Une famille unie (M -pv Arwen et Freefall)

Soulevant de la main droite une kendoka par le col et serrant de la main gauche la jolie gorge d'une jeune vampire, Alucard maintenait de son mieux ses disciples enragées à distance l'une de l'autre. Il tourna le visage vers Arwen, et soupira tandis qu'elle se débattait à quelques centimètres au dessus du sol :

- Nécrophile... On ne rentre pas à la maison après plusieurs jours d'absence pour tenter aussitôt d'embrocher sa cadette. La prochaine fois, tu seras priée de venir au moins me saluer avant d'aller jouer avec ta petite sœur. Ton impolitesse me blesse, je ne reconnais pas l'éducation que je t'ai donnée... C'est toi l'ainée, n'es-tu pas censée donner l'exemple ?

Il tourna ensuite la tête vers Freefall, et poursuivit sur le même ton faussement paternaliste :

- Sarah, ma tendre... Combien de fois t'ai-je déja répété de ne pas jouer au cerceau dans la maison ? Tu as tout le quartier nocturne avec tous tes amis vampires à qui trancher la gorge dehors, alors pourquoi faut-il que tu joues à l'intérieur ? Cesse de te conduire en enfant gâtée et respecte un peu plus ton foyer.

Le vampire observa alternativement l'expression de ses deux filles rebelles, cherchant sur leur visage d'éventuelles traces de rédemption. Naturellement, il ne trouva de signe de culpabilité sur aucun des deux minois haineux. Mais le manteau d'Arwen était agrippé depuis si longtemps qu'il semblait sur le point de se déchirer sous le poids de sa propriétaire toujours soulevée de force, et la gorge de Freefall s'était teintée d'énormes ecchymoses violettes certes en parfaite harmonie avec ses vêtements mais néanmoins assez disgracieuses. Il se résolut donc à conclure :

- Je lève ma punition, les filles, mais que je ne vous reprenne pas à vous chamailler. Et s'il vous plait, surveillez un peu votre langage. Je ne sais pas où vous avez appris pareilles grossièretés mais je regrette de deviner l'influence de mauvaises fréquentations...

Il ouvrit alors les mains, laissant retomber sur ses pieds la furie blonde et libérant la gorge de la belle hystérique.

Déséquilibrée par le lâché brusque du mage, Arwen atterrit maladroitement à terre. Le silence s'imposa alors, seulement brisé par son souffle irrégulier, et au bout de quelques secondes, après avoir surveillé les deux disciples d'un oeil méfiant, Alucard finit par s'éloigner prudemment. Ce dernier n'eut pas le temps de se retourner complétement que déja, la kendoka blanche avait plongé sur sa pire ennemie, lançant le sabre serpent vers la gorge au joli teint violet.

Arwen n'aimait pas défier l'autorité de son maitre, mais elle aimait encore moins supporter la compagnie du Sapin de Noel, et les réprimandes moqueuses d'Alucard n'avaient fait qu'alimenter le feu de sa haine. Le mot "soeur", surtout, l'avait plus que mise hors d'elle. N'obéissant qu'à sa fureur, elle enchaina une nouvelle attaque au sabre, quand une vague d'émotions et de pensées contradictoires la figea soudain sur place. Paniquée et déroutée, elle rangea immédiatement Gekido dans son fourreau. Mais dans quels dangers futiles s'aventurait-elle ? Quelle inconscience ! Provoquer une vampire surpuissante, et pour quoi ? Par jalousie ? Par haine ? Ces enfantillages ne pouvaient plus durer, Alucard et Néo avaient raison, c'était du suicide.

Tentant de son mieux d'arranger une situation qui était bien trop risquée pour elle, Arwen leva les mains en signe d'abandon et implora sa rivale d'une voix douce :

- Non attends ! Arrête, je t'en prie, je ne veux plus me battre ! Je suis désolée de t'avoir agressée, je ne m'attaquerai plus à toi !

La peur avait pris le dessus, elle décida de renoncer à sa franchise habituelle pour essayer de convaincre par les mots la non-morte. Après tout, si cela pouvait lui laisser plus de chance de survie, quelques flatteries ne lui écorcheraient pas la bouche, et tant pis pour son intégrité morale :

- Freefall, tu es la descendante d'Alucard, l'héritière de dons incommensurables. Tu n'as pas besoin de t'en prendre à moi pour prouver ta supériorité, je n'ai pour moi que les faibles défenses de l'humanité, autrement dit rien du tout. Oublie mes provocations, j'ai été bien idiote de t'avoir défiée. Je ferai en sorte de ne plus te fâcher, si tu voulais bien pardonner mes offenses.

Le regard implorant, elle attendit avec nervosité la réaction de la vampire, jetant de temps en temps quelques coups d'œils vers un Alucard stupéfié, prête à réclamer son aide en cas d'agression.

Avide de lui plaire, Freefall obéissait a son maître en tous points, sauf lorsqu’il s’agissait de l’endive blonde ! C’était plus fort qu’elle, le simple fait de voir cette humaine la mettait hors d’elle, pourtant la jeune morte détestait mécontenter son maître. Sans se soucier de ses ecchymoses (qui étaient déjà en train de s’effacer lentement) Freefall laissa a peine le temps à Alucard de se retourner qu’elle se jetait déjà sur le Casse-croûte stupide, parant un coup de sabre avec son cerceau avant d’enchaîner avec une attaque tournante... Mais ? Qu’était-elle en train de faire ? Quelqu'un allait être blessé ! Paniquant soudain, elle voulut dévier sa frappe, mais le cerceau lui échappa !

Hiiiiiiiiiii !

Lâcha-t-elle craintive, s’accroupissant en se protégeant avec les mains sur la tête. Mais le cerceau alla se planter dans le plafond et y resta solidement fiché. La vampire se releva alors, et la kendoka se mit à débiter un flot d’excuses.

Non, non, pardonne-moi, c’est moi qui m’excuse !

Dit-elle en agitant les mains.

Tu es mon aînée, je devrais te montrer plus de respect, et j'aurais put te blesser ! Cette chose est très dangereuse !

Dit-elle en levant la tête vers le cerceau.

Je suis désolée !

Puis remarquant une petite trace rouge sur la joue de son aînée, les yeux de la vampire s’écarquillèrent.

Mais tu… Tu es blessée… ?

Les murs se mirent soudain a tourner et, prise de malaise, elle s’écroula par terre.

Alucard tourna les talons mais dût aussitôt se rediriger vers ses apprenties, entendant derrière lui reprendre le combat qu'il venait d'interdire. Furieux que les jeunes femmes lui aient toutes deux désobéi sans même attendre qu'il ne s'éloigne, il songea à les aveugler pour interrompre le duel le temps qu'il ne les sépare à nouveau. Mais il n'eut pas besoin d'user de sa magie du sang : un instant après avoir brandi les armes, les deux sœurs s'excusaient platement l'une envers l'autre.

Complétement pris de court par la réaction incohérente de ses disciples, il suivit l'échange d'un air médusé. S'étaient-elles toutes deux entendues pour lui jouer cette comédie, ou bien avaient-elles été frappées d'un maléfice par l'un de ses nombreux ennemis assez vicieux pour oser l'affubler d'élèves geignardes ? Cette situation n'avait aucun sens ! Tenté de croire à une étrange plaisanterie, il allait interroger ces dernières lorsque Freefall s'évanouit à la vue du sang qui coulait de la joue d'Arwen. Les yeux écarquillés, il la regarda heurter le sol sans même venir la rattraper, trop incrédule pour secourir la... chose qu'était devenue sa descendante. Bon, eh bien, à l'évidence, il ne s'agissait pas là d'une comédie, mais bien plus probablement d'un maléfice.

Maudissant la personnalité cruelle qui lui avait joué ce tour perfide, il réfléchit à une façon de défaire le sortilège. Arwen se protégeait toujours des enchantements et pouvait contrer jusqu'aux sorts de force moyenne.... L'ennemi qui lui tenait rancune devait être un puissant magicien -ou bien avait fait appel à un complice redoutable. Immédiatement, le nom d'Aenea traversa l'esprit du vampire. L'arachnide était la marchande en produits de magie noire la plus réputée, et également la plus grande commère de tout le Sahoc, il y avait donc de grandes chances qu'elle soit au courant de ce maléfice.

- Essuie ta blessure, nécrophile, je n'ai pas envie d'avoir à réveiller ta soeur plus d'une fois.

Il s'accroupit près de Freefall, la redressa et la gifla à plusieurs reprises, jusqu'à ce qu'elle ne reprenne conscience. Puis, il se releva et marcha en direction de la porte d'entrée, qu'il ouvrit en déclarant :

- Les filles, nous partons rendre visite à une amie, ne trainez pas et restez bien à mes côtés.

Alucard attendit que les jeunes femmes ne le rejoignent et avança prudemment, prenant garde à ne pas les distancer. Leur trio était trop haï pour qu'il ne se méfie pas des réactions du voisinage, qui pourrait vouloir profiter de la faiblesse des énergumènes en lesquelles s'étaient changées ses disciples.

Avant même que son maître terrifiant ne le leur conseille, Arwen courut le coller au plus près, espérant ainsi une protection plus sûre alors qu'il lui fallait parcourir les terres du quartier nocturne. Elle aurait bien refusé de quitter le manoir, mais elle savait que le vampire serait tout de même parti, et rester seule en un lieu où elle s'était fait tant d'ennemis aurait été encore moins prudent pour elle.

Tandis qu'ils marchaient, la kendoka s'efforça de faire la conversation à sa cadette, qu'elle espérait amadouer afin de s'attirer également sa protection en cas d'attaque. Elle commença d'une voix mielleuse :

- Ca va, tu ne t'es pas trop fait mal en tombant au sol, Freefall ? J'ai essayé de te rattraper mais je n'ai pas été assez rapide, je m'en veux horriblement.

Elle accueillit la réponse de sa soeur d'un air compréhensif, hochant la tête bien qu'elle ne s'y intéressa pas plus que cela dans la mesure où elle n'avait pas besoin de son aide dans l'immédiat.

Après un petit moment de marche pendant lequel Arwen poursuivit ainsi ses cajoleries, ils parvinrent tous trois à un endroit qu'elle ressentit comme familier mais ne reconnut pas tout de suite... jusqu'à ce qu'elle voit le nom de la boutique dans laquelle pénétra alors le mage. Refusant de rester seule au milieu des habitants du Sahoc, elle se força à le suivre mais, une fois entrée, enlaça soudain le bras de sa soeur, tremblante à l'idée de retrouver une ennemie qui lui vouait une haine féroce.

Revenant a elle, Freefall sentie ses joues la cuire et se mit a pleurer de douleur. Elle se rendit alors compte qu’elle était dans les bras de son maître et, comme Ève goûtant au fruit défendu, prit soudain conscience de la tenue qu’elle portait et qui laissait voir son corps. Prise de pudeur, elle se recroquevilla sur elle-même et piqua un fard.

Alucard se dirigea alors vers la porte d’entrée, précisant qu’elle devait le suivre dehors, devant tout le monde, et en plus au milieu de la nuit ! Freefall n’avait pas envie de se retrouver dehors dans le noir, mais plus que tout, elle avait trop honte d’être vue dans cette tenue.

Je… Je ne peux pas sortir comme ça !

Bredouilla-t-elle plaintive.

Je préfère rester ici !

Toujours recroquevillée par terre, elle lança un regard désespéré autour d’elle, cherchant l’appui de son maître et de sa grande sœur. Un manteau secourable vint finalement se poser sur ses épaules, recouvrant son corps exposé. Freefall s’en habilla et le boutonna complètement avant de lancer un regard reconnaissant à (son sauveur ? / sa sauveuse ?). Le problème de sa prude timidité résolu, Freefall avança vers la porte. Elle n’avait toujours pas envie de se promener dans le noir, mais la présence de son maître et de sa sœur aînée autour d’elle rendait l’obscurité moins effrayante.

Un craquement la fit soudain sursauter.

Kyaa !!!

Et elle s’accrocha à la cape du vampire en jetant des coups d’œils alentours.
Après un court moment Arwen brisa le silence de la nuit.

Non, pas trop, répondit-elle à la question de son aînée.
C’est pas grave, je t’en veux pas. Mais j’ai eu très mal aux joues en me réveillant !

Le souvenir de la douleur lui fit presque revenir les larmes. La jeune prude parla a voix basse, comme sur un ton de conspiration avec son aînée humaine. Leur maître les conduisit jusqu'à l’entre d’Aenea. Préférant être à l’intérieure que dehors (il y ferait sûrement moins sombre) Freefall entra derrière son maître et les deux sœurs se serrèrent l’une contre l’autre.