Amaranthe

Sautant lestement sur un toit, Freefall ferma les yeux et offrit sa gorge au clair de lune. Sa proie n’était plus très loin maintenant. La traque avait commencée après un bref combat, trop bref pour la caïnite, mais la traque en elle-même aussi était amusante, tant qu’elle ne s’éternisait pas trop. Il n’y a rien de plus ennuyeux qu’une traque qui s’éternise ! Alors… où était-il…? Les sens en affut, la jeune vampire rouvrit les yeux, son regard mauve, luisant comme deux braises améthystes, scrutait les ruelles sombres en contrebas a travers leur rideau d’obscurité. Voir dans le noir était un des avantages de la non-vie.

Petit, petit, petit. Souffla-t-elle dans un murmure d’impatience. Où te cache-tu ?

Ce jeu commençait déjà a l’ennuyer. Ceux de sa race étaient plus doués que les humains pour se cacher, mais Freefall avait prit goût a les chasser depuis cette première fois où l’un d’eux l'avait provoquée en insultant son maître. Les agressions contre elle furent plus fréquentes après ça, surtout lorsqu’elle se retrouvait seule, mais elle n’avait pas tardée a devenir agresseuse a son tour. Bien que nouvelle-née, la jeune morte avait pour elle le passé de toute une vie vouée au combat et au meurtre, depuis son enfance elle n’avait été élevée que pour ça. Un grand corbeau vint se percher sur son épaule. Son pouvoir vampirique aussi avait pas mal grandit depuis qu’elle buvait le sang des siens, son mode de mise a mort préféré, elle les vidait jusqu'à la dernière goutte puis les achevait !

Cherche ! Dit-elle en embrassant le bec du corbeau. Le grand oiseau s’envola dans la nuit.

A sa dernière traque, Freefall était tombée dans un guet append, ce qui l’avait follement amusée. Quelle surprise l’attendrait ce soir ? Elle se concentra sur l’oiseau, survolant a travers lui les ruelles du quartier nocturne..

TROUVÉ !! AhAhAhAhAhAhAh !!!

Un croassement répondit en écho a son cri de joie tandis qu'elle se précipitait vers le bâtiment au dessus duquel le corbeau tournoyait. La porte, apparemment forcée, pendait de travers a moitié hors de ses gongs. Freefall entra.

Freefall entra, dans une pièce saccagée, qui avait surement été la pièce à vivre principale lorsque l’endroit était habité. Mais le foyer, a présent, semblait abandonné depuis longtemps. Sans doute servait-il de squat occasionnel a quelques onques créatures.

Le vampire attendit que Freefall s’avance avant de se décrocher du plafond et de se laisser tomber sur elle. Son don obscure lui permettait de se rendre invisible, lorsqu’elle passa sous lui, le vampire allongea ses ongles aussi dures et pointus que des griffes, et tomba sur le dos de sa traqueuse. Finalement, ce serait lui qui tuerait cette folle. Peut-être qu'il prendrait son temps !

Poussant un cri de douleur, elle se dégagea de son adversaire avec un coup de tête en arrière, puis se servi de sa grande vitesse pour un mouvement éclair : Se retournant et se penchant, elle détendit la jambe d’un geste brusque et frappa le vampire au niveau de l’estomac. Le tout en un battement de cil. Le vampire vola et alla cogner contre le mur les yeux écarquillés de surprise.

Ont dirais que tu as fait repousser ton bras ! Constata-t-elle.
Ah ! Mais je ne veux pas que tu t’enfuis encore, je vais devoir te couper la jambe cette fois !

Tout en parlant, elle faisait tourner son cerceau pour lui donner de l’élan.

La quelle vais-je trancher d’abord… La droite ou la gauche ?

Prenant un air hésitant, elle attendit que le vampire esquisse un mouvement pour lancer son cerceau, lui fauchant les deux jambes d’un seul coup.

AhAhAhAh ! Tu ne les fait pas repousser aussi ?

Demanda-t-elle en le voyant ramper par terre. De toute évidence il n'en était plus capable, faire repousser son bras avait déjà dut lui demander trop de force. Soudain furieuse, Freefall ramassa une des jambes coupées et lui lança a la tête.

Quelle perte de temps ! S'indigna-t-elle. Tu ne fais aucun effort !

Ce combat l’avait horriblement déçue, mais l’extase du sang compenserait tout.

Laisse-moi t’accompagner. Dit-elle en posant le pied sur lui.

Un petit rire d'enfant s'échappa de sa gorge, puis se penchant sur lui, elle susurra près de son oreille en prenant une voix languissante.

Je reste avec toi… Jusqu'à la fin !

Elle le saisit alors par la gorge, et lui planta ses crocs.

La situation s’était renversée en un clin d’œil ! Comment l’infante d’un toutou niebien, une nouvelle-née, avait-elle put le battre si facilement ? Était-ce le résultat de ses diableries, le vol de vitae ? Le vampire savait de quels crimes était accusée cette fille, mais n’arrivait pas a croire qu’une gamine a peine étreinte puisse battre comme ça un vampire de plus de 50 ans son ainé ! Et voilà qu’elle allait le vider maintenant, le boire comme un vulgaire mortel… un gibier… Non ! Ça ne pouvait pas se finir comme ça !
Qu’attendaient-ils pour intervenir ?

Saigneur Gab… Gouharg !

La morsure fut si féroce qu’elle faillit lui arracher la gorge. Le vampire sentit ses forces drainées et sombra dans une forme de léthargie demi-consciente.

Une voix très jeune intervint alors, ordonnant d’un ton péremptoire.
C’est fini, rends-toi sans faire d’histoire !

Puis d’un air désinvolte, après une courte hésitation.
Hum… bon et lâche-le aussi… si tu n’a pas encore tout bue…

Debout face a elle, se tenant devant l’encadrement de la porte, un jeune garçon aux cheveux rouges et au teint livide la regardait, attendant d’un air détaché qu'elle lui obéisse.

Dépêches-toi, sinon je vais devoir user de la force.
Dit-il d’un ton calme, comme s’il énonçait une évidence.

Surprise par l’impertinence du gosse, autant que par l’incongru de sa présence, Freefall laissa retomber son repas et toisa l’enfant. Un petit vampire… c’était une blague ?

Ils embauchent des mioches maintenant ?

Un gamin ? Était-ce tout ce qu’ils avaient pour elle ? Les vampires du quartier la sous estimaient-elle a ce point qu’ils lui envoyaient une demi-portion ?

Ne crois pas que je vais me retenir parce que t’es un gosse !

Lança-t-elle menaçante en s'approchant de l'enfant. Ses crocs encore complètement sortis faisaient un bon pouce de longueur.

Un sourire espiègle se dessina sur le visage du garçon.

Ah non pas moi, moi je n’aime pas me battre. Dit-il d’un ton enjoué. Mais lui il aime bien !

L’enfant s’écarta alors, pour laisser voir ce qui se trouvait derrière lui, de l’autre coté de la porte. Freefall n’avait jamais vue une chose pareille ! Et pour tout dire, elle ne le vit pas en entier, pas tout de suite, mais lorsque la créature écroula la porte et une bonne partie du mur pour entrer, la jeune femme se retrouva devant ça :

Spoiler:

Un vozhd ! Une goule guerrière était déjà un défit pour un vampire centenaire, et le vozhd était ce qui se faisait de plus haute gamme. Freefall n’avait aucune chance !

La tête penchée sur l'échiquier aux pièces rouges et blanches, Arwen coinça derrière une oreille la mèche de cheveux rebelle qui retombait sur le terrain de combat, et continua à observer la position des camps adverses. L'armée rouge dominait largement, quelques unes de ses pièces maitresses intimidaient ses pâles ennemis tandis que d'autres protégeaient d'une garde rapprochée le souverain à la couronne sang.

Les yeux azurés de la kendoka balayaient sans cesse le champ de bataille, revenant régulièrement étudier la position des deux cavaliers rouges. Ces derniers étaient les pièces maitresses du jeu adverse, Alucard les utilisait plus que toutes autres, démontrant une préférence marquée pour le duo à cheval. C'étaient donc les proies principales de la jeune femme, qui aurait bien aimé en incommoder son maître. Mais même en cherchant plus longuement, elle ne trouva aucun moyen de l'en défaire, aussi finit-elle par soupirer :

Fou en....-

Elle s'interrompit à l'apparition de petites traces de pas pourpres qui s'avançaient depuis la dame rouge jusqu'à la case où elle avait voulu approcher son fou. Une croix chrétienne se dessina alors sur l'emplacement, puis une tombe où s'inscrivit petit à petit :

"Ci-gît Fou Blanc, brave soldat décédé sous le commandement suicidaire de la furie blanche, Nécrophile 1ère du nom. Paix à son âme."

Agacée, Arwen se retourna et foudroya du regard le No Life King. De son côté, ce dernier restait paisiblement allongé dans un fauteuil placé juste en face d'une fenêtre d'où il observait le clair de lune, un verre de vin à la main. Il ne semblait pas prêter attention au combat que menaient les pièces d'échec, qu'il laissait la kendoka déplacer selon ses ordres sans besoin d'y jeter un seul regard pour se situer dans le jeu. Pourtant, un sourire discret indiquait qu'il s'amusait de cette bataille -ou plus exactement des erreurs tactiques que commettait son élève téméraire.

La jeune femme prit le tissu trempé de sang posé sur le dossier de sa chaise, se retourna et épongea une fois de plus l'échiquier sali par les menaces du vampire. Sa mauvaise humeur rendait ses gestes maladroits, elle avait du mal à ne pas renverser les pièces mais parvint finalement à nettoyer le champ de bataille sans faire plus de morts. Elle réfléchit ensuite plus intelligemment à son jeu, annonça le déplacement d'un pion, attendit qu'Alucard ne l'en critique et, aucun message de sang ne venant engluer l'échiquier, finit par bouger la pièce blanche.

Conscient que la dame était la pièce fétiche de sa disciple, Alucard s'était empressé de l'en défaire à la première occasion. La suite s'était alors simplifiée, le jeu d'Arwen perturbé par sa mauvaise humeur. Elle détestait perdre. C'était tout l'intérêt de jouer contre elle. D'ailleurs, ses défaites répétées ne l'empêchaient pas de revenir chaque fois réclamer sa revanche, bien qu'elle sache son maître trop expérimenté pour espérer le surprendre sur ce terrain.

Après avoir annoncé mentalement l'avancée de sa tour, le Nosferatu porta son verre à ses lèvres et but une gorgée de vin, le regard toujours levé vers la lune, d'une clarté magnifique en ce milieu de nuit paisible. Pourtant... Pourtant, une désagréable sensation le tourmentait, l'intuition persistante d'un danger imminent. Il lança un rapide coup d'oeil vers la kendoka, qui grimaçait devant la tour rouge menaçant de prendre son dernier cavalier. En dehors de sa mauvaise posture sur le champ de bataille, Arwen n'était pas en péril. Or, elle était la seule de ses proches à nécessiter parfois sa protection - ce benêt de dragon efféminé était protégé par son don calyptien, Sarah disposait de pouvoirs redoutables et pouvait le contacter à tout moment, Nimenor mettait à genoux n'importe quel homme par sa simple beauté et Ryu... restait Ryu.

Il ferma les yeux et tenta de se souvenir l'instant où il avait commencé à ressentir cette impression de menace. Freefall était partie après le crépuscule pour chasser, -comme à son habitude- et Arwen était arrivée dès qu'elle avait remarqué l'heure de chasse de sa rivale -comme à son habitude. Rien de particulier n'avait interrompu leur jeu, la jeune femme s'était même détendue malgré son agacement face à la victoire rapide du mage, esquissant de temps à autre un sourire enjoué.

Alucard se redressa en sursaut. Cet instinct, il l'avait ressenti au premier sourire de la kendoka, et pour cause. Depuis l'arrivée de Sarah, la nécrophile n'avait jamais pu rester seule en sa compagnie suffisamment longtemps pour se détendre réellement, sa rivale revenant toujours assez tôt pour lui gâcher le plaisir de sa complicité avec l'Esper Magister. C'était la première fois que la kendoka n'était pas agressée durant une visite de courtoisie dans le manoir, et la nuit était bien trop avancée pour que ce calme perdurant soit normal.

Posant négligemment son verre sur l'accoudoir du fauteuil, Alucard appela sèchement sa disciple caïnite :

Sarah !

« Personne ne t’a demandé d’intervenir ! Je n’avais pas besoin de ton aide ! »

Encore inconsciente, Freefall entendit les brides d’une conversation.

« Je passais juste par là et je l’ai rencontré en chemin. Je savais que ça te ferait plaisir. »

La première voix semblait irritée, et la seconde plus enjouée. Une voix d’enfant ?

« En te servant d’un de mes hommes comme appât ? Celui-ci est revenu presque vidé et a la limite de la mort ultime ! »

La nouvelle née sentit le sol de pierres dur sous elle. Où était-elle ? Les forces lui manquaient, et ses esprits lui revinrent péniblement... Ces voix, elle les connaissait...

« Est-ce la fille coupable de diablerie ? J’ai entendu dire qu’elle échappait a tous tes plans de capture. Est-ce vrai qu’elle a été engendré sans permission ? Sur ton territoire ?

ASSEZ ! Dis-moi plutôt ce que tu fais ici !

Comme je te l’ai dis je suis en mission pour Eux, tu en saura plus lorsqu’ils le décideront. Allons, n’es-tu pas content ? Tu devrais juste me remercier. »

Trop faible pour bouger, Freefall parvint tout de même a ouvrir les yeux. Elle était allongée par terre, dans une pièce sombre, une sorte de cachot. Les voix étaient toutes proches et discutaient près d’elle... L’enfant ! Elle s’en rappelait maintenant ! Il avait appelé une espèce de goule mutante contre elle.. de toutes évidences elle avait perdue. Tentant de puiser sur ses quelques forces Freefall arriva a tourner la tête vers eux. L’enfant était bien là, il discutait avec un autre vampire. Elle l’avait vue au procès de l’Endive. Des barreaux sombre et hérissés de pics séparaient les deux vampires de la cellule où elle gisait. L’enfant la remarqua soudain et apparut brusquement accroupis près d’elle.

*Maître ?*

Elle avait crue entendre une voix lointaine l’appeler, mais sa réponse n’atteignît pas son maître. Déjà l’enfant tendais un bras vers elle, lui souriant de l’air le plus amical du monde, et elle perdit conscience.

Son lien de sang n’est pas complètement bloqué, elle a put l’entendre.
L’enfant vampire se releva et se désintéressa de Freefall, se retournant vers Viktor.

Peut importe, il est temps pour lui de recevoir son invitation.

Oh ! Laisse moi y aller ! Je suis très curieux de le rencontrer !





Alors que le maître des lieux s’inquiétait de ne pas avoir de réponses de sa progéniture, une voix fluette, a coté d’Arwen, s’exclama sur un ton sérieux.

Le fou blanc prend le cavalier rouge en 4-F !

Souriant de toutes ses dents de vampire a la demoiselle surprise de le trouver là, il s’éloigna d’elle pour venir en face d’Alucard.

Vampire Alucard du Nieb je présume ? Ravis de faire votre connaissance, j'ai beaucoup entendu parler de vous !

- AHA !!!

Souriant d’amusement au surnom que lui conféra l’autarkis, l’enfant s’appuya contre un mur. Délivrant son message d’un air détaché.

Vous êtes convié a vous rendre sans tarder devant le conclave du Primogène, à la demande du Prince régent Viktor, afin d’assister au jugement et à la destruction de votre progéniture.

Ce havre semblait cruellement vide et spartiate , semblable a un gîte de passage. Alucard avait l’air de se contenter du strict nécessaire. Son message livré, l’enfant se décola du mur et se tin droit et, d’un air détendu, posa ses mains derrière sa tête.

Je dois vous y conduire ou, si nécessaire, vous y traîner de force.

Dit-il avec un grand sourire... Puis, haussant les épaules.

Mais je préférerais faire ça sans violence. Ce sera plus rapide et moins fatiguant.