La mort d'Alucard (M)

Au premier pas sur les terres sombres du quartier nocturne, Alucard avait ôté l'anneau noir qui le protégeait du soleil. Complètement vidé de ses forces, il marchait lentement vers son manoir, accompagné d'Arwen et de Freefall. Ses recherches n'avaient menées à rien, aucune des personnalités de Calypta n'avait su lever la malédiction, et quelques unes d'entre elles s'étaient même avérées déja personnellement frappées par celle-ci.

Lightfellow lui-même, le bras droit de la reine Angélique, avait renié ses principes pour aller flirter dans les tavernes. Et comme si cela n'avait pas suffit, l'idiote blonde s'était attardée dans les boutiques commerçantes, puisant dans leurs dernières forces à tous trois pour assouvir ses besoins vestimentaires qui s'étaient révélés... sans fin. Essayant tenue après tenue, se pavanant face au miroir puis dans les rues pour attirer l'attention, cajolant Freefall qu'elle avait même obligée à enfiler avec elle des habits plus horribles et colorés les uns que les autres, elle lui avait imposé un véritable défilé de carnaval à elle toute seule.

Titubant laborieusement jusqu'à la porte de sa demeure, Alucard s'y appuya à deux mains, le temps de se remettre un peu de sa marche. La tête lui tournait, il peinait à rester debout et bien qu'il n'ait pas été blessé, sa chevelure avait complètement blanchie, comme lorsqu'il restait privé trop longtemps de sang. Il n'avait plus même la force de chasser, sa soif devrait attendre encore un peu. Dans l'immédiat, le seul remède salutaire serait son cercueil, qui bien qu'à un étage de lui seulement lui paraissait terriblement loin.

Relevant le visage, il s'apprêta à traverser la porte close quand une odeur familière éveilla sa méfiance. Il prit une inspiration, et son visage se figea. Un vieil ami l'attendait à l'intérieur. Ou plutôt, un vieil ennemi, maintenant que la malédiction l'avait atteint. Mentalement, il ordonna d'un ton sec aux deux jeunes femmes :

- Fuyez, laissez-moi seul. Immédiatement.

Les sentant toutes deux hésitantes -ou bien trop épuisées pour réagir- il se retourna vers elles et, l'air menaçant, aboya avec colère dans leur esprit :

- ALLEZ VOUS-EN !

Puis, lorsqu'elles s'exécutèrent enfin, il fit de nouveau face à la porte et avança d'un pas, traversant le bois pour se retrouver aussitôt à l'intérieur du manoir, devant son hôte imprévu.

- Tu n'es pas là pour prendre le thé, n'est-ce pas ?

Tout ce qui était bon jadis devint alors maudit, telle était la malédiction qui avait été jetée sur les habitants du royaume de Calypta, et ce, sans qu'ils n'en sachent jamais rien. En contrepartie, tout ce qui avait été mauvais autrefois était maintenant d'une grandeur d'âme. Le prince dragon n'y avait pas échappé et fut frappé en plein milieu de journée, malheureusement pour bon nombre de personnes...

Alors que Mythril portait tant bien que mal les nombreux ouvrages que l'un de ses clients entassait sur la pile déjà bien imposante qu'il tenait entre ses bras, le pauvre bibliothécaire soupira mais il était hors de question de laisser une pauvre âme qui lui avait demandé de l'aide dans le pétrin. D'autant plus que la pauvre âme en question était un érudit assez vieux qui lui aurait très certainement succombé sous le poids toujours grandissant des ouvrages convoités.

Ils continuèrent ainsi jusqu'à ce que la malédiction ne vienne jouer un mauvais tour aux habitués de la bibliothèque blanche. En l'espace d'un instant le lieu si calme se changea en un effroyable capharnaüm sans précédent. Les agents du dragon se retournant pour la plupart contre les érudits qu'elles servaient, certains sages se mirent à tout détruire sur leur passage, des cris retentirent de ceux qui avaient été épargnés.

Au beau milieu de tout ce massacre, le propriétaire des lieux laissa sa tête s'abaisser de telle sorte que sa franche cache son regard. Le pauvre érudit qui l'avait employé chercha à savoir s'il allait bien lorsqu'un rire démentiel résonna dans toute la pièce, un rire froid et menaçant, toute activité alors s'arrêta. Bon ou mauvais, tous savaient qu'un dragon énervé pouvait faire des dégâts et tous s'étaient mis d'accord pour ne pas s'attirer son courroux.

Malheureusement le gentil Mythril qui se laissait faire avait laissé place à un dragon égoïste et malveillant, en un instant le vieux personnage fut écrasé sous la masse de livres que le bibliothécaire avait quelques instants plus tôt dans ses mains et n'eut pour toute explication qu'un bref.

- Il ne faut pas abuser le vieux... tu veux des livres, tu vas les chercher et les porter comme un grand! Je ne suis tout de même pas un de tes larbins, et arrête de geindre, tu me casses les oreilles...

Il s'en alla tranquillement, comme si ce qu'il venait de faire avait été normal, les gens autour de son passage s'éloignaient de lui. C'est comme ça qu'il quitta la bibliothèque, non sans avoir imposé une nouvelle règle qui obligeait tout ceux qui y entrait à se séparer de leurs richesses sous peine de représailles. C'est donc avec une bourse nouvellement pleine et une furieuse envie de changer ses habits qu'il s'engagea vers un des salons de coutures de Calypta.

Il entra dans la bâtisse sans respect et en dédaignant la plupart des vendeurs et lança à l'intention de ses occupants.

- J'en ai marre de ces haillons de cul-béni, et j'espère qu'ici vous aurez au moins de quoi me satisfaire...

Les vendeurs choqués de son attitude faillirent dans un premier temps renvoyer l'effronté mais lorsque celui-ci montra son amie la bourse bien pleine, leur visage s'illuminèrent et il fut traité comme un roi. Une demi-heure plus tard il était sorti, ayant fatigué et énervé la pauvre vendeuse qui lui fut attribuée, essayé la plupart des vêtements qu'il n'avait pas acheté et emplafonné quelques personnes qui avaient eu la mauvaise idée de critiquer sa conduite.

Maintenant habillé de manière convenable pour ses nouvelles humeurs, il se transforma en dragon au beau milieu des rues, détruisant habitations au passage et écrasant passants et s'envola vers une destination précise, il fallait aller passer un petit coucou "amical" à un "cher ami".

Il entra alors dans le champs du Sahoc pour se poser du coté des habitations et fut accueilli chaleureusement par un bon nombre de créatures maléfiques maudites, les autres tentèrent de l'attaquer et furent occises en un rien de temps. Il tomba alors sur l'habitation qu'il recherchait et y entra avec son sort de passe-muraille pour aller s'assoir dans un des fauteuil du maitre des lieux.

Il n'eut pas à attendre longtemps avant que celui qu'il cherchait ne se présente à lui, en lançant un sarcasme qui le fit rire.

- Tu as tout juste la sangsue... je suis ici pour régler quelques différents... Après tout tu t'es bien amusé à mes dépends et il est juste que tu doives payer la monnaie de ta pièce, tu ne penses pas?

Il se leva alors du fauteuil et fonça alors vers l'être qui se trouvait face à lui, dégainant une épée qui lui avait été généreusement offerte par l'un de ses anciens adversaires et entama un combat, après maintes entre-chocs métalliques, il fini par coincer son adversaire par le biais de son arme qu'il planta dans son épaule et la coinça dans l'un des murs de la demeure. Il fit alors apparaitre une sphère de lumière dans sa main libre et la fit grandir petit à petit, se mettant par la même occasion à rire de façon démente.

Une fois le sort ayant pris la taille escomptée il la lança ne plein cœur de son adversaire et celle-ci y resta logée.

- Je crois qu'il est temps de nous dire au revoir mon ami, tu ne penses pas?

Dit-il alors qu'il obligea la boule de lumière à s'étendre et à exploser dans une gerbe de feu purificateur.

Il se retourna alors content de lui et se dirigea vers la porte du bâtiment qui commençait à bruler, le dragon n'ayant pas ordonné à sa boule de s'éteindre et le corps qui lui servait de combustible avait permis au feu d'être assez puissant pour pouvoir s'attaquer à la maison. Bon le chef des cafards suceur de sang éliminé, il ne restait plus que la groupie aux cheveux verts...

Rien qu'au ton sur lequel répondit celui qu'était devenu Mythril, Alucard comprit que toute tentative de raisonnement serait vaine : le dragon était uniquement motivé par un désir de vengeance qu'aucun argument ne saurait apaiser. Impuissant à contourner un affrontement imminent, il répliqua en critiquant ouvertement du regard la nouvelle tenue de son ennemi :

- Hm, effectivement. Je comprends que tu veuilles récupérer ta monnaie. Moi aussi, je viendrais réclamer leurs dettes à mes proches si un budget modeste me contraignait à porter pareil accoutrement.

Il eut à peine le temps de finir sa phrase que déja, le dragon quittait son fauteuil pour se jeter sur lui. Sa vieille épée de seigneur apparut dans sa main pour parer au dernier moment l'attaque. Une rafale de coups succédèrent à cette introduction, l'obligeant à puiser dans les dernières forces qui lui restaient pour se défendre. Mais sa fatigue eut vite raison de lui et bientôt, il ne fut plus capable de répondre aux agressions incessantes de l'épée adverse : celle-ci évita sans mal sa lame ralentie par l'épuisement du bras qui la tenait et s'enfonça dans son épaule.

Immobilisé entre le dragon et le mur dans lequel se prolongeait l'épée, Alucard n'essaya même pas de s'en défaire, trop affaibli pour qu'aucun débattement ne le blesse pas davantage que cela ne l'aurait aidé. Lassé et résigné, il ne put qu'observer l'inquiétante boule de lumière qui grossissait dans la main de son ami maudit, éclairant son visage blafard d'une lueur flamboyante.

La sphère lumineuse s'élança soudain vers lui, et le transperça pour trouver refuge en son cœur moribond. Il ne fut alors plus conscient de la suite des évènements, aucun de ses sens ne semblait plus répondre... à l'exception de la sensation de toucher ! La douleur, elle était dans chaque parcelle de son corps, brulant, lacérant, irradiant, déchirant de l'intérieur tout son être, insoutenable. Ses hurlements dominaient les rires du dragon, et emplirent d'horribles échos plaintifs le manoir bien après le départ de ce dernier, tandis que tout brûlait autour de lui.

Une dernière image parvint à se frayer un chemin dans son esprit entièrement voué à la douleur qui l'habitait. Dans les ténèbres d'un ciel infini, une lueur grandissante aux teintes merveilleusement orangées naissait lentement. Petit éclat d'espoir fragile, la lumière émergea finalement en un magnifique halo doré, dissipant complètement l'obscurité. L'aurore. Magistrale, douce et chaleureuse, elle était d'une beauté fascinante.

Il sembla au mage mourant que la douleur diminua un peu sous la chaleur inoffensive de son souvenir, il reprit alors assez de contenance pour formuler quelques dernières pensées.

C'est le paysage que je vois avant de mourir. Toujours le même. Et chaque fois je me dis... que la lumière du soleil est vraiment magnifique.

Tendant une main vers l'astre qui n'existait que dans sa mémoire tourmentée, il sentit de nouveau la douleur s'amplifier en morsures déchirantes en lui tandis que sa vision de l'aube s'évanouissait petit à petit sous les flammes qui incendiaient le manoir. Puis, l'obscurité se fit, et plus rien n'exista. Les restes consumés d'Alucard s'effondrèrent en poussières qui disparurent avant même de toucher le sol embrasé.

Fuyant du manoir, Freefall eu cependant trop peur du noir pour s’en aller bien loin, et alla se cacher tremblante dans un buisson près de la porte d’entrée. Pourquoi le Maître leur avait-il si brusquement ordonné de sortir ? L’idée qu’un danger soit assez grand pour inquiéter son Saigneur la terrifia, mais s’éloigner seule dans la nuit noire l’effrayait autant que de savoir ce danger présent, juste là, dans l’endroit même où reposait son cercueil, le seul endroit au monde où elle se sentait chez elle et en sécurité !

Les voix et les bruits qu’elle entendit a travers les murs répondirent a toutes ses question. Se recroquevillant sur elle-même, des larmes de sang coulèrent de ses yeux, tachant le manteau blanc. Ses sens exaltés lui firent tout entendre, et les cris de douleur d’Alucard vrillèrent son cœur de non-morte. Lorsque Mythril sortit, Freefall se figea et ne fit plus un bruit, retenant le souffle qu’elle n’avait plus jusqu'à ce qu’il passe. Le manoir était en feu ! Alarmée, elle se dressa hors de sa cachette et courue vers les portes, mais n’osa pas les franchir a cause des flammes. Elle appela en pleurant, suppliante.

*M-Maître ?… Répondez-moi !… Maître ??… MAÎTRE !!*

Mais elle n’eu aucune réponse, et ne ressentait plus la présence d’Alucard avec son lien de sang, si le lien existait toujours. S’effondrant par terre, elle hurla.

MAIIIIIIIIIIIITRE !!!!!!

Fondant en larmes, elle pleura toute la nuit jusqu'à ce que la malédiction se termine. Mais même avec sa personnalité retrouvée, sa douleur et sa peine restèrent présentes. N’ayant plus assez de sang pour pleurer, elle se leva et essuya son visage. Une lueur farouche brillait a présent dans ses yeux. Mythril allait le payer ! Un plan se dessina alors dans sa tête, il fallait qu’elle reprenne des forces. Et tendant la main vers les ruines fumantes, elle appela son arme qui vola jusqu'à elle.

Une fois sortit de la maison en flammes, il chercha pendant plusieurs heures sa proie mais ne la trouva point, peut être que le cafard lui avait ordonné de fuir et se cacher. On peut comprendre facilement que si le chef des sangsues avait péri aussi facilement devant sa force, les autres ont du fuir pour tenter de vivre... enfin vivre était un bien grand mot, car obligé de fuir et changer d'identité car ils avaient maintenant un puissant dragon à leurs trousses, et il n'hésiterait pas à les pourchasser jusqu'en enfer ces imbéciles qui avaient eu l'audace de lui marcher dessus! La Mythril couard et gentil n'était plus, maintenant il allait le faire payer à tous ces imbéciles qui maintenant devraient tous trembler rien qu'en entendant son nom.
Il ouvrit ses deux grandes ailes tout en reprenant sa forme draconienne, détruisant une fois de plus quelques habitations pour trouver d'autres vermines : Alucard n'étant plus, il lui restait maintenant à trouver Fenril et Améthyst... deux dragons à qui il allait devoir apprendre le respect...