Une nouvelle nuit, enfin du repos [PV Arwen]

Arwen partit retrouver Mythril sitôt qu'elle fut de retour au palais, un peu soucieuse quant à ses premières impressions. Il sembla toutefois que son après-midi s'était bien passée, et après avoir un peu conversé avec lui de sujets et d'autres pour le simple plaisir de sa compagnie, la kendoka partit rejoindre Doushi. Elle se dirigea ainsi vers sa chambre, mais s'arrêta net à quelques pas lorsqu'elle l'aperçut par la porte entrouverte. Le jeune homme était sur le point de se changer, elle aurait été bien discourtoise de le déranger en cet instant. Elle attendit donc silencieusement, le regard perdu dans sa direction, lorsque...

-"Voulais tu me demander quelque chose Arwen...?"

Déçue, elle entra et referma la porte derrière elle. Un sourire gêné, rare chez elle, apparut sur son visage tandis qu'elle lui répondit :

- Pas exactement. J'étais venue m'excuser pour la froideur que j'ai montrée à ton encontre un peu plus tôt. Tu n'étais pas responsable de ma mauvaise humeur, la colère et la peine me font parfois réagir de façon irrationnelle, j'ai reporté les torts d'un proche sur toi. Je suis sincèrement désolée, j'aimerais que tu oublies cela.

Elle n'avait pas osé s'approcher et restait près de la porte, prête à partir lorsqu'il la congédierait. Devinant qu'il aurait sûrement du mal à comprendre sa confusion, elle expliqua avec douceur, le regard abaissé et un sourire discret aux lèvres :

- Lorsque je te regarde, c'est parfois lui que je vois, plutôt que toi. Tu lui ressembles beaucoup... ce qui est agréable au regard, mais l'est parfois moins quant aux impressions que j'ai de toi.

Assise sur la chaise que lui avait proposée Doushi, Arwen hésita avant de répondre. Était-il risqué de lui confirmer ce rapprochement entre l'homme qu'il devait ignorer avoir été, et celui qu'il était aujourd'hui ? Cherchant à éviter son regard, elle admira sa chambre et sourit d'un air amusé en la découvrant similaire à celle de son Maître d'armes. Finalement, elle posa son regard sur le jeune homme et répondit calmement :

- Sûrement plus que tu ne l'imagines. Ce n'est pas forcément une mauvaise chose, cela dit...

Elle lui adressa un sourire enjoué, et poursuivit :

- Si je n'avais pas fait cette confusion à notre rencontre, j'aurais chevauché jusqu'à la calèche où je croyais le parchemin dissimulé, et ne t'aurais pas provoqué en duel. Nous ne serions alors pas alliés... Cela aurait-été dommage, non ? En plus, je serais revenue les mains vides auprès de mon capitaine pour la première mission qu'elle me confiait !

Amusée par cette éventualité si insignifiante à côté de l'importance qu'elle attachait à son Maître, sur lequel elle pouvait désormais veiller, la kendoka rit de bon cœur. Puis, elle revint sur une remarque que le jeune homme lui avait faite plus tôt dans la journée :

- A propos de cet après-midi... Mon silence semblait t'apparaitre comme une barrière à la confiance que doivent partager des alliés. Mais je t'ai vite naturellement accorder la mienne, j'en ai oublié qu'il n'en était pas de même pour toi. Je serais peut-être parvenue à plus de retenue si j'avais essayé de voir les choses selon ton point de vue. Je ne ferai plus l'erreur de te confondre avec Néo.

Arwen se retint de sourire, amusée par la comparaison désavantageuse qu'il faisait de Néo et lui-même. Étant de nature franche et directe, elle n'avait pas compris qu'il ne parlait ainsi que par politesse. Le compliment qu'il lui fit ensuite la toucha, probablement plus qu'il n'aurait pu le penser.

- Merci. Je suis soulagée que tu sois satisfait, je redoutais de te décevoir.

Elle s'était habituée à attirer des ennuis à Néo, et avait craint de représenter la même gêne pour Doushi. Elle lui répondit alors calmement, dans l'ordre de ses remarques :

- Tu te trompes, je ne cherchais pas Néo. Pour tout te dire, je craignais sa réaction à notre prochaine rencontre, j'avais peur qu'il ne me méprise pour la voie que j'avais choisie, en piraterie. Je ne regrette cependant pas d'avoir quitté mon équipage. J'aimais la vie en mer et mes frères d'arme, l'alcool et l'aventure. Mais j'allais à l'encontre de mes principes, en m'attaquant à plus faible que moi par simple cupidité. L'or m'importe peu, je suivais mon capitaine pour le plaisir des combats, et regrettais de le faire au dépend d'autrui. Ici, c'est différent, les raisons que j'ai à faire couler le sang me paraissent justes, nos adversaires n'ont rien d'innocent. Je peux apprécier mes affrontements sans culpabiliser.

Elle plongea son regard azuré dans les yeux sombres du jeune homme, et ajouta avec douceur :

- Pour avoir eu l'honneur d'opposer mon sabre à l'épée de Néo, je peux te rassurer quant à la comparaison que tu présentes à ton désavantage. A mes yeux, vos forces sont équivalentes... Vous êtes les deux seuls rivaux que j'admire assez pour espérer un jour parvenir au même niveau.

- Rien ne me paraitra indiscret venant de toi : ta curiosité m'apparait comme une marque d'intérêt à mon égard, ce que j'apprécie sincèrement.

Répondit distraitement Arwen tandis qu'elle réfléchissait à sa question. Elle n'avait rien prévu au delà de l'aide qu'elle espérait apporter à Néo afin qu'il ne retrouve la mémoire. Sa première pensée fut de retrouver comme avant son Maître d'Armes pour perfectionner ses compétences au sabre... mais elle se souvint la rancune qu'elle lui gardait et devina que sans réconciliation, cette possibilité ne serait que difficilement envisageable. Elle songea alors au vampire du Sahoc, mais appréhenda l'éventualité de rester auprès de lui, loin de Néo. En fait, ce qu'elle aurait voulu, c'était...

- Si je le pouvais, je choisirais de continuer à tes côtés par la suite. Je suis passionnée par les arts martiaux, et je n'apprécie rien autant que d'affronter un adversaire que j'aime et respecte. J'étais heureuse des enseignements dont Néo m'instruisait, mais je ne sais pas si nous pourrons nous entendre à nouveau, à présent. Alors... Je ne suis pas sûre de la voie que je prendrai, je sais seulement que j'aurais aimé pouvoir te demander de m'accorder de nouveaux duels à l'avenir, à défaut de pouvoir te suivre.

La tristesse et l'inquiétude imprégnèrent ses traits, qui se firent soucieux. Elle en voulait à Néo, pour le sceau qu'il avait demandé à recevoir. Elle n'avait pas l'intention d'oublier sa déception sans bonnes explications ou regrets, mais elle doutait sincèrement qu'il ne lui en adresse. Cependant, le souhait qu'elle avait émit de combattre Doushi à nouveau n'était pas plus réaliste, puisqu'il disparaitrait aussitôt que Néo reviendrait.

Arwen s'étonna d'en ressentir également de la peine. Pourtant, bien qu'elle ait du mal à se l'admettre, c'était avec Doushi, plutôt qu'avec Néo, qu'elle se sentait le plus à l'aise. Son collègue était moins distant, et moins renfermé que son Maître d'armes, il était beaucoup plus simple de converser avec lui. Par ailleurs, la kendoka devait beaucoup à Néo, qui l'avait sauvée plus d'une fois et en avait parfois été bien mal remercié, les colères et l'indiscipline de son élève lui ayant causé des désagréments qu'elle regrettait. Elle devait moins à Doushi, et n'avait que peu à regretter quant à l'attitude qu'elle avait eu jusque là en sa présence : sa relation avec lui n'était donc pas gênée par les remords et la sensation oppressante de lui être redevable, comme c'était le cas avec Néo...

Arwen ne cacha pas son étonnement, puis sa joie lorsque le jeune homme accepta sans hésitation sa compagnie au delà de leur travail. Elle ne s'était pas attendu à ce qu'il s’accommode de sa présence si peu de temps après leur rencontre... Un sourire ravi égaya ses traits, avant qu'elle ne se rappelle la séparation forcée que représenterait le retour du chevalier noir une fois leur mission remplie. La désillusion de ses beaux projets la ramena violemment à la dure réalité. Elle s'efforça d'ignorer le sentiment de peine qui l'envahit et profita de l'explication de Doushi pour l'interroger, feignant la surprise :

- C'est donc pour cela que tu me disais que "Doushi" n'était pas ton vrai nom ? Tu as perdu la mémoire... Quelle est la première chose dont tu te souviennes ?

Elle avait beau savoir les raisons de son amnésie, elle était curieuse d'apprendre la façon dont il avait vécu son étrange "réveil" sans souvenirs.

- Je vois...

Souffla la kendoka perdue dans ses pensées. Elle se leva alors de sa chaise et s'approcha du jeune homme appuyé sur son bureau, lui souriant avec douceur tandis qu'elle lui avouait :

- Je suis impressionnée par l'homme que tu as su devenir sans aucune mémoire de ton expérience passée. Nos qualités se forgent le plus souvent d'après les erreurs que nous en tirons... Mais toi, dont les souvenirs s'arrêtent aux deux mois précédents seulement, tu ne dois ton caractère qu'à toi-même. Et c'est un caractère admirable, du peu que j'ai pu en apprécier depuis notre rencontre.

- Ha...

Surprise par le geste de Doushi et rendue muette par le compliment auquel elle ne savait pas quoi répondre, Arwen se laissa faire, l'air hébété. Son visage prit une légère teinte rouge, puis elle parvint à balbutier :

- Bonne nuit Doushi, à demain.

Elle se retourna soudain et quitta la pièce. Lorsqu'elle rejoignit sa chambre, aucun des mots elfiques qu'elle s’efforçait de lire n'imprégnait son esprit, ses pensées toujours tournées vers le jeune homme.