Après le sang vient le beau temps (PV Archess)

Une semaine. Cela faisait une semaine qu'Arwen remettait au lendemain sa visite au temple de Gaia. Elle redoutait un peu l'échange qui s'ensuivrait avec sa guide spirituelle, certes, mais la véritable source du retard était le vampire mage. Car depuis qu'il lui avait enseigné le sort de pluie de sang, la jeune femme était devenue la victime régulière de son propre don. Celui-ci se déclenchait dès lors que des émotions fortes échappaient à son contrôle, ce qui aurait dû n'arriver que de temps à autre. Mais Alucard, peut-être parce que sa nature de vampire lui ternissait la beauté du soleil, trouvait très à son goût la pluie carmine, et s'employait à la provoquer aussi souvent que possible. Il y parvenait d'ailleurs avec un talent certain, imparable.

La plupart du temps, il se contentait de taquiner la susceptibilité de la kendoka par télépathie, et une averse de colère rouge s'abattait alors sur elle. Mais d'autres fois, il se complaisait dans l'inventivité de nouveaux tours et recherchait des émotions plus variées. Ainsi Arwen eut-elle la surprise de se réveiller auprès d'un nouvel animal de compagnie à huit pattes quelques nuits plus tôt. L'on racontait que les habitants du quartier nocturne, pourtant habitués aux cris d'épouvante, n'avaient, jusqu'à cette nuit, jamais entendu de cri aussi perçant. Et Arwen avait été réprimandée par son Maître, qui lui avait reproché le chemin de sang qu'elle avait tracé en se déplaçant dans sa chambre alors que la pluie tombait. Elle avait dû nettoyer l'inondation dans la pièce, et Alucard l'avait priée de "cesser de mouiller son lit" , arguant avec le sourire que ce genre d'incident n'était plus de son âge.

Mais les plaisanteries du vampire s'étaient petit à petit atténuées, si bien que la veille, il n'avait pas plu une goutte de sang sur la kendoka. Ce matin, donc, après avoir prié intérieurement durant tout son trajet dans le quartier des cultes pour que le sang ne coule pas dans un lieu saint, Arwen parvint au temple de Gaia. Deux gardes encadraient l'entrée du temple. Elle se demanda vaguement si les elfes la reconnaissaient. Comme à son habitude lorsqu'elle venait au temple, elle portait une longue robe de soie blanche qui lui ceignait élégamment la taille, et Gekido parait sa hanche. Mais depuis sa dernière visite, ses cheveux autrefois blonds avaient blanchis, et l'ombre qu'elle n'avait plus la suivait à nouveau docilement.

- Mára aurë.

Son elfique s'était amélioré depuis qu'elle avait pris des leçons avec Mythril mais, inquiète, elle ne songea pas à s'en enorgueillir. Elle fit quelques petits pas hésitants dans le temple, attendit. La pluie ne tombait toujours pas. Elle se détendit un peu, et commença à chercher Archess du regard.

§§¤ D’abord déçue de ne plus voir Arwen à ses leçons d’elfique, j’appris qu’elle n’était plus vue par les elfes officiants du temple. L’inquiétude commença a se saisir de moi, et les rumeurs de son enlèvement parvinrent finalement jusqu’a moi, achevant de m’alarmer. Les précisions que me donna Néo lorsque je vint à lui m’affligèrent plus encore. Je refusait d’abord d’y croire, persuadée qu’Arwen ne pouvait tourner si mal, mais je dût me faire à ma déception. Pourquoi Néo m’aurait-il mentit ? Mon impatience de revoir Arwen ne fit alors que grandir, tout autant que mon appréhension. Je redoutais ce que j’allais découvrir mais voulais la voir en face, de mes yeux.

Lorsqu’Arwen pénétra dans le temple un officiant s’empressa d’aller me trouver. Il n’était pas certain de l’avoir bien reconnue, mais, malgré son hésitation, m’annonça qu’Arwen venait probablement d’entrer dans le temple. Je la reconnue tout de suite et, Gaïa soit louée, ne la trouva nimbée d’aucune aura maléfique ! Comme pour confirmer ce que mes yeux me montraient, Hylfie alla tournoyer autour d’Arwen, lui faisant la fête, toute joyeuse de la revoir après si longtemps. J’approchais à mon tour une fois que la jeune humaine m’aperçue enfin. Malgré mon soulagement je n’oubliais pas qu’Arwen était une sahoc. Qu’elle ai abandonné le Nieb me décevais, mais je ne pouvais le lui reprocher. Qu’elle embrasse le partie de la Reine du mal par contre me laissait un amer sentiment de trahison. Comment avait-elle put s’égarer à ce point ? La stupeur m’arracha mes premiers mots... ¤§§

~ Ton ombre... !

§§¤ Mais la joie de cette découverte fut vite étouffée par mon immense peine. ¤§§

~ Je suis désolée que le tribunal n’ai pas accepté de te rendre ton ombre.

§§¤ Dis-je sincère. ¤§§

~ Tu ne méritais pas cette malédiction... Et cette arakk ! S'acharnant a salir ton nom !

§§¤ Les autres jurys, hélas, s'étaient montrés for peu actifs et avaient laissé Arwen se défendre seul contre les attaques de l'arachnide, dont le seul avis fut entendu. ¤§§

~ Mais comment à-tu pus te tourner vers le Sahoc ? Et devenir une brigande ? Une pirate sans foi ni loi qui vole la vie et s’attaque aux innocents... pour leurs richesses ? Tu as même combattue ceux qui étaient venus te sauver !

§§¤ Le respect et la valeur de la vie étaient des préceptes importants du temple. À quel point Arwen les avait-elle reniés ? J’espérais qu’elle vienne ici repentante, et qu’elle soit restée fidèle au moins au serment de sa lame bénie. Tout crime perpétré par cette arme serait commit au nom de Gaïa, et j’en serais alors la seule responsable. Je ne comprenais pas. Arwen était une humaine, encore jeune et enclin à faire des erreurs, mais comment avait-elle put s’égarer à ce point ? Je ne voulais pas l’accabler de reproches, j’attendais des explications. Mais je ne pouvais taire ce que j’avais sur le cœur.

Hylfie avait depuis longtemps cessée de tourner autour d’Arwen. Vexée de pas être le centre d’intérêt, la petite fée était allée embêter quelqu’un d’autre. ¤§§

Une joie sincère illumina le visage de la kendoka à la vue de son Maître spirituelle; plus ravie qu'elle ne l'aurait cru elle-même, elle ne put s'empêcher de sourire lorsque celle-ci la rejoignit. Après une brève inclination de la tête, elle commença à la saluer respectueusement mais fut interrompue aussitôt par la mage, qui parla sans lui laisser l'occasion de répondre. A la fin de son interrogatoire, Arwen, prise au dépourvue par cette avalanche de questions, ne sut par où commencer. Finalement, elle commença par le début:

- Ne soyez pas désolée, Wen Archess...

Dit-elle calmement dans un elfique perfectionné par les leçons de Mythril.

- Un mage m'a accordé l'aide que le Nieb m'a refusée, voila tout ce qui importe aujourd'hui.

Son sourire s’affaissa, et elle poursuivit, le regard plus sérieux.

- Qui vous a dit que j'avais combattu mes sauveurs? Cela est faux, je les ai protégés de mon mieux... En revanche, je me suis bien tournée vers le Sahoc. Je n'ai pas pour autant abandonné mes principes.

L'air grave, elle expliqua:

- Wen Archess, vous avez toujours présenté ma malédiction comme une injustice. Si le Nieb était juste, pourquoi m'a-t-il refusé son aide quand j'en avais tant besoin? Et si le Sahoc est si injuste et mauvais, pourquoi est-ce d'un mage du Sahoc que j'ai finalement reçu cette aide tant espérée? Pourquoi, lorsque j'ai été capturée, est-ce que seuls Néo et Alucard, deux grandes figures du Sahoc, se sont portés à mon secours?

La jeune femme ne laissa pas à l'elfe le temps de répondre.

- Peu m'importent les raisons, en vérité. Quelles qu'elles soient, j'ai compris après mon procès que la vision de justice que valorise le Nieb ne correspondait pas à mes idéaux. En tant que membre du Sahoc, je suis libre d'appliquer la justice en laquelle je crois, je puis protéger mes principes.

Sa voix s'adoucit lorsqu'elle poursuivit.

- Et ceux-ci n'ont pas changés, Wen Archess. Si le vol et la violence me font défaut, je n'ai jamais assassiné de sang froid un innocent. Et je n'ai pas l'intention de m'y prêter un jour.

Craignant que l'Esper n'entame un débat qui serait alors sans fin, Arwen décida d'entrer dans le vif du sujet.

- Wen Archess, je suis toujours fidèle au culte de Gaia. C'est pourquoi je suis venue confesser une faute grave à la Grande Prêtresse, dans l'espoir qu'elle m'accorde son pardon. Mais ai-je encore votre attention, à présent que je suis du Sahoc? Ou bien est-ce que mes choix politiques me fermeront les portes du temple?

§§¤ A mon étonnement l’elfique d’Arwen avait beaucoup progressé. Avec qui avait-elle appris ? Je fus contente de voir qu’elle apprenait toujours l’elfique, même si c’était avec quelqu’un d’autre, et ses progrès me rendirent assez fière d’elle. ¤§§

~ Je l’ai su de la bouche de Néo. Le rapport d’Alec précise que tu as retournée ton épée contre eux.

§§¤ Je ne connaissait pas cet Alec, je savait seulement qu’il était un des disciples de Néo. Un jeune homme que j’avais dût croiser parfois, assez solitaire. Ce que me confirma Arwen me sembla cependant plus important que de savoir qui avait raison ou non. Une Sahoc ! N’était-ce pas assez, déjà, que Néo se soit fourvoyé ? Fallait-il que son élève le suive dans son erreur ? Je n’eu pas le temps de répondre au résonnement sans sens que ce vampire rouge lui avait sûrement enfoncé dans la tête ! Était-il d’ailleurs pour quelque chose là dedans ? J’étais certaine qu’il était au moins en parti coupable ! ¤§§

~ Ce temple ne te fermera pas ses portes !

§§¤ Dis-je surprise qu’Arwen ai put penser le contraire. Lui tourner le dos m’était impensable, malgré son égarement. Et je voulais croire qu’elle pouvais encore revenir sur le bon chemin. Ne priait-elle pas toujours Gaïa ? ¤§§

~ Même si tu t’es perdue sur la voie du mal. Le Sahoc n’est que violence et que cruauté, et sa seule loi est celle du chaos. Mais tu est ici en tant que fille de La Mère. Je t’écouterais, et t’aiderais si je le puis, que tu viennes trouver une amie ou une grande prêtresse.

§§¤ Glissant dans l’air à l’aide de mes bottes de Sylphe, je fis un bond en arrière, me perchant sur une sculpture murale en hauteur. ¤§§

~ Mais ne crois pas que je soutiendrais ton choix d’être pirate !

§§¤ Dis-je en la pointant du doigt. ¤§§

~ Je prierais pour que tu retrouve la raison.

§§¤ Qu'elle soit hors la loi n'était pas ce que je lui reprochais, mais les pirates n'étaient rien de plus que des bandits des mers. Attaquant et pillant les gens juste pour leurs richesses. Souvent des cibles plus faibles, et rarement sans blesser personne. Je doutais malgré ce que disait Arwen que sa bande épargne une proie pleine de trésors sous prétexte qu'elle est innocente. ¤§§

Soulagée de se savoir toujours la bienvenue dans le temple, Arwen répondit au discours d'Archess par un sourire reconnaissant. Puis, la prêtresse bondit sur une sculpture, et la jeune femme ne put s'empêcher de la toiser avec incrédulité, les yeux écarquillés devant ce qui lui apparaissait comme une profanation. Bien qu'elle n'en dît rien, il lui semblait que c'était peut-être à elle, plutôt, de prier pour le retour à la raison de sa guide spirituelle. La surprise passée, la kendoka éprouva une irrésistible envie de rire et dû se rappeler les raisons de sa venue pour retrouver son sérieux.

- Je vous remercie de votre bienveillance, Wen Archess.

Elle demanda à la prêtresse de les diriger vers lieu où leur conversation resterait privée, et ensuite seulement lui confessa:

- J'ai tué à plusieurs reprises Wen Archess, mais sans regrets car je considérais et considère toujours que mes victimes le méritaient. Il y a quelques mois, en revanche, l'homme que j'ai tué m'était inconnu et ne m'avait pas agressée. Je l'ai tué accidentellement. Au sabre...

Son crime avoué, Arwen se sentit déja étrangement mieux. Archess ne pouvait que s'offusquer de cette faute, mais à présent, la kendoka se sentait déchargée d'un poids. Elle avait tû son crime longtemps, et ce secret avait attisé ses remords. Elle redoutait assurément la colère, la déception ou le rejet de la prêtresse, mais quel que soit son châtiment elle savait qu'il ne pourrait être plus sévère que la culpabilité dont son silence l'avait punie.

- Mon capitaine m'avait envoyée voler un document à un noble du Sahoc sur ses terres. Je m'y suis introduite, mais l'un des hommes du seigneur m'a repérée, et m'a empêchée de récupérer le bien dont j'étais venue m'emparer. Cet homme, c'était Néo Ligthfellow. Lorsque je l'ai reconnu, il m'avait déja attaquée, c'est donc par le sabre que j'ai répondu à son agression. Je n'avais pas l'intention de le tuer, nous avions l'habitude de nous affronter et je concevais notre duel plutôt comme un simple règlement de comptes. Le combat s'avéra tourner en ma défaveur, je fis donc léviter par magie l'un des gardes qui nous encerclaient pour l'envoyer dans le dos de Néo tandis que j'attaquais de front. Mais je ne m'étais pas du tout attendue à ce que Néo saisisse son collègue et ne s'en serve comme bouclier... Je n'ai pas su arrêter mon geste à temps, l'homme est mort sous le fil de ma lame. J'implore votre pardon pour la transgression à ma promesse, Wen Archess, et pour le crime que j'ai commis.

§§¤ A la demande d’Arwen nous allâmes marcher dans la parc que je demandais exceptionnellement privé. La confession qu’elle me fit alors me fit de la peine. Je m’attendais bien sur à ce qu’elle soit un jour amenée à tuer quelqu’un, la voie des armes menait fatalement à la mort, mais pas a ce qu’elle n’en éprouve aucune peine. La vie était précieuse, et la mort toujours une chose triste. Cet « accident » m’horrifia. Se servir d’un de ses hommes comme bouclier était loin, très loin de l’idée de noblesse que je me faisais de Néo. Mais plus encore, les derniers mots d’Arwen me firent comprendre toute la gravitée de son crime ! ¤§§

~ Tu as impliqué cet homme dans ton duel et provoqué sa mort !

§§¤ Lui dis-je avec reproche. L’homme était peut-être du Sahoc, mais n’était qu’un garde défendant les biens de son maître contre une voleuse. Arwen avait donc impliqué et tué un innocent. Un meurtre gratuit et inutile, commis au nom de quelle justice ? Aucune ! Simplement pour l’appât du gain, et avec Gekido ! ¤§§

~ Est-ce vraiment la voie de ton épée ? À tu appris de Néo pour cela ?

§§¤ Mon ton vacillait entre colère et déception. ¤§§

~ Être une voleuse ? Une criminel ?

§§¤ Mais Arwen semblait sincèrement regretter sa faute, et n’avait pas volontairement brisée le serment de sa lame. Le meurtre lui-même était un accident, et n’était-elle pas d’elle-même venue se confesser pour chercher le pardon ? Le fait qu’elle vienne se tourner vers le temple prouvait l’importance qu’elle attachait a son serment. Et je voulais croire en elle. Comme les enfants elle faisait des fautes et devait apprendre de ses erreurs. Mais les conséquences étaient lourdes. ¤§§

~ Je te crois...

§§¤ Dis-je en elfique. ¤§§

~ Reçois mon pardon au nom de La Mère.

§§¤ Je décidais de lui laisser son épée cette fois. Mais si le serment devait encore être brisée peut-être n'aurais-je plus le choix et serais obligée de lui reprendre Gekido. ¤§§

~ Mais aucune richesse ne vaut une vie. La force n’est pas seulement de savoir quand frapper, mais aussi de savoir quand ne pas frapper, et quand épargner. N'oublis jamais l'importance d'une vie, Wen Arwen, et ta conscience te dictera le bon choix.

Les yeux baissés, Arwen ne répondit rien aux remontrances d'Archess. Elle avait raison, il n'y avait rien à répliquer. Elle n'osa relever le regard que lorsque l'elfe décida de lui pardonner, à sa grande surprise. Elle inclina doucement la tête à son dernier conseil, songeuse. Lorsqu'elle quitta le temple, la jeune femme se sentait toujours partagée entre le soulagement de sa confession et du pardon qu'elle y avait gagné, et l'incertitude de la voie à suivre. Finalement, sentant ses principes se heurter et la submerger de réflexions qui resteraient stériles, elle choisit d'aller apaiser son esprit à l'église chrétienne.

Malgré son talent à se perdre, Arwen retrouva aisément l'église, qui était sur le chemin du retour. Elle y pénétra lentement. Le serpent blanc à sa hanche pouvait ne pas être autorisé dans le lieu de culte, aussi attendit-elle à l'entrée qu'un prêtre ne la remarque pour demander l'attitude à adopter.

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