Si tu ne peux vivre en samurai, meurs au moins en samurai

Mary regarda Arwen s’écrouler avec étonnement. Le rhum était-il si fort que ça ? Elle sourit alors a l’endormie, plus amusée qu’inquiétée. Arwen avait lutée de toutes ses forces, elle méritait bien un petit peu de repos. Appelant Brisban, la capitaine donna ses ordres, et la jeune femme fut transportée dans sa cabine. Les soins en mer revenaient d’ordinaire au Quartier-Maître, qui parmi ses charges avait un peu le rôle du rebouteux de l’équipage. Mais pour cette fois, et puisqu’Arwen occupait sa cabine, c’est la capitaine elle-même qui s’occupa d’elle.


Faisant boire quelques petites gorgées d’eau par intermittence à la kendoka, Mary la laissa se reposer et posta un matelot derrière sa porte, pour l’avertir si Arwen se réveillait en son absence. C’est donc alitée dans la cabine du capitaine qu’Arwen reprit conscience. La cabine était de dimensions honorables et richement décorée. Il y avait là, en plus du lit en coin, une table, des chaises, un pupitre d’écriture, deux grandes armoires, une mappemonde et un coffre ouvragé. Tous les meubles étaient faits en bois rouge, ainsi que la boiserie. Le rouge était d’ailleurs la couleur dominante de la pièce dont Arwen était la seule occupante. Une élégante carafe de cristal trônait sur la table, remplie d’un vin rouge-rubis. A ses coté, une assiette de bois contenait des friandises. Gekido était posée contre une table de chevet près du lit, et sur laquelle se trouvait un verre vide et une carafe d'eau.

Lorsqu'Arwen rouvrit les yeux, elle se trouvait dans une pièce aux teintes rouges qui n'avait plus rien à voir avec la cale sombre dans laquelle elle avait passé ses derniers jours. Elle se redressa pour mieux l'observer, puis se leva, visitant paisiblement la chambre qui l'avait accueillie. Penchée sur la mappemonde, elle étudia du regard les formes inconnues des terres calyptiennes, surprise de découvrir la géographie de l'empire. Une image lui vint soudain à l'esprit : une carte sur sa table d'étude. Ou plutôt, Néo parlant au dessus d'une carte dont il pointait des zones du doigt. La carte n'apparaissait qu'en fond, imprécise. Ah oui, elle avait peut-être étudié cela par le passé finalement.

La kendoka s'intéressa ensuite aux armoires aux proportions prometteuses. Ses vêtements, originalement blancs, arboraient un gris foncé peu attrayant et elle était pieds nus. Elle désespéra au souvenir de ses précieuses bottes de cuir, tragiquement délaissées sur la plage. Les pirates lui devaient bien une garde robe, il était tentant de se servir... elle se retint toutefois. Non, ils ne lui devaient rien puisqu' "ils" étaient camarades, elle n'avait aucune rancune à tenir. Évidemment, elle n'oublierait pas les deux idiots qu'elle avait dû tenir à distance, ni Brisban. Mais il faudrait leur faire payer leur affront sans pour autant nuire à l'équipage, et ce genre de vengeance fraternelle prendrait plus de temps.

A ces pensées, Arwen alla s'emparer de Gekido, aperçut le vin sur la table, se dirigea vers la porte, s'arrêta, repartit en sens inverse, vida trois verres de vins qu'elle se servit à la suite et partit enfin ouvrir la porte en trombe. Elle avait quelques mots à dire au capitaine...

Ouvrant la porte a la volé, Arwen se retrouva nez à nez avec un pirate Moréen. Ou plutôt nez à truffe, les Moréens étant plus des mi-bêtes que des hommes. Olgin, qui était un loup, devait mesurer 1m40. Mais il ne fallait pas s’y fier. Ce vaillant pirate était un fameux buveur, un grand escamoteur, et peut-être le meilleurs bretteur de cet équipage, après Brisban.

B’jour Belle Dame ! Dit-il avec courtoisie. Un air malicieux éclairant sa face. Son ouï fine lui avait permis d’entendre Arwen se lever, mais il n’avait pas résisté a l’envie de voir cette "captive" qu’hébergeait le Capitaine Read. C’était donc cette femme qui avait hurlé toutes les nuits ? Olgin l’avait maudite autant que les autres, mais il admirait malgré tout son courage et sa combativité. Pas mal, pour une humaine.

Si vous m’fsiez l’honneur d’patienter, l’cap’taine vous d’mande d’attendre là l’temps qu’j’aille le chercher.

Le fait qu’elle soit toujours armée l’intriguait. Il garda cependant ses questions pour lui. Mais cette captive ne se comportait vraiment pas comme tel !

Prise de court par l'apparence inattendue du canidé, Arwen le regarda d'abord avec étonnement, puis avec une curiosité qu'elle ne chercha pas à dissimuler. Sans cesser de le dévisager, elle lui sourit alors et répondit avec entrain :

- Bonjour !

Elle sursauta soudain en réalisant sa sortie au jour sans protection, et rouvrit rapidement la porte derrière elle, l'orientant de telle sorte que l'ombre du bois couvre entièrement sa silhouette. Lorsqu'elle se retourna, le pirate lui demanda de patienter tandis qu'il irait chercher le capitaine. Parée d'un sourire enjoué, elle hésita à le retenir. Cela faisait bien quatre jours au moins qu'elle n'avait pas combattu. Finalement, une plainte particulièrement bruyante émana de son ventre et la convainquit de retenir encore un peu ses besoins de confrontation, qui ne seraient de toute façon pas assouvis si la faim contrariait ses performances. Elle acquiesça :

- Bien, je vous éprouverai donc à l'épée plus tard, matelot....

Ses yeux bleus au regard provocateur ne cillèrent pas tandis qu'elle observait son étrange camarade. Elle se laissa porter par la magie du sang, suffisamment haut pour rester à hauteur de visage de son interlocuteur alors qu'elle s'asseyait dans les airs, un bras nonchalamment reposé sur ses jambes croisées.

-... Si vous êtes d'humeur à relever un défi bien sûr.

C'était plus fort qu'elle. Néo pourrait bien le lui répéter autant de fois qu'il le souhaitait, elle n'arriverait jamais à attendre d'avoir évalué la force de son adversaire pour le provoquer. Elle verrait bien son niveau à l'issue de la confrontation ! Car eut-elle eu affaire à un bretteur dont elle aurait connu par avance la supériorité, Arwen n'aurait pour autant pas manqué de le tester.

D'autre part, elle avait une bonne impression du pirate, bien qu'ils n'aient échangé que quelques mots -et l'affection d'Arwen valait immanquablement à ses tributaires une provocation en duel... tout comme sa haine, d'ailleurs.

Une fois le canidé partit, la kendoka se mit à fredonner pour elle-même en vieux gaulois, toujours confortablement assise dans le vide, à l'ombre de la porte entrouverte.

Nu, uoregon, cu, uorigamos,
lamman, cu, suuercin lingamos,
indui uelui cantla canamos!

N'immi mapos, immi drucocu.
In cetobi selgin agumi,

Ne moi iantus gnaton uorega,
iantus drucocunos uoregon

Spoiler:

L’invitation à l’épée plut à Olgin, qui l’accepta avec joie. Cette fille était de la trempe du capitaine, elle n’avait pas froid aux yeux ! Un sourire prédateur éclaira furtivement sa face, qui que soit Arwen, le p’tit loup l’appréciait déjà.

Une courte attente plus tard, Mary arriva.

Comment te sens-tu ? Demanda-t-elle en refermant la porte.

Avisant la bouteille de vin elle sourit et s’approcha d’une armoire.

Tu trouveras ici de quoi te changer..

Elle ouvrit les doubles portes de l’armoire et dévoila sa garde robe à Arwen. Pantalons, bottes, chemises, corsaires, il y avait tous les goûts et toutes les couleurs. De soie, de satin, de velours, à dentelles ou a brocard, certaines étoffes étaient somptueuses, probablement des butins pris au cour d’honnêtes pirateries, mais il y avait aussi des tissus plus communs bien que de très bonne qualité. Étrangement, il y avait bien des pantalons d’homme, mais aucune robe.

Prend ce qu’il te faut. Dit-elle. Le quartier-maître te cédera sa cabine le temps de
trouver mieux. Mais ne prend pas ça pour un traitement de faveur. Je ne veux pas te
faire dormir avec les hommes, même s’ils ne sont pas tous bêtes et qu’ils savent c’que
ça leur coûterait, certains pouraient se laisser trop tentés par ton joli petit derrière.

Un sourire entendu éclaira son visage. Elle se tourna alors vers la porte à laquelle quelqu’un venait de frapper.

Entrez !

La porte s’ouvrit sur Brisban, qui entra, un drôle de perroquet coiffé d’un chapeau pirate était perché sur l’une de ses larges épaules.

Brisban au rrappoooort commandant !

Merci Mr Tuck !.. Arwen, tu connais déjà Alazar Brisban, mon quartier-maître, il me
fait office de second. Et voici Mr Tuck, qui le seconde dans sa tâche.

……

Enchantééé moussaillon !

Brisban va te présenter a l’équipage, tu peux te fier a lui. Mr Tuck ! Rassemblez les
hommes !

L'oiseau hocha deux fois de la tête et s'envola.

A vos ooordres commandaaant !

Après un court moment d'attente a se fixer en silence, la commandante dit à Brisban.

Vous pouvez attendre dehors, quartier-maître, a moins que vous ne vouliez profiter du
spectacle ? Une demoiselle va se changer ici maintenant.

Le grand barbare turc prit une légère teinte rosée et, sans dire un mot, sortit a son tour de la pièce en refermant la porte derrière lui. Mary se tourna alors vers Arwen, un sourire amusé aux lèvres.

As-tu remarqué comme ses moustaches se hérissent lorsqu'il est embarrassé ?

Arwen cessa de chanter lorsqu'elle entendit des pas se rapprocher, et rentra dans la cabine à la vue du capitaine, qui s'enquit de son état. La faim ne fut pas la première des inquiétudes que la kendoka se sentit le besoin d'exprimer :

- Mal vêtue.

La perte de ses bottes et la couleur grisâtre de ses habits originellement immaculés lui restaient encore en travers de la gorge. Elle était pressée de se changer... Ce dont Mary dût comprendre l'importance, car elle lui ouvrit son armoire. A peine l'autorisa-t-elle à se servir que la jeune femme se jeta sur les vêtements, les comparant méticuleusement un à un. Tout en jonglant avec les habits qu'elle sortait puis rangeait, elle commença déja à se déshabiller, trop en hâte d'enfiler les précieux tissus. Tournée vers la porte, Mary n'avait pas dû réaliser l'empressement d'Arwen, car elle répondit à son invité sans tenir compte de la semi-nudité de celle-ci :

- Entrez !

Les yeux écarquillés sous la panique, la kendoka s'exclama :

- Hein ???! Ah mais non !!!

Et tout en jurant copieusement, elle saisit rapidement son manteau et le referma sur son buste dénudé, le boutonnant assez pour cacher son décolleté juste avant que la porte ne s'ouvre complètement. Le capitaine fit les présentations, mais Arwen se contenta, comme Brisban, de lui rendre son regard en silence. Sa rancune marquée, elle témoigna plus de considération pour le perroquet, qu'elle salua joyeusement :

- Enchantée Mr Tuck !

Puis, celui-ci s'envola, succédé peu après par le pirate que la dernière remarque de Mary semblait avoir mis mal à l'aise. Celle-ci s'en amusa, ce à quoi la kendoka répliqua avec un sourire pernicieux :

- Non, mais j'espère avoir plus souvent l'occasion de m'en apercevoir.

Son ancien ennemi éloigné, elle retrouva son enthousiasme vestimentaire et fit voler ses vêtements pour enfiler ceux qu'elle avait finalement sélectionnés. Tout en se changeant, elle confia ses requêtes à sa supérieure :

- Capitaine, vous ne m'avantagerez pas de traitement de faveur et cela me convient bien, le contraire m'eut insultée. Mais j'ai tout de même quelques permissions à vous demander, autant dans l'intérêt de l'équipage que dans mon intérêt personnel, puisque je joindrai bientôt mes forces aux leurs. Vous n'ignorez pas la malédiction qui me touche. Je veux m'en débarrasser, d'autant plus désormais que je suis pirate et m'exposerai souvent au jour. La reine Celeste m'a refusé son aide, mais peut-être pourras-je convaincre la reine Angélique, puisque je la servirai indirectement. Je vous demande donc de me laisser lui présenter ma requête au plus tôt...

Serrant contre sa taille Gekido sur sa nouvelle tenue, elle continua, les yeux rivés dans ceux de la pirate :

- Par ailleurs, j'aimerais faire d'une pierre deux coups et profiter du prochain passage sur les terres de l'empire pour me faire forger un nouveau sabre. Celui-ci me sera inutile sur votre navire : j'ai promis de ne pas m'en servir pour attaquer, et je n'ai qu'une parole. Je pourrai utiliser en attendant une épée quelconque. Mais le katana est l'arme que je maitrise le mieux, et mon apprentissage m'y avantage plutôt qu'une simple épée.

Elle enfila des gants noirs et noua une lavallière blanche qui lui faisait penser à celle, carmin, du mage de sang. Elle conclut sur une dernière demande, mais qui n'était pas de moindre importance :

- Enfin, je souhaiterai votre autorisation pour m'en aller voir les mages qui m'ont formée chaque fois que je me sentirai prête à améliorer mes dons... Ce qui est actuellement le cas pour l'un d'entre eux.

Elle attendit avec appréhension la réponse de Mary, quoiqu'elle n'en montra rien. Chacune des trois demandes lui tenait beaucoup à coeur, essuyer un refus pour l'une ou plusieurs lui serait difficilement supportable. Pourtant, elle resterait loyale à sa capitaine quoi que celle-ci décide. Ce qui ne signifiait pas qu'elle se résignerait en cas de désaccord...

Mary écouta patiemment les demandes d’Arwen, la laissant finir jusqu’au bout avec attention. Une expression indéchiffrable sur le visage. Ce n’est que lorsqu’Arwen eu fini que Mary sortit enfin de son mutisme, son expression était à présent on ne peut plus sérieuse.

Je ne peux pas, et tu le comprendra, laisser chaque homme partir et revoir sa famille,
sa femme, ou son vieux maître quand ça lui chante. Tu s’ras souvent séparée
des tiens pendant plusieurs mois, c’est le prix de l’aventure. Chaque traversée pourra
t’emmener loin des contrées que tu connais. La vie en mer est une vie rude, pleine de
dangers. La discipline et l’esprit de groupe ont une grande importance, et chacun doit
pouvoir compter sur l’autre.

Plus qu’un job, Arwen allait vivre à plein temps avec ces hommes, et se battre a leurs cotés. Cet équipage allait devenir comme une seconde famille.

Tu auras des permissions, conclut-elle, et si c’est possible, elles coïncideront avec tes
besoins. Mais je ne te ferais aucune promesse là-dessus !

Un léger sourire étira ses lèvres lorsqu’elle ajouta..

Nous arriverons à Port-Plaisance dans trois jours. Nous pourrons peut-être profiter de
cette occasion pour te trouver un forgeron ?.. et toi de voir les reines ou tous ceux que
tu as à voir.

Port Plaisance était le port de la capitale, le Ruby Read revenait donc vers le continent ! Alec allait-il pouvoir les intercepter avant ?

Maintenant, parle-moi de cette malédiction !

Les pirates avaient espionés les habitudes d'Arwen dans l'attente de pouvoir la capturer, mais ne s'étaient pas informés de sa malédiction. Ni des raisons qui poussaient le chevalier noir a la suivre partout.

Arwen acquiesça d'un air impassible. Les permissions, même rares, lui suffiraient surement à accéder aux niveaux supérieurs de ses dons à temps. Après tout, leur progression était assez lente, ce n'était pas comme si elle devait éprouver les missions des mages régulièrement. Et puis si vraiment le capitaine la faisait trop attendre, elle pourrait toujours la harceler pour la presser de rejoindre les terres... Bien qu'il lui paraissait peu sage de trop insister auprès de Mary.

Mary l'interrogea alors sur sa malédiction, la prenant de court. Elle avait pensé que les pirates s'étaient déjà suffisamment renseignés sur elle, avant de l'attaquer. Sa mine étonnée laissa place à une expression amère. Elle n'aimait pas rappeler son erreur, mais était souvent enjointe à l'expliquer. Elle marcha lentement jusqu'à la fenêtre de la cabine d'où elle observa le soleil qu'elle sentait petit à petit attaquer son visage, et répondit à la question de sa supérieure :

- Comme vous pouvez le voir, je ne projette aucune ombre au sol. Et pour cause : j'en suis dépourvue depuis qu'un sort l'a retournée contre moi et m'a présenté l'occasion de la vaincre.

Elle se retourna vers Mary et s'exclama avec un sourire ironique :

- J'ai gagné ! Je ne supporte plus le contact direct de lumières trop vives, c'est pourquoi j'étais sans cesse protégée par les ombres du chevalier noir.

Elle laissa un moment à la pirate pour réfléchir à ces informations, qui après tout pourraient encore la faire revenir sur sa décision de la garder dans l'équipage. Puis, songeant à sa prochaine visite chez la sorcière, elle demanda, un sourire au coin des lèvres :

- Devrai-je être accompagnée durant toute la durée de notre accostage ?

L'idée d'imposer à l'un de ses compagnons la corvée de la suivre tout le long de son passage sur le continent l'amusait, puisqu'elle prévoyait de rencontrer la déesse du Sahoc elle-même et la mage du mana, deux des personnalités les plus à craindre de l'empire... Elle eut une pensée morbide pour Brisban. Les marais étaient un territoire dangereux, dans lequel elle avait appris à survivre, mais elle avait dû pour cela y habiter tout un mois. Elle espéra avec une ardeur malsaine qu'elle serait effectivement accompagnée sur le continent !

Une fois que Mary eut conclu leur discussion et lui permit de se retirer, Arwen se saisit d'un chapeau dans les mêmes coloris bleutés que son nouveau manteau -sans toutefois le mettre-, inclina la tête en remerciement et ouvrit de nouveau la porte à la volée pour rejoindre Brisban, impatiente de rencontrer tous les membres de l'équipage.

Spoiler:

Cette malédiction allait être un handicape certain, mais Mary ne changea pas d’avis. Il suffisait qu’Arwen s’expose le moins possible, et qu’elle se couvre dans les endroits trop éclairés.

Tu auras droit aux quarts de nuit ! Conclut-elle pour clore le sujet.

Arwen l’interrogea alors sur l’escorte qu’elle aurait a terre. La rouquine acquiesça du chef.

Les marins autorisés à descendre a terre ne doivent pas rester seuls. Le groupe peut se
séparer, mais se fixera une heure et un point de rendez-vous. Tu aura toujours au
moins un binôme avec qui veiller l’un sur l’autre.

Un sourire malicieux se dessina sur ses lèvres.

En cas de problèmes l’équipage doit être en mesure de reprendre la mer rapidement,
et les retardataires ne seront pas attendus. Tu as de la chance, normalement les
nouveaux n’ont pas le droit de quitter le bord si tôt pendant les escales, mais le cas est
exceptionnel.

Arwen fut finalement prête et Mary désigna ses vieux vêtements du doigt.

Nettoies tes frusques ou jettes les, lui enjoignit-elle. Tu pourras les faire bouillir à la
coquerie, si le cuisto n’est pas de mauvaise humeur.

Brisban accueillit la jeune mousse avec un silence et un air bourru. Le pirate n’était pas bavard, et ne s’exprimait que lorsqu’il avait quelque chose à dire. Mais même s’il n’avait pas encore totalement confiance en Arwen, il acceptait sans condition toutes décisions de son capitaine.

Le Ruby Read était une corvette trois-mâts ultra rapide, dotée d’une douzaine de canons et longue d’une vingtaine de mètre. Très maniable, le navire possédait aussi un jeu d’avirons de galère, mais ne s’en servait qu’exceptionnellement. Ses voiles rouges étaient à l’origine de son nom, ainsi que la teinte rougeâtre de son bois. Le Ruby était devenu le Ruby Read depuis que Mary s’en était emparée. Mais le navire et son capitaine étaient également connus sous le sobriquet de « Calamity Read ». Nom dont s‘enorgueillait l’équipage, bien que Mary n’aime pas l’entendre. Mais Arwen aurait tout le temps d’apprendre ça.

Rassemblés par Mr Tuck, une quarantaine d’hommes s’étaient regroupés sur le pont, le perroquet volant au dessus d’eux. Brisban présenta alors Arwen, faisant tonner sa grosse voix, et disperça les hommes qui retournèrent a leurs tâches.

Tu seras avec Olgin aujourd’hui, as-tu déjà naviguée ?

Arwen revint sur ses pas pour débarrasser le plancher de ses vêtements éparpillés un peu partout dans la cabine, gênée de réaliser le désordre caractéristique de ses propres chambres qu'elle avait laissé dans la pièce de son capitaine. Puis elle alla à la rencontre des membres de l'équipage que lui présenta enfin Brisban. Elle sourit à la vue du matelot mi-loup qu'elle avait rencontré quelques minutes avant et qu'elle avait intérieurement surnommé "mateloup", mais dont on lui appris qu'il s'appelait en fait Olgin.

Les présentations faites, les hommes retournèrent à leurs postes, et le quartier-maître l'interrogea sur ses connaissances en navigation. Arwen s'efforça de ne pas répondre trop froidement au pirate dont elle préférait le silence obstiné :

- Non, jamais. J'aurai tout à apprendre...

Elle leva les yeux vers les siens et ajouta :

- Mais j'apprends vite.

Enfin ! Leur navire rejoignait le Ruby Read ! Cela, Alec et ses hommes -puisque le commandement avait été donné au gamin...- l'ignoraient encore, mais ne tarderaient plus à l'apprendre, le trois-mâts n'étant plus très loin désormais. Alucard ne les attendrait pas, il avait déjà suffisamment patienté ! Ayant aperçu la corvette bien avant qu'elle ne soit en vue -tout du moins en vue humaine- il avait faussé compagnie à l'équipage sans prévenir.

Il se soustrait à l'apparence de la chauve-souris sitôt qu'il survola le navire ennemi, où il atterrit silencieusement, son long manteau rouge soulevé derrière lui par un vent norois. Les hommes étaient rassemblés sur le pont, il passa au travers de la cabine du capitaine sans que personne n'intervienne pour lui en interdire l'accès. Reconnaissant le visage de la pirate traitresse déjà entraperçue dans les pensées d'Arwen, il sourit et s'inclina :

- Bonjour, capitaine...

Spoiler:

Des braises carmins semblaient illuminer le regard du vampire qui, comme à son habitude dans ses rencontres féminines, détailla la jeune femme de haut en bas.

- Pardonnez ma montée à bord sans permission, j'ai jugé inutile toute demande : votre second avait avertie mon élève que le mercenaire et moi-même la rejoindrions bientôt, j'en ai conclu à une invitation de votre part. J'espère ne pas avoir fait montre d'impolitesse ?

Se saisissant d'une chaise, il s'assit et désigna poliment de la main la chaise d'en face, invitant la jeune femme à s'y installer comme s'il eut été le maître des lieux.

- J'ai également entendu par cette même personne qu'un sort encore à décider nous était réservé.... J'étais impatient, je n'ai pas pu attendre que vous rejoigniez les terres !

Le vampire montrait tant d'amusement et de décontraction que ses provocations sarcastiques passaient presque pour de véritables témoignages de gratitude.

- Alors capitaine, à quelle surprise me destinez-vous, maintenant que vous m'avez à bord ?

Alucard gloussa, hilare à la simple idée qu'une humaine et son ramassis de vauriens puissent lui causer le moindre mal.

- Quelle qu'elle soit, je serai comblé si j'ai le privilège de la recevoir du capitaine en personne !

Sa voix avait gardé le même ton aimable qu'au début de leur conversation, mais laissé percer une note perverse, en parfait accord avec son regard et son sourire malicieux. Il attendit calmement la réponse de la pirate dont, sans en avoir l'air, il observait les moindres mouvements, prêt à la rattraper si elle tentait de fuir ou à l'attaquer sans plus de formalité si elle appelait de l'aide. Malgré cette légère précaution, pourtant, il ne pensait pas sérieusement devoir répliquer à pareilles lâchetés, la demoiselle semblait d'une autre trempe. Enfin, mieux valait s'attendre à tout, il aurait été bête de gâcher les quelques minutes qu'il lui restait avant que les membres de l'équipage ne viennent annoncer l'abordage du navire royal et précipiter la mort de sa belle interlocutrice.

Mary eu a peine le temps de venir a d’autres occupations qu’une voix grave la salua dans son dos. La capitaine se retourna surprise, l’arme au poing, pour découvrir le vampire a qui appartenait le "bonjour". Prenant un air sévère elle s’apprêta a lui demander qui il était lorsque, s’asseyant, celui-ci expliqua la raison de sa venue.

Et quelle sorte de gentilhomme êtes-vous pour vous introduire dans la chambre d’une
dame sans sa permission ?

Demanda-t-elle d’un air hautin. Rangeant son arme, Mary ignora superbement l’invitation de l’intrus à s’asseoir en face de lui et, d’un geste calme, se saisit de la carafe de vin rubis sur la table. Elle alla alors tranquillement jusqu’a son bureau, soutenant avec défi le regard carmin du mort-vivant.



S’asseyant enfin, elle l'invita poliment a prendre un siège.

Asseyez-vous.

Dit-elle en joignant sa phrase du même geste de la main qu’avait fait le vampire plus tôt, lui présentant de la sorte le siège où il était déjà assit. Son ton, parfaitement calme, était démenti par la lueur farouche dans ses yeux. Bien que furieuse de cette intrusion, Mary savait très bien quel danger extrême représentait le vampire. Elle était otage dans sa propre cabine. Prenant sur elle, elle prit le ton d'une froide politesse.

Puisque vous êtes là, autant vous l’informer. Je suis sûre que vous serez ravi
d’apprendre qu’Arwen est désormais des nôtres.

Sans en proposer au vampire, la jeune femme se servit un verre de vin.

Sa prestation.. intéressante, a attiré l’attention de mes hommes qui m'en ont fait part,
et m’ont donné envi de faire sa connaissance. Vous savez sûrement que les marins
aiment la musique ? Son invitation a peut-être été un peu précipitée, mais elle s’est
plut a mon bord et a souhaitée rester.. Les invitations vous concernant vous et votre
ami ont donc dû êtres abandonnées.

Dificile de dire si le sourire qu'elle eu ici était aimable ou ironique.

Je suis désolée que vous vous soyez déplacé pour rien.

Sans un mot de plus, Brisan leva le bras et indiqua le haut du mât d’artimon. Là-haut, dans les voilures, Olgin changeait de vieux cordages usés a plus de 14 mètres d’altitude, une simple corde tendue lui servant de marchepied. La jeune femme arriverait-elle à rejoindre le pirate-loup ? Le poste de gabier était le plus difficile, et aussi celui qui comportait le plus de risques sur un navire. Il était généralement réservé aux meilleurs marins.

Alucard avait pris un air surpris et regardé tout autour de lui à la critique de la pirate :

- Une dame ? Oh mais je ne me serais jamais permis d'entrer dans cette pièce, si j'y avais pressenti nulle autre présence que celle d'une vulgaire voleuse, capitaine !

Il avait lâché un ricanement en voyant la jeune femme s'asseoir à son bureau, s'était levé pour saisir la deuxième chaise, puisqu'elle l'avait invité à s'asseoir à nouveau, et l'avait placée juste en face d'elle, s'y reposant enfin. Il avait tant rapproché sa chaise de Mary qu'elle se retrouvait maintenant coincée entre le meuble où elle se tenait et lui-même, qui avait le regard à hauteur appréciable. Puis il l'avait écoutée patiemment expliquer la venue à bord de sa disciple, un sourire amusé répondant à l'arrogance de la demoiselle tandis que ses yeux ne la quittaient pas. Elle se servit alors un verre, auquel il crut judicieux de mélanger un fond de sang, soucieux de lui faire remarquer son manque de politesse. La carafe subit d'ailleurs le même ajout d'ingrédient à l'hémoglobine, par simple plaisir de lui gâcher son vin cette fois.

Alucard gloussa de nouveau lorsque son interlocutrice lui "apprit" la récente allégeance d'Arwen, et laissa s'écouler quelques secondes avant de répondre d'un air narquois :

- Vous ne vous êtes que très peu renseignée sur elle, avant de "l'inviter" à bord, n'est-il pas, Etta ? Ah non, "Mary" finalement, c'est bien cela ?

Dénonçant le souvenir que lui avait transmis sa disciple quelque temps auparavant -et ainsi leur capacité à communiquer à distance-, le mage de sang expliqua d'un ton doucereux :

- Quelle étrange coïncidence que j'aie pu vous rejoindre au moment même où tous les hommes étaient rassemblés auprès d'Arwen... Soit cela, soit la demoiselle m'aura tenu constamment au courant de vos faits et gestes afin que je puisse m'entretenir librement en tête à tête avec vous.

Il fronça les sourcils et feint une profonde réflexion, prenant un ton faussement hésitant, comme s'il réfléchissait à quelque hypothèse incertaine :

- Oui... Oui, cela pourrait parfaitement se tenir, si l'on prend en compte le fait que le commandement du jeune Alec est encore très indulgent, tandis qu'Arwen garde un caractère rancunier et violent qui tendrait plutôt à nourrir des ambitions vengeresses quant à la trahison de sa compagne Etta.

Il frappa alors dans ses mains, les yeux écarquillés, puis pointa Mary du doigt, poursuivant sur un ton de confidence alors qu'il se sentait apparemment inspiré par ses suppositions :

- Mais oui, voila qui expliquerait tout !!!! La kendoka-pas-si-stupide-qu'elle-en-a-l'air aurait donc feint d'accepter de joindre l'équipage pour gagner du temps, le temps justement dont avait besoin le navire royal pour la retrouver en mer, et de venir la secourir. Et quelle douce manière de survivre dans son attente ! Elle aurait ainsi pu être abreuvée, vêtue et mise en sécurité parmi ses ennemis tandis qu'elle appelait son maître, constamment tenu informé de sa situation par un lien de sang indéfectible et loyal ! Cela justifierait même ma présence ici, à m'apprêter à vous tuer dans d'atroces souffrances qui vengeraient dignement son calvaire, alors que j'aurais pu rejoindre directement ma jeune apprentie !

Soudain, l'entrain d'Alucard disparut sous une expression pensive. Il secoua négativement la tête, et reprit plus calmement :

- Ah... Mais non, cela ne se peut... Bien sûr, une jeune femme attaquée dans le dos, capturée puis affamée dans les ténèbres d'une cale où elle aura finalement souffert les bassesses d'une camarade qui faisait sa seule compagnie, une Niebienne, dans une telle situation, n'oserait pas mentir sous le simple prétexte de vouloir vivre... C'est évident. Et pour retrouver quoi d'ailleurs ? L'homme qu'elle aime, les maîtres qu'elle admire et sa propre indépendance ! De bien piètres arguments à côté de la vie de soumission, de camaraderies indésirées et de corvées marines loin des siens que lui offrait le Ruby Read !

Dans un contact faussement amical, il saisit les mains de la pirate qu'il joignit entre les siennes. Le visage dénué de son précédent sourire et l'air très sérieux, il poursuivit sur un ton solennel :

- Madame, vous êtes la preuve même que la méfiance des hommes à l'égard d'un commandement féminin ne fut jamais engendré que par la jalousie et la déraison. Votre confiance innée en la captive que vous avez faite membre de l'équipage sans aucune preuve de garantie ne vous décevra pas, à l'évidence, vous vous êtes attachée une fière pirate tout à fait dévouée. Ainsi donc, l'équipage du chevalier noir, maître d'arme d'Arwen, n'écrasera pas vos hommes pour avoir enlevé la disciple du bras droit de la reine Angélique, la kendoka ne le rejoindra pas après avoir tué ses tortionnaires, et quant à moi, rassuré par le bien-être de ma disciple, je ne vous ferai pas souffrir aussi longtemps que possible avant de vous vider complètement de votre sang !

Alucard laissa ancré son regard grave dans les yeux de la pirate un moment, lorsqu'il ne put maintenir plus longtemps son sérieux et trahit de nouveaux gloussements moqueurs, qu'il essayait laborieusement de ne pas empirer en éclats de rire risquant d'ameuter l'équipage.

Tout dans son attitude -son ton, ses expressions, son assurance arrogante- accusait la trahison d'Arwen, et il était curieux de savoir si le capitaine accordait à cette dernière une confiance telle que ses arguments n'aient pu l'atteindre. Toutefois, lui espérait naturellement se divertir des émotions que la sensation d'avoir été trahie pourrait inspirer à la pirate -colère, déception, désillusion, n'importe laquelle serait amusante! Par ailleurs, s'il s'avérait qu'elle le croyait... peut-être la laisserait-il plus longtemps en vie, rien que pour la confronter à Arwen et se délecter de la situation comique que cela provoquerait. Arwen, si attachée à ses principes de loyauté et d'honneur, lui offrirait sûrement un magnifique spectacle d'indignation et de fureur à l'idée d'être accusée de trahison...

Et si Mary devinait sa duperie... Eh bien, elle aurait tout intérêt à se montrer plus divertissante que la situation qu'il avait espéré, car autrement, la lassitude le pousserait bien vite à satisfaire sa soif !

Agacée d'être commandée sans un mot, Arwen foudroya Brisban du regard puis se retourna vivement vers le mât, ses longs cheveux blonds manquant de fouetter le visage de ce dernier sous l'impulsion. Elle s'avança rapidement et lévita tout aussi vite en hauteur, comme portée par le vent. Peu sûre de la distance et craignant que son pouvoir n'en souffre, elle s'arrêta à mi-chemin pour s'accrocher un court instant à la corde tendue, puis la lâcha pour voler enfin jusqu'à Olgin, s'immobilisant une fois de plus à hauteur de son visage en position assise. La kendoka abaissa alors le regard et observa de haut Brisban, un sourire arrogant si étendu sur ses lèvres qu'il devait en être visible même depuis la distance qui les séparait.

Foudroyant le vampire du regard, Mary se retint de lui vider son verre à la figure. Rancunière et retorse, la rouquine l’était bien plus qu’Arwen et ne manquerait pas de se venger tôt ou tard. Reposant le verre sur le bureau, elle fut cependant surprise d’entendre le No Life King l’appeler par son nom d’emprunt. Etta était le nom dont elle s’était servit pour infiltrer l’Élisabeth, un navire marchand dont elle avait révélé l’itinéraire à ses hommes et saboté les moyens de défense. Informée de la capture d’Arwen elle s’était ensuite resservit de ce nom afin d’en apprendre un peu plus sur la kendoka, et accessoirement aussi pour la faire cesser de chanter et lui reprendre l’arme qu’elle avait gardée. Le vampire aurait donc assisté à leurs échanges dans la cale ?

Pour des raisons qui n’appartenaient qu’a elle Mary avait toute confiance en sa nouvelle recrue. Bien que ce lien du sang puisse être problématique. Elle vit d’ailleurs clairement le jeu d’Alucard, intuition féminine ? Mais montra tout de même des signes d’inquiétude lorsque le Mage du Sang révéla la "duperie" d’Arwen. Pas pour les raisons que pouvait penser le vampire, non, mais parce que ce dernier annonçait l’arrivée d’Alec ! Mary connaissait le stratège de réputation et se demanda combien de vaisseaux de guerre étaient a ses trousses.. ou plutôt aux trousses d’Arwen ? Le Ruby Read était agile et maniable, et plus rapide que les navires royaux. Mais il ne pouvait pas faire face seul à une flotte armée. Il fallait sortir de ce piège avant qu’il se referme, mais Alucard ne la laisserait sûrement pas avertir ses hommes.

Restant de marbre lorsqu’Alucard prit ses mains dans les siennes, elle se contenta d’un regard furieux et les lui retira promptement. Tout le discourt du vampire l’avait énervée, et les sarcasmes finales n'arangèrent rien. Pouvait-il esquiver une balle à cette distance ? Si elle lui tirait dans la tête il n’en mourrait peut-être pas, mais Mary aurait alors le temps de lui plonger une dague dans le cœur. Il ne lui resterait plus alors qu’a jeter ses cendres a la mer.

Ce vin venait des îles célestes ! Dit-elle froidement.

Elle pouvait aussi l’attaquer à l’épée. La jeune femme connaissait bien son art et rivaliserait sans peine avec lui, dans la limite de ses forces humaines bien sûr. Elle n’avait ni la force ni la vitesse surnaturelle, mais était vive et frappait avec précision. Changeant d'expression, elle s’affala soudain au fond de son siège, croisant bras et jambes dans une attidute désinvolte. Mais sous ce calme apparent, son regard brillant de rancune laissait deviner une argne contenue. Le raisonnement d'Alucard avait une faille : Sa logique ! Une logique masculine, implacable, certes, mais ignorante des pultions du coeur et de l'attrait de l'océan ! Prenant un air courtois, elle répliqua d'un ton provocateur.

Je vous trouve bien naïf, vous avez encore à découvrir sur les femmes ! Ou peut-être
êtes-vous mort-vivant depuis trop longtemps ?

Un sourire narquois étira ses lèvres et elle laissa échapper un rire de gorge.

Je suppose que même un vampire ne peut pas le sentir. Savez-vous ce qu’il y a dans
ce vin ?

Dit-elle en désignant la carafe du regard.

Arwen ne s'est pas privée d'y goûter. Les effets sont lents et réputés incurables. Ce
n’était qu’une petite précaution, mais en me tuant vous la condamnerez !

Prenant un air de défi elle fixa Alucard.

Je me demande qui elle combattra quand ses amis viendront la sauver, voulez-vous
parier ?

Arwen vit Brisban la fixant d’en bas, sans aucune expression sur le visage, puis se détourner et s’éloigner du mât. La kendoka venait de passer l’épreuve du mât, un bizutage fréquemment imposé aux novices sans expérience pour éprouver leur peur du vide. Le tangage, a cette hauteur, était accentué, même sous cette légère houle. Mais savoir grimper n’était pas suffisant pour être un bon gabier. Et l’exploit d’Arwen s’était fait par temps clair sur une mer calme. Cela ne lui enlevait cependant pas son mérite.


J’crois qu’il commence à t’apprécier ! Claironna le loup. Ça s’vois pas trop parce qu’y sourit jamais, mais j’crois qu’tu l’a impressionné ! Brisban s’montre plus dur avec ceux qu’il apprécie !

Un sourire sauvage s’élargit sur ses babines.

Tu m’a impressionné aussi, j’avais jamais vu quelqu’un monter comme ça ! Tu saurais l’refaire d’une seule traite ?

Le loup de mer tendit une main amicale.

J’m’appel Olgin ! Alors t’es vraiment des nôtres ? Ah Ah ! J’sais pas comment t’a fais, mais j’suis content qu’tu sois dans l’équipage ! Ça nous donnera l’occasion d’faire notre ptit duel !

Les présentations faites, Olgin invita Arwen à redescendre et la conduisit dans la fosse aux lions : Cale de stockage des cordages du navire, où étaient rangés câbles et encres d’usage ou de remplacement.

Tu vas d’abord ranger le magasin et apprendre à rouer les cordes. À tour pour les rouler a gauche et à contre pour les rouler a droite...

Alucard ne put s'empêcher de répondre par l'ironie à la question de la demoiselle :

- Du sang ?

Pas seulement, d'après ce que prétendit la pirate. Il afficha une mine dubitative à l'affirmation de la jeune femme, qu'il avait peine à croire. Dans le doute, il surveillerait l'ivrogne blonde et improviserait si les dires de Mary se confirmaient...

Le vampire se leva, décidant qu'il était temps de prendre congé. Ou plus précisément, temps pour le capitaine de prendre congé. Mais avant qu'il n'ait pu saluer sa proie par un dernier sarcasme, celle-ci agit de la seule façon susceptible de le convaincre de l'épargner : elle le défia à un pari. Alucard sourit de toutes ses dents avant de répondre de ce même ton doucereux qu'il avait employé alors qu'il raillait la naïveté de Mary :

- Seulement s'il y a des enjeux intéressants...

Spoiler:

Songeant à la façon dont "Etta" avait obtenu le sabre de la kendoka dans la cale, il ajouta :

- Et que nous nous engageons tous deux à ne pas influencer Arwen par la magie.

Il attendit que Mary n'accepte ses termes, puis conclut :

- Bien. Si à l'arrivée d'Alec son adversaire se trouve être ce dernier ou l'un des membres de l'armée du Sahoc, je ferai en sorte qu'il renonce à punir votre enlèvement et abandonnerai moi-même l'idée de vous faire payer votre affront. Si en revanche elle affronte l'un de ses alliés parmi ceux actuellement à bord du Ruby Read, vous devrez vous agenouiller devant moi sous les yeux de votre équipage et reconnaître m'être inférieure.

Le No Life King tendit la main vers la pirate :

- Avons-nous un accord ou bien trouvez-vous à redire à mes termes ?

Il avait naturellement supposé que la pirate souhaiterait avant tout la protection de ses hommes et d'elle même contre les représailles qu'ils risquaient de l'armée du Sahoc. Mais peut-être Mary avait-elle un autre enjeu que celui-ci à lui réclamer ? Tout en attendant sa réponse, il prêtait une oreille attentive aux agitations sur le pont : il s'empresserait de rejoindre son apprentie aussitôt que le combat aurait commencé, impatient de voir si la jeune femme affronterait l'adversaire sur lequel il avait misé...

Arwen ne répondit rien à la remarque que le loup lui fit au sujet de Brisban, embarrassée. C'était plus simple pour le moment d'imaginer qu'ils se détestaient tous deux cordialement, elle n'avait pas envie de risquer que sa rancœur ne soit gênée par un début d'affection. En revanche, heureusement, elle n'éprouvait aucune animosité envers Olgin, et répliqua donc à son compliment avec enthousiasme :

- Je ne suis pas sûre, mais j'y travaillerai...

Elle avait de toute façon toujours travaillé au mieux ses sorts, et ne se lassait pas de harceler continuellement le mage de sang pour faire évoluer sa magie. Le sang étant en plus l'élément avec lequel elle se sentait le plus en phase (malgré ses évanouissements devant les prises de sang, étrangement...), la kendoka s'appliquait tout particulièrement à améliorer son don en lévitation.

Elle serra la main du loup d'une poigne ferme et lui adressa un regard provocateur nuancé d'un sourire amical :

- Oh, je me serais sûrement débrouillée pour t'affronter même si je n'avais pu rejoindre l'équipage... Mais je suis également contente de faire partie des vôtres !

Arwen descendit plus facilement qu'elle n'était montée, se laissant tomber en chute libre pour n'utiliser son sort de lévitation qu'au dernier moment, à seulement quelques centimètres au-dessus du sol. Elle suivit ensuite Olgin jusqu'à la cale de stockage, qui lui parut tout de suite bien moins distrayante que le mât. Le pirate lui décrivit alors la tâche qui lui était confiée, lui confirmant sa mauvaise première impression de la cale. Elle n'avait pas compris un mot de son jargon marin et fixait les cordes les yeux écarquillés.

Le vampire sembla hésiter, prendrait-il le risque de perdre Arwen en tuant Mary ? La pirate voulut savoir a quel point Alucard tenait a sa disciples mais la question ne sembla pas le troubler bien longtemps. Et son sourire affable, lorsqu’il se leva, n’avait rien de rassurant. Comme il l’avait deviné, cette histoire de poison n’était que du bluff, mais le vampire mordit au dernier joker de la rouquine en acceptant le pari. Cette dernière accepta à son tour la condition du mage de ne pas influencer Arwen par la magie, ce qui incluait le lien du sang que partageaient le vampire et la kendoka.

Très bien. Dit-elle en se levant.

La sécurité de ses hommes importait effectivement à Mary qui accepta l’enjeu d’Alucard. Être pourchassés était monnaie courante pour chacun des marins de ce bord. Ils étaient hors la loi, cela faisait parti du jeu. Et chacun des nombreux crimes dont ils étaient coupables méritait la corde. Mais le danger immédiat était le vampire qui, présent a leur bord, pouvait tous les tuer.

Nous avons un accord !

Et, crachant dans sa main, elle la tendit a son tour pour serrer celle du vampire..

Si Arwen reste avec nous vous quitterez ce bord et, sur l'honneur, ne ferez rien
contre les membres de cet équipage, même indirectement.

Ce qui inclurait Arwen elle-même, et par elle les secrets auxquels elle aurait accès. Cette accord arrangeait finalement Mary vis à vis du lien de sang qui unissait le mage a son l'élève.

Avec patience, le loup expliqua ce qu’il attendait d’Arwen. Lui apprenant le nom et l’usage des différents cordages (aussière, drisse, écoute, hauban, grelin…) et la façon de les ranger. Il lui expliqua ce que signifiait "rouer a tour" (plier un cordage en rond plusieurs fois sur lui-même en le pliant de gauche a droite) et "rouer à contre" (la même chose mais en pliant le cordage de droite a gauche) et répondit a toutes les questions qu'elle lui posa.

Tu briqueras l’sol quand t’aura fini, et j-t’apprendrais après les différents nœuds à savoir. T’es responsable de c’magasin pour toute la journée, tu rangera les cordes qu’on t’apportera et donnera celles qu’ont te demandes. J'passerais plus tard voir où t'en est.

Sur ce, il s'apprêta à laisser Arwen lorsqu’un grand cri s’éleva du pont.

« NAVIRE ROYAL EN VUE ! À POUPE- TRIBORD ! C’EST UNE FRÉGATE, ELLE EST ARMÉE EN GUERRE ! »

Le cri de la vigie se répéta et une cloche sonna le branle-bas de combat.

On va p’têt s’battre plus tôt qu’prévu !

Dit-il les babines retroussées en un large sourire.

Reste avec moi !

Et ils remontèrent tout deux sur le pont. Brisban donnait déjà ses ordres, parant les manœuvres, tandis que Mr Tuck allait chercher le capitaine. Surprit par la présence du vampire, le perroquet annonça la présence d'un navire royal. La décision d'attaquer ou fuir revenait au capitaine qui était attendu sur le pont.

(Bon alors comme convenu je vol ton tour ^^)

Leur accord conclu, Mary tourna le dos a Alucard et fit un premier pas vers la porte lorsque quelqu’un y toqua. Elle alla ouvrir et trouva Mr Tuck qui confirma l’arrivée d’Alec. Sans donner d’explication sur la présence de l'invité présent dans ses quartiers, Mary s’arma de pistolets, prit une épée et son chapeau, et suivit l’oiseau. Brisban lui rendit alors compte de la situation.

Ils viennent pour nous, faisont leur honneur.

Dit-elle avec un sourire sarcastique lorsqu’elle aperçu le navire de ses poursuivants.

Présentons-nous a ce cher Silverberg.

Alec s’était apparemment contenté d’un seul navire pour sa mission de sauvetage. Mais l’urgence de la situation ne lui avait peut-être pas laisser le temps d’en affréter plus que ça.

DOUBLEZ LES MANŒUVRES ! HISSEZ LE PAVILLON NOIR !
EMBARDE A BÂBORD, TOUTE ! NOUS ALLONS LES PRENDRE DE
COURT, JE VEUX QU’ON LEUR TOURNE AUTOUR. OUVREZ LES SABORD !
GABIERS : SERREZ LES VOILES ! CANONNIERS : À VOS PIÈCES !
VISEZ LES CATAPULTES ET BRISEZ LEUR GOUVERNAIL !

La petite corvette aux voiles rouges exécuta rapidement un mouvement de cap pour cap afin de présenter son flanc armé et, ayant une meilleur portée, les pièces d’artillerie firent feu sans semonce sur le navire royal. Louvoyant en cercle, le Ruby Read fit soudain un changement de manœuvre et vira brusquement de bord pour venir frotter flanc contre flanc avec le navire d'Alec, engageant un abordage. Tirant leurs pistolets et leurs sabres, les pirates forcèrent l'entrée sur le pont adverse. Et a grand renfort de hurlement et de cris barbares, entamèrent le combat ! Olgin prit aussi part à la mêlée et, prenant la nouvelle sous son aile, monta à l'abordage. Aucun pirate n'allait lever la main sur elle, Arwen allait-elle leur prêter main forte ou venir au secourt de ses sauveurs ?