire d’excitation étira les lèvres de la démente, puis elle se souvint de la malédiction de l’autre endive ombricide ! Son visage s’assombrit.

Hors de mon chemin ! Mon Maître m’attends !

Posant le miroir, la vampire fondit sur son ombre rebelle et lança son arme, le cerceau d’acier volant droit vers la torche qu’il trancha en rebondissant contre le mur. La flamme soufflée par la force de l’impacte plongea la caverne dans l’obscurité tandis que le cerceau revenait vers sa maîtresse. Les ombres disparaissaient si elles n’ont plus de lumière !

Ah Ah Ah ! Tu n’étais que l’ombre d’une vraie combattante !

Fière de son triomphe, elle marcha jusqu’au miroir et le reprit dans ses bras, poursuivant sa route vers l’issue de la caverne qui se poursuivait sur une nouvelle galerie. Six dards pointus jaillirent des murs autour d’elle au moment de sortir de la caverne, leur poison l’étourdissant. Sa nature de morte vivante lui permettrait de survivre, mais le poison était violent et voilà qu’elle se mit a halluciner, apercevant l’Endive blonde qu’elle avait laissée derrière elle. Mais l’hallucination n’en était pas une, et Arwen était bel et bien là, apparemment indemne et avait réussit à la rattraper. Reprenant la route ensembles, les deux sœurs ennemies croisèrent un cadavre décapité et traversèrent une salle vide où trônait simplement une grande cage de fer. L’idée d’y enfermer Arwen tenta Freefall mais la kendoka semblait se rappeler du chemin, et se montrait plus sur d’elle quant à la direction à prendre.

Après quelques heures, les deux demoiselles arrivèrent devant un rapprochement brutale des murs. Le couloir se poursuivant sur une trentaine de mètre dans un passage étroit et plongé dans le noir. La vision nocturne de Freefall lui permit de voir les étranges trous qui parsemaient les murs tout le long de la traversée. Devinant un piège, la jeune morte s’arrêta pour mieux observer le passage. Mais Arwen passa devant elle, et sans un mot, traversa promptement le passage étroit en volant. Ne pouvant faire de même, la vampire posa un pied qu’elle s’apprêtait a retirer vite fait au moindre danger. Mais rien ne s’écroula ni ne jaillit du sol pour l’embrocher. Elle entrepris donc de suivre Arwen lorsque de tout cotés des vers cuirassés jaillirent des murs et du plafond par milliers, se jetant sur elle ! Même avec sa force ces saletés étaient difficiles a écraser, leurs carapaces étaient à la fois solides et souples. De plus, la vermine l’encerclait en telle quantité que pour 10 qu’elle chassait 100 de plus tombaient sur elle. La caïnite se servit alors de son don ténébreux. Son contrôle de la vermine lui permit de subjuguer les saprobiontes, leurs ordonnant de s’écarter sur son chemin. Miss Casse-croûte avait-elle vraiment crue que ce piège fonctionnerait sur elle ? Les vers carnassiers cependant étaient nombreux et Freefall n’avait toujours pas refait le plein de sang, l’effort que lui demandait son don risquait de devenir trop grand si elle s’attardait trop.

Tu ne salut pas tes amis ? Dit-elle railleuse.

Et ramassant quelques vers, elle décida de rendre la monnaie de sa pièce à l’endive qui avait essayée de la piéger et les lui lança dessus, s’esclaffant joyeusement. Son petit jeu l’amusa mais elle ne le fit pas durer, ne pouvant faire tenir son pouvoir longtemps. Elle rejoignit l’endive et passa devant elle sans s'arrêter.

Je suis déçue que tu ais crue m’avoir avec un piège aussi minable.

Redevenu plus large le tunnel se poursuivit, et alors qu’elles le suivaient les filles passèrent devant une porte de bois sur leur droite. Curieuse, Freefall voulut savoir ce qui se trouvait derrière et posa le miroir. Approchant sa main de la poignée.

QuEl PlAiSiR dE tE rEvOiR iCi BaS, aRwEn ! Es-Tu ReVeNu ChErChEr MoN TrÉsOr ?

Spoiler: