Recherche d'information [Arwen]

La proposition de son compagnon déplut à Arwen, qui lui adressa une mine dépitée en guise de réponse. Elle avait passé sa journée à prendre sur elle pour combattre une crainte irrationnelle et avait espéré profiter au moins de sa soirée pour se détendre auprès de lui. Elle ne s'était pas attendu, surtout, à ce qu'il emploie leur temps libre à un travail d'infiltration alors qu'ils auraient tout le loisir de s'y atteler pendant leur service. Elle soupira et dit sans le regarder, déçue de la soirée qui s'annonçait :

- Je n'en avais pas envie, mais puisque j'ai encore moins envie de te laisser y aller seul...

Elle n'avait pas vu l'attention du jeune homme se porter sur le palais royal, aussi demanda-t-elle sans entrain :

- De quel détour s'agit-il au juste ? Et quelles informations cherches-tu à obtenir ?

Prise au dépourvue par la curiosité de Doushi pour le chevalier noir, elle lui prit soudain le bras, le retenant fermement, et bafouilla d'un air paniqué :

- La chambre du bras droit de la déesse du Sahoc ??! Non, s'il te plait ! Il n'y a rien dans sa chambre que tu trouverais et dont je ne saurais t'informer !! J'y suis moi-même allée la dernière fois ! Et puis il n'a rien de personnel, tous ses biens servent son travail, tu n'apprendrais rien de lui d'après sa chambre ! C'est inutilement dangereux... Si tu as des questions, je suis toute prête à y répondre.

Arwen regardait le jeune homme d'un air désemparé. La chambre du maître d'armes était trop similaire à celle de Doushi pour qu'il n'en soit pas troublé, elle craignait qu'il ne devine son passé et ne fasse lui-même échouer les projets pour lesquels il avait écourté sa vie. Mais pouvait-elle l'empêcher de s'y rendre sans éveiller ses soupçons ? L'état fébrile dans lequel l'avait mise son idée de détour était déjà en soi suspect, elle tenta de se calmer.

Arwen était embêtée. Elle trouvait dangereux de laisser le jeune homme s'approcher d'un lieu où il avait de fortes chances de tomber sur sa propre écriture, mais elle ne savait comment le convaincre de renoncer à son entreprise et elle ne voulait pas qu'il décide finalement d'y aller sans elle. Il était plus prudent qu'elle l'accompagne et le surveille. Elle finit par répondre après un instant de réflexion :

- Bien sûr que si j'ai des objections : tu me proposes d'aller fouiller le bureau de l'homme à qui je dois la vie et les enseignements qui me permettent de survivre aujourd'hui. J'ai l'impression de le trahir...

Elle n'eut pas besoin de mentir pour lui exprimer ses sentiments de culpabilité, car c'était réellement ainsi qu'elle ressentait l'intrusion qu'il projetait. Elle avait beau garder rancune au chevalier noir pour son indifférence lors de sa capture par les pirates, elle lui était encore très attachée. La kendoka tenta un dernier argument auprès de Doushi, bien qu'elle sût à l'avance qu'il ne l'influencerait aucunement.

- Si tu tiens à obtenir des informations au palais royal, tu aurais bien plus à découvrir dans ma chambre tu sais...

Proposa-t-elle d'un air malicieux tout en l'attirant doucement à elle avant de l'embrasser. Ce n'était pas le genre de distraction qui soulagerait sa curiosité, elle le savait. Mais elle n'avait tout simplement plus d'autres idées.

Arwen essaya de cacher sa déception à l'obstination du jeune homme. Il ne changerait pas d'avis, elle ne pouvait plus que l'accompagner. Elle espérait que Néo se connaissait assez pour avoir deviné qu'il risquait de passer à son bureau après son amnésie et avait ainsi rangé la pièce de façon à ce que rien n'accroisse ses soupçons. Elle céda à contre-coeur :

- Bien, mais nous ne resterons pas longtemps dans son bureau, tu n'as pas besoin de lire toute sa paperasse pour te rendre compte de la personne qu'il est. D'ailleurs ses écrits sont dangereusement soporifiques, je ne veux pas que tu t'endormes après ce que tu m'as promis. Mieux vaux fouiller le bureau de Néo avant d'aller dans ma chambre : le contraire nous priverait de toute discrétion...

Malgré cette dernière consolation, Arwen ne put s'empêcher de s'inquiéter pour le jeune homme et les découvertes qu'il risquait de faire.

Résignée aux projets de Doushi, Arwen s'efforça d'ignorer ses craintes et de se détendre pour appréhender au mieux leur infiltration. Elle ferma les yeux et réfléchit un instant, avant de les rouvrir en souriant au jeune homme d'un air espiègle :

- Et pourquoi devrions-nous éviter de nous faire repérer ? En ce qui me concerne, j'ai encore une chambre au palais et suis autorisée à y entrer. Quant à toi...

Elle passa doucement la main sur la joue de son compagnon, contemplant son visage avec une affection mêlée de désir, puis continua :

- Qui oserait faire obstacle au chevalier noir, Néo Lightfellow ? Ou tout du moins à celui qui passerait pour...

Revenant aux côtés du jeune homme pour avancer près de lui, une main posée dans son dos, elle lui précisa :

- Néo est calme, distant et silencieux, ce qui te rend la tâche aisée : il te suffira de continuer ton chemin sans un mot. De toute façon, peu de personnes viennent d'elles-mêmes approcher le bras droit de la reine. Par ailleurs, il n'y a pas si longtemps encore, il devait constamment supporter ma compagnie : ma présence à tes côtés sera une confirmation supplémentaire à ton identité de chevalier noir.

Elle jeta un regard en coin à Doushi et ajouta soudain :

- Ah et surtout : Néo exècre les femmes, à la seule exception de ses deux élèves, Milly et moi-même. Donc si tu croises des demoiselles, adresse-leur un regard méprisant puis ignore-les.

Arwen espérait que celles qui croiseraient Doushi se vexeraient de son comportement et en garderaient rancune à Néo. C'était plus fort qu'elle, imaginer le jeune homme avec une autre femme lui était insupportable, quand bien même elle souhaitait sincèrement son bonheur. Elle l'interrogea du regard et demanda, incertaine de l'opinion de son compagnon quant à son plan :

- Cela te convient-il ou préfères-tu infiltrer le palais discrètement ?

- Quoi ??!

S'inquiéta Arwen, qui passa mentalement en revue toutes les femmes que Néo connaissait. Laquelle avait bien pu faire affirmer à Mirastrasa les goûts du chevalier pour la gente féminine ? Elle lança un regard courroucé au jeune homme lorsqu'il révéla sa plaisanterie. Elle répondit ensuite à sa remarque d'un ton agacé :

- Eh bien, si cela arrive, toi et moi serons probablement envoyés dans les cachots de la reine pour y subir les pires tortures. Mais enfin, ta petite curiosité doit en valoir la peine, n'est-ce pas ?

Elle avança un peu plus rapidement à ses côtés, les yeux abaissés dans une expression abattue. Doushi semblait bien s'imprégner de son rôle, elle eut l'impression accablante d'avoir retrouvé son Maître, et son humeur s'assombrit davantage à mesure qu'ils s'approchaient du palais.

Au bout d'un moment, Arwen s'adapta si bien au jeu de son compagnon qu'elle fut interloquée de voir Néo se retourner vers elle pour lui demander la bonne direction. Les yeux écarquillés, elle le regarda un instant d'un air stupéfait avant d'éclater de rire. Néo perdu dans ses appartements. C'était irrésistiblement hilarant.

Pourtant, lorsqu'elle recouvra son sérieux, la jeune femme se rendit compte qu'elle avait naturellement suivi le chemin qui menait à la chambre du chevalier noir, comme elle en avait eu l'habitude à l'époque encore récente où elle vivait au palais et passait son temps à venir attaquer son Maître... Gênée que Doushi, qui n'avait aucun souvenir des appartements, ait douté de la direction alors qu'elle même, qui était supposée avoir toute sa mémoire, ne s'était aperçue de rien, elle rougit légèrement et admit à voix basse :

- Euh... Non.

Elle changea aussitôt de direction et le mena jusqu'à la porte du bureau de Néo, qu'ils avaient dépassé.

D'abord complètement désemparée à la vue du trio qui occupait déjà le bureau de Néo, Arwen se reprit assez vite et répondit au stratège d'un air hautain :

- Eh bien quoi ? Si tu avais su me délivrer à temps des pirates je n'aurais pas eu à me déplacer jusqu'au palais pour revenir y chercher mes bottes.

Elle poursuivit ensuite son chemin comme si elle n'avait jamais eu l'intention de s'arrêter devant le bureau et marcha ainsi calmement vers sa chambre, poussant doucement son compagnon un bref instant sous l'élévation sanguine pour l'inciter à la suivre.

Arwen entra dans sa chambre et en ferma la porte derrière Doushi, préférant parler en privé. Elle soupira enfin :

- Non, ce n'était pas bon... Et oui, il s'agissait d'Alec.

Sa rencontre avec Shin et Hikari avait mise de mauvaise humeur la jeune femme. Elle détailla la chambre du regard et constata avec d'autant plus d'agacement :

- Et en plus, on ne peut même pas utiliser mon lit !

Les affaires du couple avait remplacé les vêtements éparpillés d'Arwen. Elle ouvrit tout de même l'armoire où quelques-unes de ses affaires étaient miraculeusement rangées, ainsi que ses bottes. Elle avança une main pour s'emparer des chaussures de cuir lui ayant servi de prétexte, mais suspendit son geste. Finalement, elle referma l'armoire. Elle avait volé et acquis bien assez de vêtements pour ne pas être obligée de porter ceux d'un passé qu'elle voulait oublier. Tournant le visage vers Doushi, elle dit :

- Nous nous sommes faits remarquer, il serait trop risqué de revenir au palais ensuite. Promet-moi que tu ne tenteras plus de t'y infiltrer et allons-nous en. Je déteste cet endroit.

Elle détestait la chambre dans laquelle elle s'était si souvent enfermée, le couloir qu'elle empruntait autrefois pour retrouver Néo au plus tôt, les proches de ce dernier qu'elle avait jalousés... Tout ici lui rappelait des souvenirs désagréables.

Arwen n'aima pas la réponse du jeune homme, qui ne ressemblait pas du tout à une promesse, mais plutôt au simple report de son projet. Elle songea qu'elle écrirait à Alec pour le mettre en garde, lorsque Doushi lui fit perdre le fil de ses pensées d'un baiser qui l'apaisa. Elle lui répondit d'un sourire complice, avant de se retourner en sursaut vers la servante, surprise par le bruit de fracas du vase qu'elle avait renversé. Alors que son compagnon pressait le pas, Arwen précisa à la servante d'un air supérieur :

- Il est discret, mais c'est ainsi depuis le début. Fais-le bien comprendre aux autres.

Ravie de son effet, elle se hâta pour rejoindre Doushi. Mais avant de prendre un autre couloir, elle ne put s'empêcher de se retourner à nouveau et d'ajouter :

- Pourquoi crois-tu que je visitais si souvent sa chambre la nuit ?

Elle disparut ensuite au tournant, et regagna ainsi avec le jeune homme le domaine de Mirastrasa, le coeur léger. Elle ne passa toutefois pas les portes du palais, réclamant à Doushi un instant de repos dans les jardins, qu'elle aimait beaucoup. Elle attendit alors qu'il ne prenne place sur le banc auquel elle l'avait mené et s'y allongea elle-même de tout son long, la tête sur les genoux de son compagnon. Elle ferma les yeux, savoura un moment la sensation de bien-être qu'elle ressentait à reposer tranquillement contre son amant dans un paysage aussi plaisant, et demanda enfin :

- Que veux-tu savoir de Néo ? Je ne comprends pas en quoi une simple ressemblance physique peut t'amener à tant de curiosité pour lui, mais si tu es à ce point intrigué, je suis toute disposée à te renseigner.

- Je n'aime pas que tu joues son rôle. Après m'être vouée aux neuf mers dans l'espoir de ne plus revoir Néo, je trouve bien triste de le retrouver en l'homme que j'aime.

Se contenta de dire à voix basse Arwen, les yeux toujours clos mais l'air soucieux. Petit à petit, elle laissa néanmoins ses sombres pensées se dissiper sous la main de son compagnon, qui caressait ses cheveux tandis qu'elle inspirait l'air frais de la nuit. Finalement, la jeune femme s'endormit paisiblement sur son amant.