Don du sang part 2 [pv Doushi + Alucard]

Alors qu'elle quittait le palais de son seigneur auprès de Doushi, Arwen se concentra et transmit au mage de sang la vision de son départ, puis la pensée de sa destination. La plaine des duels. Une image surgit alors dans son esprit, en réponse à son message. Des terres plates et sans nature, si parfaitement recouvertes d'un sang humide qu'elles étaient semblables à la surface d'un lac paisible. La kendoka reconnut immédiatement l'endroit, le seul coin de la plaine où le sol n'absorbait pas le sang et préférait au contraire l'arborer, le garder à l'air libre. Alucard l'y rejoindrait.

Lorsqu'elle parvint à la plaine, Arwen sentit ses lèvres s'étirer en un sourire joyeux, malgré elle. Le domaine du sang était comme un foyer pour elle, et l'un des seuls coins de Calypta qu'elle connaissait bien, au point même de n'y plus se perdre. Ses habitants lui étaient familiers et l'acceptaient, et ses natures étaient imprégnées d'un élément qu'elle ressentait en une agréable sensation, à la fois revigorante et réconfortante. Apaisée, elle marchait d'un air ravi tout près de Doushi.

Une pluie rouge commença à tomber drue au dessus d'eux, de plus en plus violente à mesure qu'ils avançaient. Ses cheveux humides plaqués sur son visage trempé de sang et ses bottes anciennement immaculées désormais carmines, Arwen ne se formalisa pas de l'accueil du vampire et poursuivit tranquillement sa marche. Au bout d'un moment, ses pas résonnèrent au son des éclaboussures qu'ils provoquaient sur la surface inondée de la terre. Arwen s'arrêta sur l'immense étendue de sang frais, cherchant du regard une grande silhouette rouge.

Au loin, une ombre carmine apparut alors, seule présence étrangement épargnée par le torrent qui se déversait abondamment sur la plaine et par l'inondation du sol, sur lequel le sang s'écartait à chacun de ses pas. Elle avança vers le couple, un vide imperméable formé tout autour d'elle par l'absence de pluie, comme si les gouttelettes de sang eurent trouvé indélicat de s'y laisser tomber, respectueuses. Face aux nouveaux arrivés, Alucard sourit. Et pas seulement par moquerie pour la tenue de la kendoka, qui s'obstinait à s'habiller en chemise blanche alors qu'il ne se lassait jamais de provoquer la pluie sanguine lors de ses visites. Il n'avait pas pensé que son élève lui amènerait un hôte, et c'était une agréable surprise. Il salua le jeune homme avant même de s’intéresser à son apprentie :

- Tiens, Lightfellow ! Ravi de constater que vous avez pu finalement retrouver votre élève égarée. Vous paraissez toujours un peu moins ennuyeux en sa compagnie. Intéressant, même, presque ! J'avoue avoir songé à vous faire appeler à ma dernière beuverie avec notre apprentie commune, j'espérais que vous seriez assez créatif pour surpasser le souvenir mémorable que je garde du bain que vous lui aviez fait prendre. Mais vous ne vous montrez distrayant qu'en cas de retard de vos apprentis, c'est bien cela ? Dommage...

Alucard n'avait pas oublié l'amnésie qui frappait le jeune homme, bien sûr. Au contraire, il était curieux de voir comment Néo réagirait à cette apparente erreur de sa part, et en profitait au passage pour lui adresser quelques critiques gratuites.

Arwen avait abaissé les yeux vers le sol, l'air gênée et agacée. Agacée contre elle-même.

- Je devrais en être capable, oui... Et je le serais si j'étais plus douée. Pour le moment, je n'arrive à me concentrer que sur une seule cible à la fois.

Elle aimait tant la magie, et l'élément du sang en particulier. Pourtant, voila tout ce dont elle était capable, après tous ses efforts à entrainer son pouvoir d'élévation.

La kendoka avait ensuite relevé les yeux pour observer l'expression de Doushi et s'était alors calmée, souriant à la vue de son visage ensanglanté. La pluie écarlate avait mouillé ses cheveux, à lui aussi, et s'était déversée sur son visage, lui conférant un air dangereux qu'elle trouva irrésistible. Consciente de l'étrangeté de ses gouts, Arwen avait orienté son regard dans une autre direction pour se retenir de l'embrasser dans cet état, comme elle en ressentait l'envie. Sûrement, cet aspect d'elle-même ne serait pas pour lui plaire. Le jeune homme avait ensuite essuyé son visage avant de se protéger de l'averse, et ils étaient parvenus jusqu'au point de rendez-vous, où Alucard les avait rejoints presque aussitôt.

Arwen se crispa à la salutation du mage envers Doushi. Maudissant intérieurement le vampire, elle retint un regard inquiet vers son compagnon. Après toutes ces "confusions" avec Néo, ne risquait-il pas de comprendre ? La réponse calme du jeune homme apaisa ses craintes. Elle s'empressa de couper court à leur conversation aussi tôt qu'elle le put, s'avançant face au mage pour précipiter son épreuve.

- Je n'ai plus peur maintenant, Alucard. J'ai rempli la condition que vous aviez émise. Permettez-moi d'apprendre davantage à présent, je vous prie.

La jeune femme se doutait bien que le mage préférerait s'assurer lui même du contrôle qu'elle prétendait avoir sur sa peur. Mais un mince espoir qu'il ne la croit sur parole plutôt que de vérifier ses dires perdurait encore en elle, et elle avait essayé de lui présenter sa requête à acquérir un nouveau sort de façon à l'obtenir sans autre preuve que l'honnêteté qu'il lui savait. Au moins, elle aurait tenté...

Alucard eut un bref mouvement de la main, comme s'il chassait un élément invisible :

- Oh, pas de regret à avoir, "Doushi" : comme je le disais, Lightfellow manque d'intérêt en l'absence d'élève en retard et d'abreuvoir.

Il voulut placer quelques réflexions supplémentaires à l'adresse du chevalier noir, mais son apprentie vint à lui pour lui annoncer la raison de leur venue. Il eut l'air surpris.

- Tu ne viens donc pas pour l'imprégnation de ton sabre ? Hm... Tu es moins bêtement impulsive qu'il y a quelques temps. Quoique ta venue pour le sort de sang m'apparait bien rapide, pour toi qui ne tenais pas deux secondes devant la moindre morsure.

Il dévisagea la kendoka, puis haussa les épaules d'un air nonchalant.

- Bon, très bien, si tu y tiens. Je ne vais pas me plaindre d'un repas offert... Ceci dit, je serais un hôte bien médiocre de laisser ton ami seul pendant notre "petite discussion".

Avec un long sourire amusé, il appela :

- Morrigan ?

Le sort de Ponction cibla Néo, et Morrigan apparut face au jeune homme.

- Maitre ?

Fine et élancée, parée de formes généreuses et de traits sans défauts, la servante aux allures de succube tourna son beau visage vers le Mage de Sang, ses grands yeux verts au regard envoutant trahissant un léger étonnement.

Spoiler:

- Sois gentille et distrais notre hôte comme il lui plaira, veux-tu ?

Morrigan sourit avec douceur et s'inclina gracieusement. Une étrange secousse bouscula alors la servante, qui observa Alucard d'un air perplexe. Arwen avait tenté d'envoyer voler la nouvelle arrivée par élévation sanguine, ce à quoi le vampire avait immédiatement répliqué par le même sort, en sens inverse, pour contrer le déplacement. Il ne lui laissa pas le temps d'une tentative supplémentaire et la fit léviter brusquement à lui, l'enlaçant de force avant de mordre sa gorge. Un cri de douleur lui confirma la surprise de la kendoka, qui s'était peut-être un peu trop concentrée sur sa rivale.

Morrigan observa la scène d'un air un peu désorienté, l'index sur la bouche. Elle dut alors comprendre l'origine de la secousse soudaine qui l'avait déséquilibrée, car elle se retourna vers Doushi tout en détaillant Arwen du regard, pensive :

- Elle est vite susceptible, ton amie, non ?

La créature reporta après un petit moment son regard sur l'hôte de son Maitre.

- Je crois qu'elle ne serait pas très contente si tu me laissais t'approcher...

Elle sourit gentiment à Doushi.

- Et toi, qu'en dis-tu ? Ce sera comme tu préfères !

Morrigan ouvrit la paume droite, et deux lames courtes y apparurent, créées par le sort de coutelas d'ivoire qu'avait lancé le Mage de Sang. Si le jeune homme décidait plutôt de combattre, l'une des lames parerait aussitôt son autre main, et la créature attaquerait. La jeune femme était dotée d'une force surhumaine et avait un bon maniement des lames, c'était une combattante qui suffirait sûrement à "distraire" Néo le temps qu'Alucard se lasse de vider Arwen de son sang, car il n'en aurait probablement pas pour longtemps. Le mage n'avait évidemment aucune intention de menacer sérieusement Néo, et s'amusait simplement de la jalousie qui submergeait son apprentie furieuse.

La créature que fit apparaitre Alucard mit la kendoka hors d'elle, et bien qu'elle ait conseillé à son compagnon de ne pas réagir aux provocations du mage, elle-même n'hésita pas une seule seconde. Ciblant la servante, elle voulut l'expulser au plus loin du jeune homme, mais un pouvoir plus puissant contra son don et l'instant d'après, elle fut immobilisée dans les bras de son Maitre, dont la morsure lui arracha une plainte de douleur et de surprise.

Arwen avait oublié la raison de sa venue dans la plaine, oublié la preuve qu'elle était censée donner de l'affranchissement de sa phobie, oublié les habitudes qu'elle avait prises de ne pas s'énerver ou s'inquiéter des "taquineries" d'Alucard, oublié jusqu'à la pression inutilement violente de la mâchoire du vampire sur sa gorge. Elle se débattit vainement dans l'étreinte surhumaine du mage, submergée par la jalousie, et bien plus encore par l’inquiétude. Doushi était tout à fait capable d'affronter la servante du vampire, mais celle-ci reviendrait surement grâce aux dons du mage, assez longtemps pour lui nuire, peut-être.

La vision de la kendoka se troubla soudain, et elle cessa de se débattre, complètement décontenancée par le défilement d'images qui s'imposa à elle. Des souvenirs. Un souvenir, en particulier. Un souvenir qui fut interrompu aussi soudainement qu'il était apparu. Arwen se sentit heurter douloureusement le sol inondé, mais elle avait recouvré ses esprits, et elle put voir nettement la situation à laquelle Doushi faisait face. Elle se releva aussitôt et lévita pour s'interposer devant son Maître, les mains levées en signe d'incitation au calme bien qu'elle même sembla paniquée :

- Arrêtez, laissez-le ! C'est moi qui lui ai demandé de venir, si vous avez le moindre grief, reprochez-le moi personnellement mais ne tentez rien contre lui, Alucard...

Sa voix avait trahi sa peur, mais elle avait parlé d'un ton ferme. La jeune femme était livide, et n'avait jamais paru aussi inquiète qu'à ce moment. Pourtant, la prise de sang qu'elle avait tant redoutée l'avait laissée complètement indifférente, la demoiselle ne retenait que les dangers que risquait Doushi à l'avoir accompagnée. Elle se tourna vers lui et voulut le rassurer, le dissuader d'intervenir à nouveau, mais elle n'eut pas le temps de parler.

Morrigan eut l'air plus que surprise par la réaction du jeune homme, qui dédaignait complètement ses charmes. Elle n'avait tout simplement jamais connu pareille indifférence, et cette situation lui paraissait illogique, incompréhensible. Cette invraisemblance la fit tourner un bref regard interrogateur vers son Maître, mais celui-ci était occupé et ne put lui expliquer l'anomalie, ni lui dire ce qu'il convenait de faire. En revanche, elle attaqua d'instinct lorsque l'humain s'élança vers Alucard, sûre d'elle à présent que le combat la replongeait dans un contexte qui lui était familier. Sa propre ombre se retourna alors contre elle, lui fit gouter la sensation nouvelle qu'était pour elle la douleur. Cette sensation-ci ne lui plut pas, mais vraiment pas. Elle s'attendit à ce que le mage de sang lui permette de régénérer ses membres arrachés, mais Alucard n'en fit rien, et Morrigan disparut, vaincue.

Lié par son don à sa chimère de sang, le vampire ressentit sa détresse dès la première blessure infligée, et eut tout juste le temps d'apercevoir les ombres dirigées vers lui. Son aspect devint alors brumeux, instable et comme imprécis tandis que les ténèbres frappèrent sans succès les gouttelettes de sang qui le constituaient à présent complètement. Immatériel, Alucard ne craignait rien des attaques physiques, mais sa victime fut libérée et tomba à terre. Il n'avait eu le temps que de lire un unique souvenir dans le sang de la jeune femme, celui qu'il avait cherché en priorité. Prévenu par Mythril de l'affrontement contre Freefall, il s'était d'abord concentré sur le souvenir d'Arwen dans le manoir et avait pu voir jusqu'à l'intervention de l'élève de Néo. Mais ce dernier avait empêché qu'il ne s'enfonce un peu plus loin dans les souvenirs de la jeune femme, et le mage leva vers lui un regard furibond. Si Morrigan ne suffisait pas à le divertir, il faudrait qu'il occupe son hôte par lui-même.

Alucard s'avança droit vers l'amnésique, déterminé à lui faire payer son insolence inconsidérée, lorsqu'Arwen se plaça entre eux, apparemment terrorisée à l'éventualité qu'ils ne s'affrontent. Le regard carmin du vampire passa brièvement de la kendoka au chevalier. Les liens de leur relation lui apparurent alors, et il comprit avec étonnement le comportement du jeune homme. Néo ne s'était jamais emporté face aux dangers qui avaient menacé son élève : il l'avait protégée avec un calme relatif à l'attaque de Freefall, et n'avait pas paru beaucoup s'inquiéter de sa capture par les pirates. Aussi le vampire s'était-il attendu au même calme immodéré de la part de l'accompagnateur d'Arwen, et avait donc interprété son intervention comme une provocation délibérée. Mais l'amnésique semblait réellement heurté par le traitement qu'il avait réservé à la kendoka et il n'avait plus rien de la froide sérénité de Lightfellow. Était-ce dû à ses sentiments nouveaux pour la jeune femme, ou bien à la personnalité qu'il démontrait depuis son amnésie ? Quoi qu'il en soit, il subirait les conséquences de son attaque effrontée, quand bien même celle-ci se trouva moins injustifiée qu'elle ne lui avait d'abord parue...

- Arrêtez, laissez-le ! C'est moi qui lui ai demandé de venir, si vous avez le moindre grief, reprochez-le moi personnellement mais ne tentez rien contre lui, Alucard...

Alucard sourit, pris d'une soudaine inspiration. Si vraiment le jeune homme s'était entiché d'Arwen, il n'aurait pas même besoin de l'attaquer pour punir son affront. Le sort de pulsion sanguine interrompit la pirate, qui s’effondra au sol en hurlant. Le sort de torture faisait affluer le sang dans chacune de ses veines de façon à ce qu'elle en ressente atrocement la circulation précipitée en vagues de douleur.

- Hmm, il ne supporte pas que je pose la main sur toi, de ton côté tu te présentes comme seule responsable et quant à moi je dois laver un affront...

Levant les yeux de la jeune femme dont les cris s'élevaient dans la plaine, il adressa un sourire narquois à Lightfellow :

- Le compromis vous satisfait-il tous deux, ainsi ?

Les cris d'Arwen ne cessèrent que le temps de quelques sanglots, mais elle fut bien évidemment incapable de répondre, et sûrement même incapable de se concentrer sur quoi que ce fut d'autre que sa douleur. Protégé par le sort qui constituerait de nouveau son corps entier de sang en cas d'attaque, Alucard soupira :

- Elle a vraiment la voix qui porte, c'est horriblement désagréable...

Le mage de sang diminua un peu l'intensité du sort, et Arwen s'efforça de se contenir, bien qu'elle resta encore à terre et ne put retenir des larmes de douleur. Après un regard provocateur appuyé, le mage de sang enjamba la kendoka pour faire face à l'amnésique et dit :

- La plaine est mon territoire, j'y règne en maitre absolu et puis y traiter comme bon me semble chacun de mes hôtes.

Alors qu'il finissait sa phrase, Alucard libéra son apprentie du sort qui la torturait. Il conclut, les sourcils levés dans une expression interrogatrice :

- Trouvez-vous quelque chose à y redire, "Doushi" ?

Il ne jugea pas utile d'exprimer la menace à voix haute, le jeune homme devait avoir aisément compris ce qui se passerait si sa réponse ne lui convenait pas.

Alucard s'était attendu à ce que le jeune homme se contente du silence afin de protéger Arwen, ou bien à une attaque foudroyante pour l'empêcher de s'en prendre à elle. Il fut étonné de le voir préférer la provocation au bien-être de sa... était-elle vraiment sa compagne ? Le vampire commença à douter de la relation qu'il avait cru établie entre ses deux hotes, jusqu'à ce qu'il aperçoive l'expression choquée, puis meurtrie de la kendoka. Hm... Ils devaient bien être en couple, mais l'importance que le chevalier attachait à la jeune femme n'était pas suffisante pour qu'il s'en joue, il l'avait surestimée. Déçu, le vampire ne trouva plus aucun intérêt ni à l'affronter ni à le défier. Il répondit d'un air ennuyé :

- Vous appelez "protéger" l'action par laquelle vous m'avez décidé à l'attaquer alors qu'elle aurait été épargnée sans votre intervention ? Qui a réellement protégé l'autre, d'après vous ? Celle qui incitait au calme et s'est réclamée les torts de l'autre, ou celui que l'orgueil a fait parler quand son silence aurait suffit à protéger l'autre ?

Alucard soupira.

- Vous êtes intervenu alors qu'elle n'aurait rien risqué d'autre qu'une douleur qu'elle ne craignait pas. Elle est mon élève, et j'ai le choix de mes victimes : je n'aurais aucun intérêt à la tuer. L'affront constituait à en douter et agir à mon encontre, vous n'avez fait que la menacer, non la protéger.

Le regard carmin du vampire détailla le jeune homme de haut en bas d'un air de mépris.

- L'avez-vous jamais protégée, d'ailleurs ? Alors que vous l'envoyiez seule se faire passer à tabac par les pirates, j'étais à ses côtés pour combattre tandis que vous patientiez confortablement dans votre chambre. Et à voir comme elle est ressortie de la mission durant laquelle elle vous a libéré d'un sort dont vous vous étiez bêtement fait captif, j'ai plutôt l'impression que votre compagnie la met en danger.

Il tourna les yeux vers la kendoka, qui était restée au sol, puis revint au jeune homme.

- Je pourrais vaincre votre vanité et vous faire ramper au sol d'un simple regard, sans même utiliser pour cela mes dons de mage. Mon statut d'Esper est une source de distractions, mais je n'ai pas besoin d'un "soutien" développé par ma fonction pour combattre. Seulement vous êtes venus sur mes terres pour me rencontrer en tant que tel, je n'ai aucune raison de ne pas m'en divertir. Ca n'a rien à voir avec l'honneur ou de la lâcheté, je ne prétends à aucune victoire et ne sers que mon bon divertissement... Divertissement non pas supérieur à la puissance des reines, mais indirectement accordé par elles, puisqu'elles sont à l'origine de l'élément qui m'a choisi.

Le vampire avait discouru d'un ton monocorde, avec l'expression exaspérée d'un professeur énonçant des évidences à un élève peu studieux.

- "Enchainer" votre colère ? J'espérais plutôt la déchainer. Comme vous dites, je m'attaque à plus faible, et cela aurait été bien plus distrayant que vous montriez un tant soit peu de volonté dans vos attaques, mais puisque vous n'avez rien à m'opposer...

Il haussa les épaules, puis se désintéressa du jeune homme.

Haletante, Arwen se redressa et essuya son visage trempé de sang d'une main tremblante. Sous la douleur, elle était tombée à terre et s'était crispée dans la mare de sang qui s'étendait tout autour d'eux. Elle leva alors les yeux vers Doushi, inquiète de l'attitude qu'il allait présenter au mage et de ses conséquences. Et à sa grande stupéfaction, le jeune homme ignora avec une superbe indifférence la menace d'Alucard pour le défier. Un flot de sentiments désespérés la figea sur place, elle n'entendit plus rien de la conversation. Déception, tristesse et colère se mêlèrent en elle pour former une douleur unique, accablante. Alors qu'elle s'était interposée pour la protéger des tourments qu'Alucard lui aurait très certainement fait subir sans elle, la personne qui comptait le plus pour elle ne faisait pas même l'effort d'un simple silence pour lui éviter une torture atroce. Au contraire, Doushi donnait encore davantage de raisons au vampire de la menacer, sans un regard pour elle.

La nature sage et attentionnée qu'elle avait aimée en lui, la passion amoureuse qu'elle avait crue susciter... de naïves illusions qu'elle avait aveuglément nourries ? Horrifiée et désespérée par ces pensées, Arwen s'efforça de se constituer une mine impassible. Alucard s'était surement bien assez amusé de sa peine, et elle ne voulait pas laisser deviner à Doushi à quel point son attitude l'avait blessée. Le mage de sang n'avait apparemment plus envie de la torturer, mais à présent un mal plus profond et cruel que le sort de pulsion l'accablait. Les deux hommes lui étaient aussi insupportables l'un que l'autre, et elle n'avait pas l'intention de rester leur victime. Parée d'un air calme mais particulièrement froid, elle se releva doucement et dit au mage :

- Je suis venue pour mon sort et j'ai prouvé que j'avais remplie votre condition. Je veux mon niveau supérieur. Maintenant.

Alucard hocha calmement la tête en approbation. Une force invisible sembla faire imperceptiblement vibrer la mare de sang qui inondait l'endroit, et elle sentit comme un souffle s'insinuer doucement en elle. La sensation familière de l'extension de son pouvoir. Elle inclina légèrement la tête en signe de remerciement puis déclara :

- Ouvrez-moi le portail sur la plage du Nieb, s'il vous plaît. Je ne veux pas rester une seconde de plus ici.

Elle désigna son collègue et ajouta :

- Et permettez à Doushi de le traverser ensuite jusqu'au quartier nocturne. Il a eu la bonté d'accepter de m'accompagner, je m'en voudrais de le faire parcourir seul le chemin inverse.

Alucard la fixa sans mot dire pendant un instant, puis décida :

- Répond à mes questions d'abord, chacune "paiera" un passage.

La condition à l'ouverture du portail parut honnête à la jeune femme. Tant qu'elle pouvait s'éloigner de ses deux "proches" au plus vite... La voyant l'inciter à parler, Alucard poursuivit :

- Que feras-tu une fois libérée de tes engagements envers ton seigneur et de nouveau seule ?

Arwen eut un petit sourire triste.

- Je ne le sais pas moi-même. Je partirai, je pense... Peut-être voyager dans les contrées sauvages de l'empire.

Le regard du vampire se fit sévère alors qu'il demanda à voix basse, l'air submergé par une colère froide :

- Et pourquoi es-tu délibérément sortie du sceau qui te protégeait contre Freefall alors que tu n'étais déja plus en état de combattre ?

Arwen haussa les sourcils, surprise, et répondit doucement par une autre question :

- Pourquoi aurais-je dû défendre ma vie ? Pour qui ?

Abasourdi par sa réponse, Alucard ne trouva d'abord rien à répliquer, puis parut sur le point d'exploser lorsque la kendoka trancha d'un ton autoritaire :

- Vous avez eu vos réponses, je veux l'ouverture du portail que vous m'avez promise.

La marque sur sa gorge, là où le vampire s'était abreuvé, disparut soudain, soignée par un sort de l'Esper. Puis, un portail s'éleva de la mare de sang et ouvrit ses portes sur une plage. Arwen le franchit sans un regard en arrière. Les portes se fermèrent avant de s'ouvrir à nouveau, mais sur un décor différent. Le quartier nocturne. Avant que Doushi n'ait le temps de le traverser, Alucard remarqua :

- J'ai l'intuition que vous dormirez seul ce soir... Pas de regrets pour Morrigan ?

Bien que son apprentie soit également furieuse contre lui et qu'il en fut inquiet, le vampire ne put retenir un sourire amusé.

Arwen passa le reste de la journée sur la plage du Nieb, et ne revint au domaine du seigneur lycan que que bien après le départ de Doushi. Le mot dans sa chambre la fit sourire d'un air amer :

- "Il me semble n'avoir aucune intention de m'en aller", c'est bien cela ?

Elle froissa le message et le laissa tomber à terre, puis entreprit de plier ses affaires. Elle avait tout abandonné pour protéger Doushi et l'aider : lui absent, elle n'avait plus aucune raison de rester. Elle s'était préparée à ce qu'il la quitte, mais elle avait imaginé qu'il ferait les chose proprement, et non pas en lâche, avec un bout de papier plutôt que le face-à-face qu'il lui devait. Elle ne comprit d'ailleurs pas le message, mais n'ayant pas Doushi à interroger, elle ne pourrait jamais le comprendre.

Une fois prête à partir, Arwen s'en alla réclamer une entrevue avec Mirastrasa. Lorsqu'il la reçut, elle s'inclina avant d'expliquer sans détour :

- Vous n'ignorez pas les raisons de ma présence ici : je n'ai accepté d'être engagée que dans l'intention de protéger Néo, envers qui j'ai des dettes. A présent que Doushi s'est courageusement enfuit de son côté, je n'ai aucun intérêt à rester à votre service. Je me fiche du confort, de l'argent et des missions, il n'est rien ici à présent qui ne m'attache à mon poste. Je viens donc vous demander la permission de me retirer. De toute l'équipe, je suis l'une des membres les plus faibles, je ne doute pas que vous n'aurez aucun mal à me remplacer. Si l'argent que vous avez investi pour mon service vous apparait comme un engagement, je puis vous le rendre dans sa totalité.

Arwen réfléchit aux quelques mots qu'elle avait prononcés quant à Doushi, mais n'en fut que plus perplexe. Les dernières paroles du seigneur, en revanche, ravivèrent en elle une colère fulgurante, au point qu'elle s'obligea à abaisser le visage afin de ne pas lui adresser l'expression haineuse qu'il trahissait. Elle dut également serrer la mâchoire, ravalant les pensées furieuses qui risquaient à tout moment de lui échapper. Ainsi Doushi n'avait pas fui, elle était tout bonnement trop aveugle pour le trouver ?! Parce qu'évidemment, c'était à elle de le chercher, et c'était trop demander au jeune homme que d'avoir une conversation adulte plutôt que de jouer à cache-cache ?

La kendoka songea à quitter le service de Mirastrasa en dépit de son refus, sûre d'être dans son droit. Doushi l'avait faite engagée en précisant qu'elle travaillerait directement sous ses ordres, et c'était l'une des conditions sous lesquelles elle avait accepté. Celle-ci n'étant plus respectée, elle ne devait plus rien au lycan. La hâte de la jeune femme à quitter le seigneur et son palais fût toutefois gâtée par une pensée plus pragmatique. Elle s'était éloignée de son maitre d'armes attitré et avait quitté les pirates, tout cela sur une période relativement courte. Si elle rompait de nouveau un engagement, elle ne trouverait plus personne pour l'employer en toute confiance et n'aurait aucun moyen de subsister, qu'elle ait eu raison ou tort. Submergée par la fureur et la frustration, la jeune femme regretta avec une douloureuse amertume la nuit où elle avait sacrifié tout ce qui égayait alors sa vie pour la protection d'un homme dont elle se sentait trahie et méprisée.

Après de longues secondes pendant lesquelles Arwen peina à calmer sa rage, elle s'efforça de répliquer sans trop d'animosité dans la voix :

- Bien. Sans votre permission, je ne puis me délier du service que je vous ai promis. Mais puisque Doushi ne "fuit pas", accordez-moi de ne "pas fuir" tout comme lui. Je peux tout aussi bien vous servir sans vivre au palais et sans l'aide du reste de l'équipe. Mieux, même, puisque je n'aurais pas l'esprit d'équipe dans mon état d'esprit actuel.