Après l'effort...

Concentrée sur une nouvelle tentative d'infiltration discrète, Arwen appuya doucement sur la poignée de la porte, et pénétra dans la chambre de Néo. Cette fois, elle n'avait pas attendu qu'une journée d'efforts particuliers ne fatigue le jeune homme, aussi s'inquiéta-t-elle de son entrée, prête à répondre à une éventuelle attaque en guise d'accueil, la main levée près de Gekido.

Maintenant qu'elle avait remporté son pari, elle n'avait plus de raison de venir importuner le chevalier... Du moins était-ce ainsi qu'elle lui avait présenté la situation, d'ailleurs sincère en l'instant même. Et finalement, sa première expérience lui avait plu, même en dehors du gage dont elle avait été récompensée. D'une part, il était rare et donc agréable de parvenir à surprendre le jeune homme. D'autre part, ses attaques nocturnes lui fournissaient un prétexte relativement valable à venir approcher le calyptien dans l'intimité de sa chambre, et alors qu'il se trouvait en tenue plus valorisante à ses yeux que l'armure dont il se protégeait en journée...

* Criiiiiik *

Fit la poignée de la porte alors même qu'Arwen la baissait afin d'entrer dans la pièce qui servait de chambre au chevalier noir du Sahoc. A peine un instant après le bruit sonore que fit la poignée, le chevalier avait déjà désarmé la kendoka et se trouvait assis sur le bord de son lit la lame serpent à la main. Un instant encore après, le chevalier lâcha un petit son de douleur et la lame tomba doucement sur le matelat tandis qu'une étrange fumée s'élevait de la main qui l'avait tenue.

-"Bonsoir Arwen..."

Prononça-t-il d'un ton calme l'instant d'encore après en posant sa main sur le matelas pour cacher la brulure provoquée par l'arme sainte. Tout cela s'était passé en à peine quelques secondes.

-"J'ai oublié de te prévenir mais la poignée grince depuis le passage de Shin tout à l'heure et je n'ai pas eut le temps de faire venir quelqu'un pour réparer ce problème..."

Arwen eut tout juste le temps de se saisir de sa lame à la vue du jeune homme éveillé, mais celui-ci la désarma avant qu'elle n'ait pu s'en servir. Mauvaise perdante, elle soupira et lança un regard accusateur au chevalier, dont elle se souvint trop tard de la malédiction. Le sabre tomba doucement sur le matelas tandis que Néo en ressentait les brûlures, inquiétant suffisamment la kendoka pour qu'elle en oublie sa rancune.

- Bonsoir Néo...

Tout en écoutant les explications du chevalier quant au grincement inattendu de la serrure à son entrée, elle le rejoint et s'assit près de lui au bord du lit, son agacement lui revenant à mesure qu'il lui parlait d'un ton péniblement calme et détaché. Elle répondit d'une voix agacée, tout en lui prenant doucement la main pour examiner les effets du contact avec la lame sainte sans se soucier du consentement du jeune homme à cette approche familière :

- En effet, j'aurais apprécié que vous m'en avertissiez avant que je ne perde mon temps à tenter une approche discrète parfaitement inutile. Toutefois...

Elle libéra finalement la main du maître d'arme et lui adressa un regard désolé, reprenant d'un ton plus doux :

- ... Cette information reste d'une importance moindre comparée à la récente bénédiction de mon arme, que j'ai oublié de vous communiquer. Je m'en excuse.

Puis, songeant à son premier passage au temple de Gaia, elle tenta d'interroger Néo :

- J'ai pu faire la connaissance de Dame Archess lors de ma découverte du culte de la Mère. Elle a laissé entendre qu'elle vous connaissait personnellement... Si j'avais deviné votre proximité, je vous aurais proposé de m'accompagner. Je pense y retourner d'ici peu, peut-être apprécieriez-vous d'en profiter pour la revoir également ?

Elle s'efforça de se donner un air simplement poli, soucieuse de ne pas trahir la jalousie et l'inquiétude qui la poussaient à se soucier de l'intérêt que portait le chevalier à la grande prêtresse.

Le doux contact de la peau de la jeune femme sur sa main endolorie par le touché de l'arme sainte provoqua un étrange sentiment chez le chevalier qui ferma les yeux un instant. A ce même moment, la demoiselle lui expliquait son rapprochement avec le culte de la Terre Mère.

-"Ah, je vois... Tu n'as pas à t'excuser ainsi, si je t'ai parlé des armes maudites et bénites c'est pour que tu puisse t'armer avec et contre celles-ci après tout..."

Prononça le chevalier calmement en faisant un sourire calme avant de continuer sur sa lancée:

-"On ne peut pas dire que je connaisse lady Archess personnellement, nous ne nous sommes pas rencontrés très souvent, notre zone d'influence étant différentes... Si tu veux y aller dans la journée, je t'y accompagnerais mais je n'ai rien de nouveau à apporter à la connaissance de l'esper magister de la terre et des plantes..."

Détailla le chevalier pour à la fois informer son élève si elle n'était pas au courant que pour se rappeler à lui-même cette information qu'il n'avait pas encore à l'époque où il l'avait rencontré. Avec le sombre Dark et l'étrange Alucard, Archess était l'un des membres de cette caste de mage bien particulier qu'il avait rencontré sans en connaitre le statut auparavant. Avec sa connaissance du cas de Milly et sa rencontre avec la Sorcière des marais, le chevalier avait rencontré un peu plus de la moitié des Esper Magister vivants en Calypta.

-"Ainsi donc tu as décidée de représenter la déesse de la terre-mère Arwen, il faudra donc que je détaille un peu plus ce culte dans nos prochains cours..."

Rassurée par la réponse du chevalier, qui ne semblait pas particulièrement impatient à l'idée de l'accompagner jusqu'à l'elfe dont elle venait seulement d'apprendre le statut d'Esper, Arwen ne put réprimer un sourire de soulagement. Son sourire s'élargit à l'évocation des cours théoriques, qui constituaient la raison même- ou tout du moins l'une des raisons- pour laquelle elle avait rejoint le chevalier noir :

- Voila justement le sujet duquel j'étais venue discuter, Maître Néo. Il me semble avoir rattrapé mon retard, il ne tient plus qu'à vous de le vérifier. Je n'avais pas la patience d'attendre le prochain cours pour vous le prouver...

S'il était vrai que la jeune femme manquait effectivement de patience, et ce d'autant plus que la récompense promise lui tenait à coeur, ce n'était toutefois pas la véritable explication à son intrusion dans la chambre du maître d'arme. Elle avait un souvenir plus qu'agréable du gage qu'elle était parvenu à soutirer à Néo, et en retenait notamment l'étreinte rapprochée qu'il ne lui avait pas refusée lors de leur échange. Or, c'était une expérience qu'elle voulait se permettre à nouveau, et le port de l'armure en aurait gâché l'effet, si elle lui avait réclamé "l'excuse" à sa motivation peu après la fin de ses cours...

-"Oh... Je vois..."

Prononça le chevalier avec un sourire semi-amusé après que la jeune femme lui ait fais part de ses intentions.

-"Soit, dis moi ce que tu sais sur le culte de la folie ou du temps dans ce cas..."

Le sourire d'Arwen se dissipa tandis qu'elle se concentrait sur sa réponse. La question de Néo n'étant que relativement générale et lui laissant même la possibilité d'un choix, celle-ci n'était pas vraiment difficile, mais la jeune femme ne pouvait s'empêcher d'angoisser à l'éventualité de se tromper dans sa description. Après quelques secondes de réflexion, elle finit par répondre :

- Le culte du temps est honoré auprès de la divinité mineure Relyk Gaerty, qui rend parfois des prophéties aux reines de notre empire. Elle apparait également, bien que plus rarement, pour répondre aux interrogations des dévots de son temple, mais l'on dit ses indications vagues, car la divinité affirme le temps neutre et tient à conserver son impartialité en toute circonstance.

Le regard soucieux, elle attendit avec un peu d'inquiétude la confirmation -ou l'infirmation- du chevalier noir.

Le chevalier écouta silencieusement la réponse de la jeune femme et ses précisions sur le culte de la divinité du temps. Le chevalier aurait aimé qu'elle parle du culte de la folie mais celui-ci étant naturellement compliqué, la réponse sur le temps lui était satisfaisante.

-"Je ne l'ai pas précisé dans mon cours vu que cela n'a été vu depuis plusieurs centaines d'années, mais il arrive parfois que la divinité Gaerty se présente en des lieux et à des dates qui marqueront l'histoire du pays à jamais..."

Avec les préparations qui étaient en cours, il y avait de forte chance que si cette information était réelle, la divinité ne tarderait pas à apparaitre. Mais cette partie là le chevalier la tût, il indiqua tout de même:

-"Cela dit, cette définition est ce que j'attends globalement de mes élèves... Connaitre les différents cultes permet de mieux comprendre ceux qui le suive si l'on doit travailler avec eux..."

La connaissance était une arme et l'un de ceux qui savaient le mieux s'en servir était le jeune stratège qui était son élève Alec, raison pour laquelle il ne venait que rarement dans ces cours là dispensés par l'école de chevalerie.

-"C'est bien Arwen... Si tu connais les autres cultes aussi bien que celui là, c'est parfait..."

Le chevalier accrut l'angoisse de son élève lorsqu'il nuança ses propos quant au culte de la divinité du temps. Mais les craintes de la jeune femme s'évanouirent lorsqu'il complimenta finalement son apprentissage, et elle lui confirma d'une voix douce, ses pensées concentrées sur un tout autre intérêt que les cours théoriques :

- C'est le cas.

Considérant l'appréciation de son professeur comme son acceptation à la récompenser, elle l'enlaça d'un bras pour poser sa main derrière sa nuque et lui saisit de l'autre la main que sa lame avait blessée, la serrant doucement pour ne pas réveiller sa douleur tandis qu'elle approchait ses lèvres de celles du jeune homme. Ses gestes furent d'abord empreints de tendresse avant de se faire plus ardents à mesure qu'elle se perdait dans les plaisirs de leur baiser.

Bien qu'elle profita pleinement de cet échange, la kendoka ne s'en trouva pas assouvie lorsqu'elle dut le rompre. N'osant pas embarrasser le chevalier d'un contact qu'il n'aurait pas voulut prolonger, elle garda les yeux fermés, son visage toujours aussi proche du sien, et maintint la pression légère contre sa nuque pour l'inviter silencieusement à reprendre leur échange tout juste interrompu. Si le jeune homme s'éloignait, elle n'insisterait pas, bien que cette éventualité très probable la peina.

Le chevalier rata un battement de cœur lorsque sa disciple s'approcha doucement de lui pour dans un premier temps l'enlacer puis finir par l'embrasser doucement puis finalement un peu plus passionnément. Le chevalier se perdit pendant un instant avant de répondre lui même au baiser qui finit par s'arrêter à un moment. Le jeune homme observa le visage de la kendoka pendant un instant avant de répondre à cette pression qu'il sentait sur sa nuque pour lui même continuer le baiser en passant son bras libre dans le dos de la demoiselle qu'il fit doucement venir vers lui.

Le chevalier ne savait pas lui même pourquoi il agissait ainsi, il aurait normalement dut s'arrêter un peu plus tôt pour qu'Arwen puisse continuer de garder à l'esprit que c'était une sorte de rétribution pour son dur travail mais... il n'arrivait pas à penser comme ça, il agissait directement comme son instinct lui indiquait de faire. Il n'arrêta pas le baiser, non, il le continua tendrement...

La réponse du chevalier à son invitation implicite dissipa le peu de réserve que la jeune femme avait à peu près su conserver jusque là, et tandis que le bras de son maître la rapprochait doucement de lui, elle lâcha sa main pour l'enlacer plus étroitement, les deux bras désormais croisés derrière sa nuque. Ne devant plus leur échange à la récompense déjà attribuée, Arwen se sentit plus sensible encore au contact de ses lèvres, dont elle s'éloignait parfois très brièvement pour reprendre son souffle, avant de les retrouver avec toujours plus d'empressement, prolongeant inlassablement leurs baisers.

Mais plus elle se laissait emporter par sa passion, plus son corps échappait à son contrôle, réagissant avec une ardeur croissante qu'elle interrompit brusquement, troublée par un désir réfréné juste à temps pour ne pas être trop trahi. La kendoka leva les yeux pour croiser le regard de son maitre, qu'elle dévisagea ensuite silencieusement, espérant deviner dans ses traits l'émotion et les sentiments que lui avait suggéré leur échange.

Tandis qu'elle observait impunément le visage du jeune homme, Arwen abaissa une main qu'elle apposa contre son torse, pour finalement reposer la tête sur son épaule, refermant de nouveau les yeux et profitant du calme qui lui revenait, un bras toujours enlacé contre son dos. La sensation d'apaisement qui l'envahit alors qu'elle restait appuyée contre Néo la laissa étrangement silencieuse. Elle ne voulait pas risquer de perturber cet instant pendant lequel il acceptait un rapprochement plus que familier avec un naturel partagé, et se contenta d'en profiter simplement, jusqu'à ce qu'il ne s'en lasse, puisqu'elle même ne le pourrait pas.

L'échange dura plusieurs minutes ainsi, augmentant en ardeur sous l'appuie de la jeune femme jusqu'à ce qu'elle s'arrête finalement pour observer la réaction du chevalier qui n'afficha rien de particulier même si en son fort intérieur il était assez chamboulé. Lorsque la jeune femme posa sa tête sur le torse du jeune homme, celui-ci revint à la réalité pour poser silencieusement sa main blessée sur la tête de la demoiselle sans appliquer de pression particulière avant de fermer les yeux pour lui-même profiter de l'instant.

Il y avait bien longtemps que le chevalier n'avait pas ressentit ainsi de la tendresse venant de quelqu'un, c'était quelque chose qu'il s'était interdit à la mort de sa famille il y a bien longtemps. A cette pensée, une larme coula sur le visage du jeune homme sans qu'il ne le remarque lui-même, la première depuis les évènements qui étaient intervenus dans sa jeunesse. Le jeune homme resta ainsi plusieurs minutes avant de prononcer sur un ton calme:

-"Il commence à se faire tard, Arwen... Nous pourrons remettre ça à plus tard..."

Il ne savait pas exactement ce qu'il voulait dire par là, mais il semblait qu'il le saurait quand le moment serait venu...

Lorsque la voix du chevalier rompit finalement le silence, Arwen rouvrit les yeux, retenant un soupir de déception. Le jeune homme s'était consacré à elle au delà des engagements qu'il avait prit, elle ne pouvait pas lui en vouloir de la ramener ainsi à la réalité... et pourtant, il lui était difficile d'accepter la reprise de son rôle d'élève. Il lui semblait que plus elle se rapprochait de lui, plus leurs séparations lui étaient douloureuses, entretenant consciemment une relation addictive à laquelle elle était déjà dépendante.

Elle s'écarta à contre-cœur du chevalier et acquiesça, bien qu'elle ne fut pas sûre d'avoir compris sa dernière phrase. Songeant à l'expression de calme indifférent qu'elle avait lue sur son visage un peu plus tôt, elle se résigna à quitter la chambre de son maître, évitant soigneusement son regard, de peur qu'il ne considère son air peiné comme de l'ingratitude. Après avoir ramené le sabre serpent dans son fourreau, elle se dirigea vers la porte, dont elle abaissa la poignée bruyante, et s'arrêta soudain pour se tourner vers Néo, à qui elle s'efforça de sourire d'un air enjoué presque convaincant :

- Pensez à faire réparer cette poignée au plus tôt, voulez-vous ? J'ai l'intention de vous réveiller bientôt à nouveau, et au son de mes provocations plutôt qu'aux grincements d'une poignée mal entretenue. Bonne nuit, Néo.

La jeune femme se retourna et quitta la pièce, refermant doucement la porte derrière elle pour se départir aussitôt de son sourire forcé, laissant son visage s'assombrir sous les traits de sa véritable humeur.

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