Entrainement au jardin [pv Doushi]

Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis sa défaite face à Freefall, mais Arwen semblait n'avoir toujours pas accepté ses erreurs. Depuis son rétablissement, elle partait chaque jour s'entrainer au sabre dès la fin de son service, consentant à se séparer de son conjoint quelques heures dans l'espoir de précipiter ses progrès. Ce soir là, la kendoka avait emporté avec elle les illustrations de Shin et tentait d'en reproduire les techniques depuis un peu plus d'une heure dans le jardin du palais.

Les mains serrées sur Gekido, Arwen insistait, répétait les mêmes techniques et corrigeait les défauts qu'elle trouvait à ses imitations, changeant son maintien, révisant la position de ses pieds et retravaillant la force de frappe jusqu'à ce qu'elle se satisfasse du résultat... ce qui lui prenait un temps infini. Sans Doushi, il lui fallait plus de temps pour comprendre ses erreurs, et les rectifier après avoir pris l'habitude de les faire lui en faisait perdre encore davantage. Toutefois, la jeune femme se débrouilla dans ses exercices, comme tous les soirs précédents, et poursuivit sans répit.

Après avoir compris et maitrisé les bases d'une technique qu'elle pensait avoir suffisamment travaillée pour la soirée, Arwen rangea Gekido, plongea la main dans sa poche et en ressortit le parchemin de Shin, sur lequel elle chercha de nouveaux mouvements à étudier. La jeune femme était tellement concentrée que même les sourires béats des petits bonhommes des dessins n'atteignirent pas son sérieux cette fois. Puis, elle reprit Gekido et tenta soudain d'abaisser le sabre serpent selon les mêmes mouvements que ceux illustrés par son senpai, avançant de plusieurs pas dans un enchainement de frappes... et s'arrêta tout aussi brusquement à la vue de la grande plante fleurie qu'elle venait de trancher.

- Ha... Oups !

Un large espace vide gâchait à présent le mur floral devant lequel se trouvait Arwen, à son grand embarras. Gênée, elle vérifia de quelques rapides coups d'oeil alentours que personne n'avait été témoin de son abattage de plante et s'empressa ensuite de quitter discrètement l'endroit, s'enfonçant un peu plus loin dans le jardin. Elle reprit alors son enchainement, prenant garde à ne pas s'approcher trop près des plantes.

L'étreinte d'une personne qu'elle n'avait pas entendue l'approcher immobilisa soudain Arwen, qui sursauta, surprise. Elle s'était tellement plongée dans ses exercices qu'elle n'avait pas prêté attention aux silhouettes de sang que lui permettait de percevoir son don. Mais une voix familière rassura presque aussitôt la kendoka, juste à temps pour la dissuader d'utiliser l'élévation sanguine sur le nouvel arrivé. Elle se détendit alors et rangea Gekido avant de fermer les yeux, appréciant ainsi pleinement le baiser que Doushi déposa dans son cou. Elle sourit malgré elle et répondit :

- Hmm... Une voix grave. Vous n'êtes donc pas Raphael.

Sans rouvrir les yeux, elle se retourna vers lui. Passant les mains sous son haut, elle les posa doucement sur son ventre et les monta jusqu'à son torse, pour constater d'une voix taquine :

- Et... De toute évidence, vous n'êtes pas non plus Platina.

Ses mains glissèrent dans le dos du jeune homme pour le serrer contre elle. Elle en profita pour l'embrasser dans le cou et s'interrompit le temps de murmurer :

- Aucune odeur de vin ni d'autre alcool fort... Vous n'êtes pas Gannicus.

Elle continua à l'embrasser, ses lèvres parcourant son cou jusqu'à sa bouche, où elle s'attarda un moment avant d'éloigner un peu son visage pour conclure :

- Doushi...

La kendoka rouvrit enfin les yeux, contemplant son conjoint d'un regard appréciateur, le sourire aux lèvres.

-"Dois-je en conclure que si je sentais l'alcool tu ne pourrais plus me différencier de Gannicus...? Et que Platina a une voix plus grave que celle de Raphael...?"

Amusée, Arwen répondit :

- Les yeux fermés et l'odorat trompé par le même parfum d'alcool, cela m'aurait peut-être pris une ou deux secondes de plus pour te différencier de Gannicus... Et je ne dirais pas que Platina a une voix plus grave que Raphael, mais plutôt que Raphael a une voix plus aigue que Platina... Mais en fait, c'était surtout une excuse pour passer les mains sur ton torse, Doushi.

La jeune femme accepta sa récompense avec plaisir, répondant doucement au baiser de son conjoint, qui se fit alors plus passionné. Surprise par cette ardeur nouvelle, elle s'en laissa déstabiliser un court instant avant de l'imiter, trop éprise pour perdre une seconde de plus à s'interroger sur les raisons de ce changement. Au bout d'un moment, Doushi mit fin à leur échange et demanda d'un ton faussement solennel ses impressions quant à sa récompense. Le souffle court, Arwen le dévisagea d'un air à la fois avide et troublé avant de répondre :

- Tu ne m'avais jamais...

Mais elle ne finit pas sa phrase. Pressée de sentir à nouveau son compagnon l'embrasser avec la même ardeur qu'il lui avait exprimée pour la première fois, elle joua son jeu et déclara :

- J'en dis qu'elle s'est finie bien trop tôt pour que je puisse vraiment en juger, Monsieur Hikari.

Transportée par le baiser de son conjoint, Arwen ne comprit pas tout de suite sa proposition à regagner le palais, son esprit chamboulé resté à l'instant précédent, comme si le temps s'y était arrêté. Il lui fallut une seconde de plus que nécessaire pour revenir subitement à la réalité, stupéfiée par le sens de ses mots. La jeune femme recula légèrement pour dévisager son compagnon et scruta son expression pour vérifier n'avoir pas mal entendu ou mal interprété ses propos. Mais elle ne s'était pas méprise. Il éprouvait la même envie qu'elle.

Le soir où Doushi l'avait accusée de ne comprendre pour témoignage d'affection que les approches physiques, la kendoka s'était sentie horriblement insultée et vexée, et s'était promis de ne plus lui réclamer pareille attention, ou même d'en accepter de sa part. Peut-être était-ce en partie par fierté qu'elle avait raisonné ainsi, mais elle s'était avant tout convaincue de prouver à son compagnon à quel point il s'était fourvoyé, décidant de limiter leur relation de façon platonique jusqu'à ce qu'il ne s'excuse de l'avoir si mal jugée.

Sans un mot, Arwen prit soudain la main du jeune homme et l'entraina à grands pas vers le palais, où elle prit la direction de sa chambre. Sa ferme résolution n'avait pas traversé un seul instant son esprit alors qu'elle avait réalisé la nouvelle "récompense" à laquelle l'avait invitée Doushi. A peine la porte de la chambre refermée derrière eux, la kendoka enlaça son compagnon et l'embrassa passionnément tout en reculant doucement vers le lit.


Allongée de tout son long et la tête reposée sur le torse de Doushi, Arwen se tourna alors vers la fenêtre et jeta un coup d'oeil au ciel ténébreux, par réflexe. Mais naturellement, il lui fut impossible d'y trouver le moindre indice quant au temps qui s'était écoulé depuis qu'elle était retournée dans sa chambre, la nuit implacable du quartier nocturne ne cédant jamais au jour, éternelle et inchangée. La kendoka embrassa doucement son compagnon et regagna calmement sa position habituelle contre lui, murmurant, un léger sourire aux lèvres :

- Hmm, je ferai tout pour mieux éviter d'être blessée à l'avenir, si cela implique que tu continueras donc à m'entrainer régulièrement dans mes "exercices"...

Elle ferma les yeux, heureuse et parfaitement apaisée... jusqu'à ce qu'un avertissement lui revienne soudain en tête.

"Ton cœur sera bientôt mis à rude épreuve... Le sombre chevalier retrouvera tout ce qu'il a mit de côté dans un futur qui n'est pas si éloigné..."

Elle rouvrit les yeux, son calme envolé, et serra Doushi un peu plus fort, comme pour tenter de le retenir à ses côtés. D'une voix faible et angoissée contrastant étrangement avec le ton suave qu'elle avait employé quelques secondes plus tôt, elle demanda :

- Doushi... Es-tu heureux avec moi ?

La culpabilité submergeait la kendoka, qui ne pensait que trop tard au retour du chevalier. L'instant qu'elle avait partagé avec Doushi était un instant qu'elle avait volé à Néo. Un instant qu'il ne découvrirait pas avec celle qu'il aimera, car il l'aura déjà vécu malgré lui avec elle, son élève déloyale. Mais si au moins Doushi vivait ces moments comme elle-même les vivait, s'il était heureux comme elle l'était... Sa culpabilité serait un peu moins lourde à porter.

Arwen s'inquiéta du silence que le jeune homme conserva un moment, mais celui-ci finit par la rassurer. Sa culpabilité, bien que toujours cruellement présente, s'en trouva légèrement allégée. Elle hésita avant de répondre à la question de Doushi, le regard abaissé, puis décida de lui dire la vérité, mais une vérité dépourvue des détails qui lui permettraient de soupçonner son identité de chevalier noir :

- Je suis allée au temple de la déesse du temps pendant que tu étais au manoir de la seigneur mage... Je voulais lui demander conseil pour une éventuelle bénédiction de mon second sabre. Je n'ai pas pu m'empêcher de l'interroger également à ton sujet. Elle ne m'a pas répondue clairement, elle est restée très vague. Les seules certitudes qu'elle m'a dévoilées sont que tu retrouveras ton passé, et que mon cœur sera mis à rude épreuve. Alors... je redoute qu'en retrouvant ce que tu as perdu, tu te rendes finalement compte que tu étais mieux sans moi, et ne regrettes notre relation.

La kendoka n'avait pas osé relever les yeux vers son amant, préférant garder pour elle l'expression triste qu'elle n'arrivait pas à adoucir.

Arwen dévisagea Doushi lorsqu'il lui confia un ressenti qu'il ne semblait pas comprendre lui-même. Une impression irrationnelle... que la jeune femme interprétait comme une expression de son inconscient. De Néo. Le jeune homme avait déjà prouvé, malgré son amnésie, qu'il était capable de témoigner des informations que Néo seul aurait dû avoir, devinant le nom de la kendoka sans qu'elle n'ait besoin de lui dire. Mais même expliquée ainsi, la sensation de Doushi restait incompréhensible. Pourquoi Néo serait rassuré par sa présence, après qu'elle ait rejoint la piraterie au détriment de ses enseignements ? Par ailleurs, Arwen n'avait pas eu l'impression, même avant cela, de permettre ce sentiment d'apaisement, au contraire. Peut-être traduisait-elle trop rapidement les émotions de Doushi, et Néo n'avait tout simplement rien à voir avec cette sensation qu'elle lui procurait ? Ou bien-
Doushi l'embrassa, mettant fin à toutes ses interrogations. La seule pensée qui parvint alors à son esprit fut celle, douce et rassurante, des mots qu'il venait de prononcer, juste avant de l'approcher.