Entrainement d'Arwen

L'arrivée d'Arwen sur Calypta s'était faite juste en face de la salle d'entrainement, l'endroit parfait pour l'apprentissage qu'elle avait prévu de suivre avant son périple. La jeune femme sourit de ce "hasard" chanceux, dont elle avait oublié être en fait dû à ses propres réclamations auprès d'une personne influente de son monde... Ses doigts se resserrèrent autour de la poignée du sabre serpent, qu'elle avait hâte de libérer de son fourreau.

Elle avait manié l'arme durant six ans, suivant un entrainement intensif au cours duquel ses efforts acharnés lui avaient permis une acquisition rapide des réflexes et principales techniques du kendo. Toutefois, Gekido, son sabre au fourreau reptilien, n'avait pas souvent honoré d'adversaire, la formation à la voie du sabre s'apprenant principalement avec des sabres de bois. C'est pourquoi la jeune femme avait décidé en premier lieu de s'accoutumer au katana, dont elle faisait déjà une nette distinction avec l'arme d'entrainement, rien qu'au poids plus pesant du sabre dans sa main.

Elle pénétra la salle d'un pas assuré, et la trouva déjà occupée par un chevalier et ses disciples, qui s'affrontaient sous son regard attentif. Arwen avança discrètement dans la cour et observa les combattants d'un oeil auquel aucun de leurs mouvements n'échappaient, analysant mentalement les frappes des disciples. Lorsque leur entrainement toucha à sa fin, elle approcha le chevalier noir, qui lui tournait le dos, et l'interpella d'une voix douce et empreinte de respect :

- Monseigneur...

Elle s'inclina légèrement et un petit sourire au coin de ses lèvres trahit son enthousiasme. Les yeux brillants d'une impatience mal contenue, elle reprit :

- Vos hommes se sont admirablement dépensés dans leur entrainement. Votre devoir d'instructeur doit être bien frustrant, de vous tenir en maitre passif devant des élèves aussi impliqués. Que diriez-vous de donner sa leçon à une jeune adepte du sabre, qui n'attend que d'être remise à sa place ?

Tandis qu'elle avait réclamé un affrontement au chevalier, son sourire s'était élargi. Bien sûr, elle n'aurait aucune chance de le vaincre, mais tout au moins espérait-elle tenir suffisamment longtemps pour rendre le duel intéressant. Et surtout, montrer au seigneur une résistance assez émérite pour le convaincre de lui donner un enseignement particulier, qui lui permettrait de se défendre des ennemis que son prochain périple promettait de mettre en travers de son chemin...

D'un air plus sérieux, elle ajouta :

- Je m'appelle Arwen Blacksoul, et je serais honorée que vous acceptiez de m'affronter.

Les yeux plongés dans ceux du chevalier, elle attendit sa réponse, les doigts resserrés autour du fourreau de Gekido, prête à délivrer le sabre serpent.

Froissée par la décontraction du chevalier, Arwen attendit que celui-ci l'invite à commencer le combat, ses yeux bleus au regard noir toujours plongés dans ceux de son adversaire. Aussitôt qu'il se montra prêt, le sabre serpent jaillit de son fourreau, dans une attaque aussi rapide que puissante qui trahit la colère froide son maitre. Arwen avait réclamé ce duel avec un enthousiasme sincère, impatiente d'être mise à l'épreuve et de libérer Gekido. Mais sa fierté eut vite fait de prendre le dessus sur sa nature joueuse, et son style de combat s'en trouva influencé, l'emportant dans de violents assauts successifs.

La sabre serpent s'élançait inlassablement sur l'adversaire, sa lame fendant furieusement l'air au gré des déplacements continus de son maître. La jeune femme, habituée au port de lourdes protections dont elle était actuellement démunie, attaquait sans répit à une vitesse impressionnante, qui contrastait avec le calme et les déplacements relativement tempérés de son ennemi.

Mais l'absence d'armure n'était pas avantageuse en tout point : les assauts d'Arwen, aussi agressifs qu'impulsifs, offraient régulièrement des ouvertures au chevalier, qui profita de chacune d'entre elles pour la frapper doucement, lui faisant découvrir le goût nouveau de l'impact d'une épée sur son corps sans protection. Toutefois, au lieu de calmer la jeune furie, les coups ravivaient sa rage et Arwen redoublait ses agressions acharnées.

Alors qu'elle s'élançait vers le chevalier, celui-ci la prit tout à coup au dépourvu en la faisant tomber d'un croche-pied inattendu. D'abord hébétée par sa chute, la jeune femme retrouva vite ses esprits et réagit promptement à l'attaque de son ennemi, dont l'épée s'abattait vers elle. D'une main, elle brandit Gekido qui s'entrechoqua contre l'arme pour parer le coup d'une résistance tremblante sous la force adverse, et de l'autre main, elle s'arma du fourreau reptilien pour l'envoyer violemment dans le ventre du chevalier.

Sa frappe ne fit pas beaucoup reculer l'ennemi, dont l'armure avait largement affaibli l'impact, mais ce fut suffisant pour lui permettre de se relever d'un bond, la relançant dans un nouveau ballet de charges furieuses. Toutefois, la fougue de la jeune femme finit par la fatiguer, et ses mouvements amples devinrent plus prévisibles, d'autant plus que son jeu de jambes était découvert par le jean qu'elle n'avait pas pensé à échanger contre son hakama, l'habituel pantalon de kendo qui dissimule les positions d'attaque du kendoka.

Au bout de quelques minutes d'échanges intensifs, Arwen, essoufflée, tenta une attaque de front et, dans sa colère exacerbée par les parades du chevalier qui évitait silencieusement ses assauts, ne vit pas le pied de nouveau placé en travers de son chemin. Cette fois, la jeune femme tomba plus violemment à terre, laissant s'échapper le sabre serpent un peu plus loin sous son regard furibond.

L'irritation de la kendoka vaincue fut calmée par la voix sereine du chevalier, qu'elle ne quitta pas du regard tandis qu'elle se relevait. Sa mauvaise humeur lui revint vite, toutefois, attisée par le sarcasme de la disciple-qui-n'était-pas-un-homme et dont Arwen se promit mentalement un apprentissage prochain des bonnes manières... Elle tenta de deviner elle-même sa principale erreur, fusillant du regard la jeune fille pour répondre d'un ton méprisant :

- Ou ne pas t'avoir affrontée, toi, plutôt?

Son poing se resserra puis se rouvrit, surpris de ne pas enlacer des doigts la poignée reptilienne de Gekido. Arwen chercha des yeux l'arme égarée, mais se retourna vers le chevalier lorsque celui-ci s'adressa de nouveau à elle, écoutant attentivement ses remarques quant à ses défauts de duelliste. Elle apprécia la façon directe et précise dont le maître d'arme décrivit ses erreurs, et accueillit donc ses critiques avec un calme auquel elle n'était pas habituée.

Puis, le chevalier partit ramasser le sabre serpent, et Arwen l'observa avec méfiance se saisir de l'arme. Son désarmement la rendait nerveuse, et la vue de son plus fidèle allié dans les mains d'un ennemi potentiel accrut cette émotion de façon irrationnelle. Mais celui-ci lui rendit bientôt l'arme, qu'elle reprit après un hochement de tête pour le ranger avec soin dans son fourreau.

La remarque du chevalier la dérouta un peu. Elle n'avait pas songé au fait que l'empire ne connaissait pas les mêmes armes que son monde, où les katanas se pouvaient trouver relativement facilement, bien qu'à un prix onéreux. La jeune femme était particulièrement possessive, et très attachée à Gekido de surcroit, c'est pourquoi objet précieux ou pas, elle aurait de toute façon fait attention à son arme. Le conseil du chevalier la mit toutefois un peu plus en confiance, et elle lui répondit par un sourire empreint d'assurance.

Le maître d'arme interpella alors ses élèves, et Arwen regarda la jeune fille partir d'un air menaçant, désappointée de la laisser partir sans avoir pu se venger de sa remarque déplacée. Elle mémorisa mentalement son visage, décidée à ne pas abandonner sa rancune. Le chevalier la sortit tout à coup de ses fulminations intérieures, et elle releva les yeux vers lui.

- J'en ai l'habitude, oui, mais pas dans les mêmes conditions. D'ordinaire, je combats protégée et seulement armée d'un sabre de bois, contre des adversaires munis des mêmes équipements... Je n'ai encore jamais eu l'occasion de prendre part à un affrontement réel.

Son expression sérieuse s'adoucit d'un sourire enjoué.

- Mais je pressens que cet empire m'en donnera l'opportunité, et j'en suis impatiente. Toutefois... un affrontement n'est réellement plaisant que lorsqu'il est gagné. Et je sais ma formation encore trop incomplète pour être assurée de ce plaisir aussi souvent que je sortirai mon sabre. C'est pourquoi je me demandais... accepteriez vous de prendre en charge mon apprentissage au maniement des armes ?

Elle plongea de nouveau ses yeux dans ceux du chevalier, les sourcils légèrement froncés. La jeune femme était convaincue des talents de précepteur du maître d'arme, et désirait obstinément en bénéficier. D'ordinaire, elle écoutait les remarques de ses professeurs d'une oreille distraite par la colère et la mauvaise foi qui accompagnaient son orgueil quelque peu démesuré. Mais le chevalier était parvenu à lui faire entendre ses erreurs sans trop froisser son ego, malgré sa défaite cuisante, et elle savait qu'en plus de l'attention qu'il arrivait à attirer, l'homme était capable d'analyses franches et sans détour qui lui permettraient de véritables progrès... s'il acceptait de les lui partager. Elle insista, l'air déterminé :

- Mon style de combat est encore très imparfait, mais je suis une élève assidue et je suis prête à tous les efforts pour le perfectionner. Je prends plaisir au combat, je mettrai toute mon âme à améliorer mes compétences...

Souriant de nouveau, la jeune femme dévisageait le chevalier dont elle attendait la réponse...

Les quelques secondes de silence du maître d'arme parurent étonnamment longues à la jeune femme, dont la patience n'était pas la vertu première. Il lui avait parlé avec une franchise similaire à celle dont elle avait l'habitude de faire preuve, et ce point commun, le seul qu'elle leur trouva, la conforta dans le choix de son professeur. Ce serait lui et pas un autre, elle n'en démordrait pas.

Peu lui importait que l'homme puisse se retourner sans vergogne contre elle en cas de guerre : elle-même se montrerait sans pitié envers quiconque défendrait des principes contraires aux siens, et des états d'âme de la part du chevalier en une pareille situation auraient moins attiré sa sympathie que son mépris. Par ailleurs, elle ne craignait pas non plus l'avantage que la connaissance de ses faiblesses de duelliste donneraient à ce dernier dans un combat, son maniement du sabre n'étant pas le seul avantage sur lequel elle comptait en cas d'affrontement...

-"Je vois... Avant de vous donner une réponse finale j'aimerais vous poser une question vitale: Pourquoi souhaitez vous devenir plus forte...?"

La question du chevalier fit sourire Arwen. S'inquiétait-il de la responsabilité morale qui incomberait des actions nées de son entrainement ?

- J'ai l'intention de partir explorer les terres de Calypta et mes routes se poursuivront par delà les contrées civilisées. Je ne veux compter ni sur le hasard d'un voyage miraculeusement paisible ni sur l'aide d'un quelconque tiers pour en revenir saine et sauve. Or, je ne pense pas que mes compétences actuelles suffiront à m'assurer une protection à la mesure du périple que je prévois.

Tandis qu'elle parlait, la jeune femme dévisageait le chevalier, dont elle essayait de deviner les pensées. Elle apprécia un court instant les traits agréables de son visage avant de se concentrer à nouveau sur sa tentative de persuasion. Elle décida de lui parler franchement, incapable de se soustraire à sa nature sincère et directe :

- Je dois toutefois admettre envisager mon perfectionnement au sabre sur un plus long terme également, et dans un intérêt moins pacifique. Je ne suis pas femme à provoquer sans raison, et je n'attaquerais jamais une personne désarmée. Mais j'aime combattre, et j'aime surtout gagner. C'est un plaisir que j'entends me permettre chaque fois que mes principes l'exigeront, ou simplement par caprice, dès lors que mon adversaire montrera la même humeur joueuse...

Arwen haussa un sourcil interrogateur, curieuse de savoir la vision du chevalier quant à ses intérêts et philosophies. Elle se surprit alors à se demander le nom du jeune homme, qu'elle n'avait pas même pensé à demander avant de réclamer son enseignement. D'un autre côté, elle s'était présentée au début de leur conversation, et le maître d'arme n'avait pas jugé utile de lui retourner la politesse. Elle décida finalement de n'interroger le chevalier sur son nom qu'une fois que celui-ci aurait accepté de la prendre pour élève, à supposer qu'il le fasse. Et dans le cas contraire, eh bien, elle n'aurait pas d'intérêt à s'en soucier.

Un sourire sincère se dessina lentement sur les lèvres de la jeune femme tandis qu'elle fixait son professeur, ses grands yeux bleus trahissant une gratitude qui adoucissait ses traits habituellement sévères. Sans hésitation, elle saisit la main tendue pour la serrer fermement.

- Maître Néo, je saurai justifier la considération dont vous m'honorez.

Elle libéra finalement la main du sombre chevalier et l'observa de nouveau, songeant aux dernières informations dont il lui avait fait part. Ainsi était-il au service de la reine Angélique... Arwen ignorait encore tout du gouvernement de l'empire, et ne put donc deviner la nature de la faction à laquelle appartenait son instructeur, mais pour une raison qui lui échappait, le chaste nom de la reine éveilla sa méfiance, aussi bien envers la souveraine qu'envers son sujet. Ses yeux se détournèrent soudain du visage de ce dernier.

Les avertissements du chevalier lui revinrent à l'esprit, et un léger malaise s'empara d'elle. Elle pressentait, sans toutefois comprendre ses doutes, que le chemin qu'elle prendrait l'opposerait à son nouveau maître, et qu'il lui fallait limiter la confiance qu'elle avait été tentée de lui accorder tout naturellement. Sensible à son propre instinct, la jeune femme prit la résolution de se fier entièrement à Néo dans le cadre de son entrainement, pour néanmoins faire preuve de réserve à son égard en dehors de sa formation.

Satisfaite de ce compromis, elle avança d'un pas lent en direction de la sortie de la salle, s'adressant au chevalier tout en regardant devant elle :

- Puis-je vous demander de m'expliquer les distinctions entre les trois clans auxquels vous avez fait référence, Néo ?

La jeune femme écouta attentivement la réponse du chevalier, avant de s'arrêter brusquement. La demoiselle, incapable de rester immobile plus de quelques secondes, avait avancé par caprice sans même s'interroger sur la direction à prendre, et venait de se rendre compte de son ignorance totale non seulement du lieu dans lequel l'avait conduite la sortie de la salle d'entrainement mais également de l'endroit où se diriger.

Trop fière pour avouer son embarras, elle se retourna vers le maître d'arme et patienta d'un air impassible pour qu'il la dépasse, justifiant son arrêt soudain par une attente polie pour dissimuler sa confusion.

Le chevalier vint au secours d'Arwen, qu'il guida tout en lui expliquant les différents partis calyptiens. La jeune femme le dévisagea de nouveau, tentant de trouver sur son visage des expressions qui trahiraient mieux ses pensées que sa voix calme et posée. Elle désirait tout autant en apprendre plus sur son nouveau maître que sur l'empire qu'ils partageaient. Réfléchissant aux descriptions de Néo, elle lui fit part de ses réflexions :

- Présenté de la sorte, le Sahoc apparaît effectivement comme un choix de gouvernement plus judicieux. Peut-être est-ce dû à ma nativité en un monde où les personnes dignes de confiance sont rares, mais il m'est difficile d'imaginer l'efficacité d'un système doux et passif tel que vous me décrivez le Nieb.

Son regard s'était enfin détaché de son accompagnateur pour s'intéresser à l'environnement calyptien, dont elle n'avait encore rien vu et qu'elle était soudainement pressée de découvrir. Elle accéléra le pas, impatiente de découvrir le château royal... avant de reprendre un rythme modéré, renfrognée à l'idée qu'à la fin de sa visite, elle serait accompagnée d'un des deux autres disciples de Néo. Elle décida d'avancer tranquillement et de prendre son temps, profitant de la compagnie du chevalier pour discuter un peu, bien qu'il n'ait pas montré d'intérêt particulier à sa conversation :

- Toutefois... j'attendrai de mieux connaître Calypta avant de me faire un avis personnel et de décider de mon appartenance à un clan.

Il était rare que la jeune femme hésite à prendre une décision, sa nature directe et bornée la conduisant généralement à des choix immédiats. Mais elle manquait encore d'informations quant à son nouveau monde, et refusait de décider de son clan sur les seules descriptions du chevalier, dont la vision de Calypta manquait peut-être de discernement. Elle lui adressa un sourire enjoué :

- Mais quel que soit le parti que je rejoindrai, j'ai l'intention de suivre avant tout mes principes, qu'ils s'accordent ou non avec ceux de mon clan. Aussi, s'il s'avérait que comme vous le Sahoc me convienne mieux, retenez néanmoins de moi qu'en cas de désaccord profond, je n'hésiterais pas à m'en prendre à un adversaire du même clan, vous comme un autre. En particulier vous. Je n'aime pas rester sur une défaite, votre victoire facile me déplait véritablement.

Elle le regarda d'un air déterminé, un sourire amusé aux lèvres.

- Non, en fait, je ne pourrai pas attendre qu'un désaccord nous oppose pour vous provoquer à nouveau, Néo. Aussitôt que je me sentirai de taille à vous affronter, je viendrai prendre ma revanche sur vous, que vous soyez avantagé par vos connaissances de mes faiblesses ou pas.

Arwen resta attentive aux expressions du chevalier, se demandant avec amusement s'il s'offusquerait de sa détermination à vouloir l'affronter en dépit de ses avertissements et de leurs nouveaux liens d'élève à professeur.

-"Dans ce cas, je vais devoir vous apprendre à discerner en premier temps qui vous pouvez combattre de qui vous ne pouvez pas... Cela devrait vous être utile pour ne pas vous retrouver bêtement en danger de mort pour un simple test de votre puissance..."

La fierté d'Arwen s'insurgea contre les recommandations du chevalier. Discerner les combattants plus expérimentés ? Quelle utilité ? Voué d'avance à l'échec ou pas, la jeune femme ne se soustrayait jamais à un défi. Elle regarda son maître d'arme dans une expression qui trahissait une incompréhension totale de ses propos. Il poursuivit toutefois :

- "Ceci dit, vous n'aurez pas à attendre longtemps pour me défier de nouveau, je teste souvent mes élèves en combat pour voir leurs progrès..."

Arwen sourit d'un air ravi, impatiente d'être à nouveau mise à l'épreuve par le chevalier. L'élève et son professeur parvinrent à ce qu'elle reconnut comme la bibliothèque, et ses yeux s'illuminèrent. Son regard se perdait d'un livre à l'autre, interpellé de toute part par les écrits fièrement arborés en nombre sur les étagères, ne demandant qu'à être ouverts.

L'attention de la jeune femme fut distraite jusqu'à ce qu'elle aperçoive la petite disciple du chevalier, celle qu'elle s'était promis de corriger à la première occasion. Son expression émerveillée s'évanouit instantanément pour laisser place à un air sévère, ses lèvres étirées en une moue de mépris.

Le chevalier noir la lui présenta et la petite disciple lui répondit posément en prononçant son prénom, ce qui eut le don d'agacer plus encore la nouvelle élève, qui se sentit prise d'une jalousie aussi féroce qu'inattendue. Elle-même ne comprit pas la raison de son émotion, mais se rapprocha néanmoins de Néo en fusillant "Milly" du regard.

Celui-ci la mena alors aux quartiers résidentiels, qu'il lui présenta brièvement. Il la conduit ensuite jusqu'à chambre qu'il laissa à sa disposition, lui expliquant les motivations de son propriétaire légitime dont le vécu l'avait beaucoup inspiré pour travailler l'aménagement de se

La pièce était décorée dans un style japonais médiéval dont la jeune femme tomba éperdument amoureuse au premier regard. Elle pénétra lentement la pièce et fit un tour sur elle-même pour l'admirer dans son ensemble. Puis, elle se tourna vers Néo et lui parla d'un air serein qui contrastait de beaucoup avec ses expressions habituelles, et particulièrement avec celle qu'elle arborait avant de découvrir la chambre.

- J'envie beaucoup ses souvenirs, cette chambre est magnifique... Je vous remercie de m'autoriser à l'emprunter, Néo.

Elle lui sourit, calme et amusée malgré la sincère reconnaissance qu'elle essayait d'exprimer :

- Je viens à peine de vous rencontrer que je vous dois déjà beaucoup. Je doute que vous le fassiez, mais s'il est un service que je puis vous rendre un jour, n'hésitez pas à m'en faire part, Maître Néo. En attendant, je me contenterai de faire honneur à votre générosité en suivant de mon mieux vos enseignements.

Elle resta silencieuse un instant, puis, craignant que la visite guidée de Néo ne soit terminée et qu'il ne fasse appel à un de ses élèves pour lui présenter d'autres lieux calyptiens, elle s'empressa d'expliquer :

- Ne vous inquiétez pas pour mes premiers pas dans la ville, je saurais vite m'y retrouver. Inutile de déranger l'un de vos disciples. J'ai déjà bénéficié de suffisamment d'aide à mon arrivée, je préfère compter sur mon indépendance pour la suite...

En vérité, Arwen se savait particulièrement habile à se perdre, aussi bien dans les lieux qui lui étaient étrangers que ceux qui lui étaient familiers. Mais elle préférait encore passer des heures à tenter de retrouver les quartiers résidentiels que découvrir la ville accompagnée de Milly ou de son camarade. Elle évita le regard du chevalier, embarrassée par son mensonge, aussi insignifiant soit-il.