Havre? (Z)

Le squelette enchaina ironie sur ironie, soumettant Arwen à un silence interloqué. Sourcils froncés et l'air troublé, elle hésitait à interpréter son discours comme une provocation ou bien comme le simple signe d'un esprit dérangé... Dans le premier cas, il lui faudrait répondre par les poings pour remettre les points sur les "i", dans le second, elle respecterait sa folie douce d'un hochement de tête faussement compréhensif.

Elle acquiesça à l'adresse de son compagnon. Alucard l'avait habituée aux déséquilibres que présentaient les morts, elle savait que les leur dénoncer était, au mieux, inutile. Au pire, cela générait des crises de colère qui se finissaient en lancers d'objets volatiles, le plus courant étant naturellement la mygale volante...

Cet effort de sociabilisation fut toutefois réduit à néant peu de temps après. Foudroyant T-Bone du regard -une fois de plus!- Arwen s'énerva :

- Je suis Arwen Blacksoul, élève du chevalier noir Lightfellow et ennemie des pervers qui se prétendent femmes pour mieux encourager les demoiselles à se dévêtir alors qu'ils portent un nom d'homme et parlent d'une voix masculine ! Tu me prends pour qui, sac d'os ?! Ne te méprends pas à mon sujet : je ne suis pas naturellement blonde !

Son agacement passé, elle n'entendit qu'alors les avertissements du squelette.

- Attends un peu... Tu viens de mentionner les F... Je veux dire : cette cabane serait l'abri des divinités vengeresses issues de Nyx ?

Inquiète, la kendoka s'énerva davantage :

- Mais pourquoi viens-tu de prononcer leur nom, stupide tas de vieux os, si c'est justement pour conseiller de ne PAS le faire ????!!!

Au loin, des gémissements se firent entendre, accompagnés par des bruits de pas. Arwen se retourna, étonnée... avant de souffler dans une grimace, les yeux écarquillés :

- "Ceux qui pensent avoir semé un mort-vivant feraient bien de se souvenir de l'histoire du lièvre et de la tortue, tout en gardant à l'esprit que dans ce cas précis, le lièvre a de bonnes chances de finir dans l'assiette de la tortue". Oups ?

Dommage qu'elle ne se soit souvenu de cette leçon de son guide qu'après l'avoir vérifiée dans le pire territoire qui soit. Indécise, la kendoka regardait passivement l'énorme masse de zombies approcher. Au bout d'un moment, elle parut se réveiller. L'index levé, elle sourit :

- Ah ! J'ai une idée ! Fuis ailleurs ou suis-moi, mais surtout ne tourne pas dans le sens inverse au mien !

Poursuivie par un groupe solidaires de cadavres animés, elle se mit à courir autour de la cabane, les amassant en rangées presque parfaites derrière elle. Lorsqu'elle se sentait suffisamment éloignée pour se retourner prudemment, elle faisait face à quelques zombies en tête de groupe le temps d'un rapide coup de sabre, tranchant régulièrement des gorges imprudentes. Tout en réduisant lentement le nombre de leurs ennemis, Arwen réfléchissait. Cette technique finirait par la fatiguer, peut-être avant qu'elle ne puisse en anéantir assez... Elle demanda au squelette :

- Penses-tu que l'on puisse se réfugier sur le toit de la cabane sans risquer de provoquer leur colère ?

Si elle pouvait voler jusqu'au toit, alors elle serait sûrement capable d'éliminer les zombies tranquillement en faisant chuter leur corps de façon à détruire leur cervelle un par un. Toutefois, la kendoka estimait comme peu nombreuses les chances que les furies ne prennent pas leur emprunt temporaire du toit comme un outrage. Enfin, elle avait été trop concentrée sur les traits de visage de Néo pour se souvenir de qu'il lui avait appris des divinités, peut-être que T-Bone saurait mieux deviner leur caractère.

Arwen leva la tête au son du cri effroyable qui la fit s'arrêter en même temps que les zombis, en un mouvement si parfaitement simultané et une expression ahurie si similaire à la leur qu'elle aurait presque pu passer pour l'un d'entre eux si elle n'avait été si vivante. Reconnaissant les maitresses des lieux, elle secoua la tête pour se remettre de sa stupéfaction et profita que ses attaquants restent passivement subjugués pour se mettre à genoux et implorer :

- Justes Bienveillantes, pardonnez ma présence en ces lieux ! Je n'avais nulle intention de troubler la sérénité de vos terres : je me suis perdue alors que j'étais pourchassée par ces cadavres et seule l'urgence de ma situation m'a poussée à pareille sotte erreur ! Je vous supplie d'accepter mes humbles excuses. Si vous me le permettez, je m'en vais de ce pas vous laisser à votre tranquillité et chercher refuge là où je ne dérangerai pas.

Attendant avec angoisse la décision des furies, Arwen garda la tête baissée et resta en position agenouillée. Elle essayait vainement de se rappeler les leçons de Néo dans l'espoir de trouver un meilleur moyen d'apaiser les Euménides, mais elle était dans un tel état d'effroi et de terreur que son esprit ne se remémora rien. Pas même la présence outrageante du squelette pervers dans la cabane.