De retour du manoir

Arwen attendit que son maître d'arme ait lui aussi passé la porte du manoir d'Alucard pour la claquer violemment derrière lui, le rejoignant ensuite d'une marche lente qui lui était inhabituelle. Un long silence s'installa tandis qu'elle repensait aux derniers évènements, s'affligeant du lien rompu avec la seule personne de cet empire à l'apprécier réciproquement au delà de son rôle de disciple. Les yeux abaissés vers le sol, elle suivait Néo sans faire attention à ce qui l'entourait, accablée.

Elle avait toujours privilégié la solitude à la compagnie de personnes qu'elle n'aurait pas réellement appréciées, et s'était autrefois satisfaite de cette philosophie. Mais elle avait par la suite fait la rencontre d'Alucard, et avait vite pris goût à cette relation proche de l'amitié, rendant d'autant plus amère la fin de leur complicité.

Sans relever les yeux, la jeune femme brisa finalement le silence :

- Merci d'être intervenu pour me secourir.

Il lui avait été difficile de reconnaitre avoir nécessité l'aide du chevalier, qui en plus donnait raison à ce dernier d'avoir décidé de l'accompagner malgré le mécontentement de son apprentie. Mais elle lui était sincèrement reconnaissante, et sentait sa gratitude plus pesante que sa fierté. Elle poursuivit néanmoins :

- Toutefois... je vous demanderais de ne plus me suivre dans mes trajets les plus risqués.

Elle s'arrêta pour plonger son regard, grave et soucieux, dans les yeux du jeune homme.

- Les dangers que je cours ne concernent que moi, vous n'avez aucune raison de les partager également. Votre devoir de chevalier ne vous responsabilise en rien de mon devenir hors de la salle d'entrainement, tant que mes agissements ne font pas insulte à votre honneur.

Elle s'approcha plus près du chevalier et ajouta d'une voix empreinte de douceur :

- Je ne vous veux pas en danger par ma faute, Néo. Vous êtes plus fort et plus expérimenté que moi, mais vous m'êtes également plus cher que ma propre vie. Quelles que soient vos capacités, je craindrai toujours les risques que vous encourrez, aussi faibles soient-ils.

Surprise par le geste de Néo, Arwen resta un court instant figée avant de répondre à son étreinte, serrant le jeune homme plus étroitement contre elle. Fermant les yeux, elle s'oublia un instant dans la sensation d'apaisement dont la combla leur rapprochement, puis se sépara à regret du chevalier, qui la relâcha bien trop tôt à son goût.

-"Te sens tu un peu plus calme maintenant...?"

Incapable de prononcer un mot, la kendoka se contenta d'acquiescer silencieusement. "Calme" n'était pas vraiment le terme approprié à son humeur, mais il aurait été difficile d'expliquer à son maître le profond sentiment de plénitude que ce contact lui avait procuré, mêlé à la peine de le savoir éphémère. Néo répondit ensuite à sa demande, refusant d'adopter le comportement plus sûr qu'elle attendait de lui.

Son entêtement ne la surprit pas, mais les raisons dont il se justifia la prirent au dépourvu. La jeune femme ne lui avait jamais deviné de véritable attachement à son encontre, et l'avait toujours supposé plus inquiet des éventuelles bêtises qu'elle pouvait commettre que des dangers qu'elle risquait. Troublée, elle ne trouva pas les mots pour le dissuader de maintenir sa protection, et le jeune homme reprit la route sans lui laisser le temps de raisonner.

Tandis qu'elle précipitait son allure pour le rejoindre, s'imposant comme à son habitude à ses côtés, elle réfléchit à la décision qu'elle avait prise de visiter régulièrement le quartier nocturne malgré la nouvelle ennemie qu'elle s'était faite, et s'inquiéta de l'accompagnement auquel ne semblait pas vouloir renoncer le chevalier. Frustrée par sa propre faiblesse, qui obligeait le maître d'arme à s'aventurer vers les mêmes dangers qu'elle, la kendoka se prit à culpabiliser de sa témérité. Mais elle se savait incapable d'agir autrement et sentait de toute façon qu'il était désormais trop tard pour s'assagir, les ennemis qu'elle s'étaient fait se révélant trop imprévisibles pour espérer la sécurité d'un simple éloignement.

- Me pensez-vous capable d'égaler le niveau de ma nouvelle ennemie, Maître Néo ? Si j'y parviens, me ferez-vous suffisamment confiance pour me laisser partir seule en milieu hostile ?

Arwen avait déja suffisamment de raisons de donner le meilleur d'elle dans l'entrainement que lui réservait Néo, s'impliquant depuis le début avec autant de passion que de détermination. Mais l'idée de permettre au chevalier de rester à l'écart de ses propres ennuis lui tenait particulièrement à cœur, et cette motivation lui importait désormais plus que toute autre. Elle poursuivit :

- Pour l'instant... Attendez-vous de moi que j'aille quérir votre présence à chacune de mes sorties les plus risquées ?

La disciple avait été convaincue par les arguments du chevalier, mais ne les acceptait pas pour autant. Sans donc plus songer à le faire changer d'avis, elle entendait toutefois garder les mêmes habitudes, selon lesquelles elle partirait aussi régulièrement que d'ordinaire, seule en territoire dangereux. S'il s'attendait donc à ce qu'elle le prévienne au moindre départ, il allait falloir à la kendoka démentir ses suppositions erronées, et insister sur la liberté qu'elle prendrait à s'aventurer selon ses humeurs où bon lui semblait sans avertissements préalables. Par ailleurs, maintenant qu'elle n'habitait plus le palais, il lui serait relativement aisé d'échapper à la prévenance de son maître.