Si tu ne peux vivre en samurai, meurs au moins en samurai

Arwen se réveilla, la tête assaillie d'une douleur moins due au coup qu'on lui avait lâchement porté dans le dos qu'à la fureur qui l'animait. Il lui fallut quelques minutes avant de reprendre ses esprits, mais cela fait, la demoiselle analysa sa situation avec sang froid. Les bruits alentours lui confirmèrent sa position sur un bateau, et la frappe traitresse dont elle avait été victime lui permit de deviner aisément la nature pirate de ce dernier.

La kendoka se releva alors et tira de toutes ses forces sur les chaines qui entravaient ses mouvements, s'aidant de ses dons de lévitation pour se pousser plus violemment vers l'avant et ainsi tenter de détacher ses liens de fer. Mais contre toute attente, le pouvoir transmis par le mage de sang n'agit pas, et la jeune femme finit par abandonner sa résistance inutile.

Essoufflée, elle se mit à réfléchir aux raisons qui avaient bien pu justifier qu'on l'enlève. Aussi, non seulement s'étonna-t-elle de la valeur quelconque qu'on eut pu lui trouver, mais surtout se surprit de ce que son importance fut telle que l'on osa pour cela défier le bras droit de la reine du Sahoc et le vampire le plus agressif de l'empire, ses maîtres et protecteurs. L'idée que l'on en veuille à sa vie et que la vengeance motiva à la garder le temps de longues tortures traversa alors l'esprit de la kendoka, qui savait ses ennemis nombreux.

Les voix de matelots lui parvinrent alors, et la jeune femme interrompit aussitôt ses suppositions intérieures pour se concentrer sur les éventuelles informations qu'elle pourrait tirer de cette conversation. Mais les propos lui indiquèrent en fait la menace d'intentions malhonnêtes à son égard, et Arwen y répondit instinctivement en libérant Gekido, qui ne put sortir que laborieusement de son fourreau, embarrassé par les chaines de métal qui ne permettaient pas de grands mouvements de bras...

La kendoka sursauta. Gekido ??! Les pirates l'avaient enchainée sans même la désarmer ? Un sourire de soulagement s'étendit sur ses lèvres tandis qu'elle s'extasiait de la compagnie de son plus fidèle allié à ses côtés. Perdre la lame reptilienne aurait signifié un déshonneur qu'elle n'aurait pas pu supporter, le katana représentant pour elle l'âme de son propriétaire.

Au bruit de pas descendant les marches de la salle où elle était retenue, Arwen porta la lame du serpent à sa gorge, et attendit que les deux acolytes ne l'aient rejointe pour menacer :

- Un seul pas de plus dans ma direction, pauvres pourceaux, et je jure sur l'honneur de mon maître que vous aurez à passer la serpillère des heures durant pour espérer laver c'rafiot pourri de mon sang !

Le courroux de la furie blonde était tel que son dégoût pour la mort qu'elle s'était choisie ne fit pas pour autant faiblir son geste. Empoigné d'une main tremblante de rage, Gekido tressautait doucement contre le cou de son maître, d'où perlait déjà quelques gouttes de sang. Arwen n'aurait eu aucune chance, attachée et seule contre deux brigands, aussi la solution lui était-elle venu instinctivement, et l'acceptait-elle sans peur ni hésitation, submergée par sa propre colère.

Elle ignorait si sa vie aurait la moindre valeur aux yeux des pirates, mais il fallait bien qu'ils l'aient capturée pour une raison, quelle qu'elle fut. Et si cette raison ne suffisait pas àples maintenir à distance, eh bien... mieux valait encore périr sous une lame amie que souffrir sous des coups ennemis.

Les sourcils froncés sur un regard résolu et les lèvres tirées en une grimace de fureur, Arwen insista, plus acerbe :

- HORS DE MA VUE PIRATES D'EAU DOUCE, OU C'EST DE MON FANTÔME DONT VOUS AUREZ A CRAINDRE LA VENGEANCE, ET JE PEUX VOUS ASSURER QUE MON VIVANT N'EST ENCORE QU'UNE DOUCE COMPAGNIE A COTÉ !

Foudroyant d'un air menaçant les hommes du regard, la kendoka attendit qu'ils ne s'exécutent et hurla :

- ET APPELEZ MOI LE CAPITAINE DE CETTE ÉPAVE !

Un seul geste menaçant, un seul mouvement brusque et le sabre serpent plongerait sa lame dans la gorge de sa jeune maîtresse, dévoué petit serviteur prompte à réagir.

Les deux hommes arrivèrent en bas des marches et s’immobilisèrent stupéfaits, fixant Arwen comme deux ronds de flan. L’un était grand et maigre, et avait l’air parfaitement abruti. Son camarade, un petit gros balafré, n’avait pas l’air beaucoup plus malin et était atteint d’un début de calvitie. Le grand maigre se pencha sur son compagnon, une main en paravent pour cacher sa bouche, et demanda sur un ton de messes basses.

Qu’est-ce qu’ont fait ? Elle a gardé soin épée ?
Je sais !! Marmonna l’autre entre ses dents, en s’efforçant de sourire a Arwen d’un air détaché.

Doucement ma jolie, c’est pas un jouet ça, tu risque de te faire très mal !
Oui, oui, pose ça par terre sinon ont va avoir de gros ennuis !

Une claque vola sur ta tête du grand maigre.
La ferme idiot !
Idiot toi-même ! C’est toi qui lui as laissé son arme !
Ah ont s’en fiche de qui lui a laisser son arme ! Il suffit juste de lui reprendre, laisse-moi faire.

L’échange avait été chuchoté, mais avec si peu de discrétion qu’Arwen put tout entendre.

Allez pose cette épée, douucement, et ont te promet qu'on te f'ra aucun mal.

Le petit gros fit mine de faire un pas en avant, mais la goutte qui perla lorsqu’Arwen serra la poignée de son épée, ainsi que les cris et les menaces de fantôme achevèrent de le figer sur place. Les deux hommes écarquillèrent les yeux de terreur. Superstitieux, ils n’osaient maintenant plus s’approcher de la jeune femme, et l’un d’eux se signa.

O-Ont devrais peut-être appeler le capitaine !

Une grosse voix résonna alors du faux pont « Qui est avec elle ? » et nos deux lascars sursautèrent.

Brisban !
Brisban ! S’exclamèrent-ils à l’unisson.

Un imposant pirate descendit a son tour dans la cale d'eau. L’homme, un colosse, avait l’allure d’un barbare turc avec ses longes moustaches, sa barbe hirsute, et le turban verdâtre accordé à sa tenue.


Patel ! Garetti ! Que ce passe-t-il ici ?

L’imposant pirate observa la jeune femme, l’œil farouche, et sans la quitter des yeux demanda d’un ton ferme.

Pourquoi porte-t-elle encore son arme ?

Ben.. elle à.. enfin, heu…
C'est Patel qui lui a laissé ! Elle dit qu’elle veut voir le capitaine !

Le dénomé Patel lança un regard noir à son compère.

Le commandant de ce navire viendra bientôt vous voir. Dit le colosse en approchant lentement d’un pas, et il tendit le bras pour qu’Arwen lui donne elle-même son sabre. Mais vous devez d’abord me confier votre arme.

Le ton calme de sa grosse voix portante était emprunt de sincérité.

Arwen affronta le regard de l'imposant pirate nouvellement arrivé et vociféra d'un air furieux :

- Pas un geste de plus dans ma direction, dernier avertissement.

Méfiante, la demoiselle n'abaissa pas la lame reptilienne et la maintînt contre sa gorge, tandis que les tremblements de rage de Gekido se calmaient. La menace des deux ahuris écartée, l'humeur de la kendoka s'était tempérée, et celle-ci put donc enfin sourire avec arrogance, pour ensuite s'exclamer :

- Savez-vous à qui vous vous adressez pour oser me réclamer l'objet qui m'est le plus précieux et en lequel s'arbore mon honneur ? Je suis Arwen Blacksoul, disciple du chevalier noir Néo Lightfellow et de l'Esper Magister du sang ! Et ce n'est certainement pas un pirate pour lequel le mot "dignité" n'est rien de plus qu'une difficulté de vocabulaire supplémentaire pour son pauvre esprit de matelot ignare qui me conseillera ma conduite !

La jeune femme prit le temps d'étirer son sourire en une expression narquoise, puis reprit :

- Faut-il avoir navigué jusqu'à en perdre la raison pour vouloir me retenir ! Vous n'avez pas idée du fardeau dont vous vous êtes encombré en m'embarquant sur ce navire ! J'espère pour vous que le capitaine trouvera bientôt le temps de s'entretenir avec moi, car aussi longtemps qu'il me fera attendre, je vous ferai partager mon calvaire à ma façon...

A ces mots, la kendoka prit une grande bouffée d'air et commença à crier un air qu'elle s'appliqua à massacrer d'une voix horriblement perçante :

SUUURVIVRE EN ENN'MIS DE TOUUT C'QUI NOUS CONDAAAMNE !
REEEBELLES ET INSOUMIIIS LOIN DUU MONDE QUI NOUS DAMNE !
SUUURVIVRE EN ENN'MIS POUR LA MER ET LES FEEEMMES !
SEUUULS MAITREUUS DE NOS VIES, SEULS MAITREUUS DE NOS ÂÂÂMES !

Poursuivant son chant hurlé sur de fausses notes particulièrement désagréables, Arwen surveillait du regard les pirates, dont le moindre geste menaçant ou pas en sa direction provoquerait la morsure du sabre serpent. Celui-ci, toujours aussi fidèlement reposé contre sa gorge, coupait doucement sa peau tandis qu'elle lançait les paroles de son air marin comme s'il s'était agit d'injures.

Peu importe qui sont tes maîtres, répondit le colosse barbu, aucun ne viendra te secourir, et tu n’as nulle par où t’enfuir ici. Il passera des dragons mauves avant que l’un d’eux te retrouve.

Ignorant les insultes d’Arwen, le pirate pivota sur lui-même et s’adressa aux deux affreux qui, sous les fausses notes hurlées, se bouchèrent les oreilles en grimaçants.

Elle va attirer une tempête ! Geignit le grand maigre. Une femme a bord ça porte malheur !

Son compère lui fila une claque et se reboucha vivement les oreilles.

Dit pas ça abrutit !



Remontez maintenant ! Ordonna Brisban de sa grosse voix de stentor. Nous reparlerons plus tard de ce sabre, et vous m’expliquerez en même temps ce que vous étiez venus faire ici.

Chacun savait, a ce bord, ce que pensait le capitaine de ce navire a propos du forcement de filles, et nos deux gus n’en menaient pas large, plus inquiets de ce tourment là que des septante-sept démons de l’enfer. Se tournant une dernière fois vers Arwen, le turc ajouta.

Nous verrons ce qu’il est de ta hardiesse après une semaine de cale.

De nouveau seule, Arwen entendit les échos des ordres que donnait Brisban. Assignant un homme pour garder la cale et en interdire l’accès a quiconque sous peine d’être attaché au mat trois jours sans eau. Le vent forcit alors, et la mer se fit de plus en plus houleuse. Un grain se levait.

- Vous avez donc réussi à égarer une disciple à la tenue aussi discrète que ses manières querelleuses, dont l'occupation principale est de vous suivre avec acharnement et qui est plus que limitée dans ses déplacements par la protection des ténèbres ? C'est... impressionnant.

Habituellement, Alucard accompagnait ses sarcasmes d'un petit sourire narquois dans le ton de ses moqueries horripilantes. En cet instant, pourtant, le vampire avait parlé d'un ton froid, l'air sévère. Furieux de la situation, il fixait de haut le chevalier sombre qui l'avait si calmement informé de la disparition de la nécrophile blonde, leur élève commune. Il répondit tout de même plus explicitement à la question de Néo :

- Non, je ne l'ai vue ni contactée depuis trois nuits... jusqu'à maintenant.

Fermant les yeux, il appela mentalement sa disciple.

Nécrophile, ton chevalier inexpressif est venu m'interroger sur la localisation de son apprentie la plus stupide. Quels ennuis as-tu encore provoqué ?

Une voix étonnée lui répondit, hésitante :

... A... Alucard ?

Le mage ne put s'empêcher de rouvrir les yeux pour les lever au ciel.

Non, Dieu le père. Bien sûr que c'est moi, idiote ! Tu reçois beaucoup d'appels télépathiques autres que les miens, je dois m'inquiéter ? Où es-tu et que fais-tu à plus de cinq centimètres de distance de Lightfellow ?

Les pensées transmises par Arwen étaient maladroites, son esprit semblait épuisé et les mots lui venaient difficilement. Cet apparent état de faiblesse, plus que les explications de son enlèvement, achevèrent d'irriter le vampire. Que les pirates aient osé l'approcher malgré sa proximité réputée avec le chevalier noir et lui-même était en soit révoltant, mais qu'elle soit parvenue à se laisser capturer armée de son sabre et en toute possession de ses capacités magiques était tout simplement intolérable. Déterminé à punir aussi bien les fous qui s'en étaient pris à la furie blonde que cette dernière, Alucard rapporta finalement la situation au maître d'arme :

- Votre protégée s'est faite enlever par des pirates et croupit actuellement dans la cale de leur navire. Elle ignore leurs intentions, ils n'ont encore rien demandé d'elle et semblent tenir à sa survie... Les fers qui la retiennent la privent de magie, mais elle est armée de son katana.

Le mage marqua une pause pour laisser au jeune homme le temps de réfléchir à la réaction appropriée, puis conclut :

- Quand embarquons-nous ?

Arwen avait continué à chanter des heures durant, jusqu'à ce que la soif n'assèche suffisamment sa gorge pour la convaincre de moins d'enthousiasme. Elle attendit donc la nuit et s'assura du silence prolongé pour ensuite réveiller l'équipage de nouveaux chants marins, de plus en plus vulgaires à mesure que la fatigue qu'elle combattait la débarrassait de toute retenue. Craignant d'être séparée de son allié reptilien, la jeune femme se contenta de somnoler par intermittence, sursautant au moindre bruit et empoignant le sabre à chaque pas se rapprochant de la cale.

Le lendemain soir, alors que l'activité de l'équipage s'essoufflait, une voix aux accents graves interpella la kendoka, qui releva soudain la tête, complètement désorientée. Mais les ténèbres de la pièce où elle était retenue n'étaient pas illuminées par les lueurs pourpres des prunelles du mage et elle ne distingua aucun corps sanguin à proximité. Après quelques secondes de réflexion, elle devina enfin l'appel télépathique :

- ... A... Alucard ?

Ayant elle-même déjà tenté de contacter son maître, en vain, elle soupçonna son esprit perturbé d'avoir imaginé la voix du vampire. Mais celle-ci s'éleva à nouveau dans sa tête, bien trop narquoise pour ne pas provenir directement d'Alucard. Reconnaissante de l'inquiétude de ses maîtres, dont les pirates étaient parvenu à la faire douter, la jeune femme retrouva espoir, convaincue d'être bientôt rejointe par l'un de ses proches.

Paradoxalement, cette intervention la fit également culpabiliser et elle retrouva sa frustration habituelle, désespérée de ne pouvoir se sortir elle-même de ses ennuis. Arwen soupira et s'assit dans une position moins inconfortable que la précédente, acceptant les quelques jours que prendrait la chasse aux pirates du mage et du chevalier. Le sourire lui revint lorsqu'elle imagina les deux personnages se supporter tout le temps durant et tenta de deviner lequel des deux s'en agacerait le premier. Alucard, évidemment.

Régulièrement, le mage de sang reprenait contact avec elle, s'assurant de sa survie avant de l'accabler de reproches aussitôt suivis de promesses de torture, furieux qu'elle n'ait pas su assurer elle-même sa protection. Elle lui répondait d'un ton réjoui, ravie d'être ainsi tirée de sa solitude, ce qui l'énervait plus encore.

Brisban était revenu le lendemain, à la mi-journée, portant avec lui un repas pour la furie blonde de la cale. Les chants que hurlait celle-ci mettaient les hommes de garde à rude épreuve, obligeant le quartier-maître à instaurer des quarts. Garder la cale de la prisonnière était devenue la pire corvée a bord. La nuit, lorsque le bâtiment devint calme, la voix d’Arwen avait résonnée sur le pont et jusque dans les quartiers d’équipage. Réveillant des matelots furieux contre cette cantatrice du diable.

L’épuisement et la soif travaillaient cependant contre elle, et, devant l’entêtement qu’elle montra à ne pas céder, Brisban mangea lui-même devant elle le repas qu’il était venu porter.

Le troisième jour les pirates croisèrent un autre navire, Arwen entendit l’agitation sur le pont et le grondement féroce des canons. La bataille fit rage deux longues heures, jusqu'à ce que les clameurs sur le pont lui annonce la victoire de ses ravisseurs. Des cris de liesse et des chants résonnèrent à travers le faux pont, et c’est lorsque le calme revint enfin qu’Arwen eu son contacte télépathique. L’échange se termina a peine qu’Arwen eu une nouvelle visite.. Brisban, mais cette fois-ci le colosse turc n’apportait pas de nourriture.

Sous la menace de son épée, il fit descendre une jeune femme rousse en la poussant devant lui.


Voilà un p’tit peu de compagnie. Raya-t-il la kendoka.
Chante-lui bienvenue à bord du Ruby Read Ha Ha !

Il attacha alors l’autre fille, la frappant sans ciller lorsqu’elle voulut se débattre, et ajouta.

Tes amis le vampire et le mercenaire viendront te rejoindre aussi, votre sort n’est pas décidé, mais leurs vies t’importeront peut-être plus que la tienne.. a moins que la faim ne te fasse lâcher ton arme avant.

Sur cette menace, il remonta les marches de bois et alla se noyer dans le rhum pour fêter les prises du combat.

La jeune femme descendit a contrecœur et faillit tomber sous les poussées du gros turc barbu. Il tenta alors de la mettre aux fers et elle se défendit, mais la puissante baffe qu’il lui décocha la calma aussitôt, l’assommant presque. Elle lui cracha alors au visage en l’insultant, et le fixa avec fureur. Le pirate s’essuya comme si de rien était et s’adressa à la blonde attachée plus loin. Celle-ci tenait une épée contre sa propre gorge et regardait le turc d’un air de défit. Lorsqu’il fut parti, la rousse se tourna de nouveau vers la blonde.

Qui es-tu ? Demanda-t-elle méfiante.

Arwen dévisagea l'inconnue, tentée de lui répondre l'un des nombreux sarcasmes qui lui traversaient l'esprit. A l'évidence, n'importe quelle idiote l'aurait devinée peu probablement membre de l'équipage, dans sa situation. Consciente de la soif, la faim et la fatigue qui influençaient son humeur, elle fit toutefois l'effort de se présenter d'une façon plus conventionnelle :

- Arwen Blacksoul, membre du Nieb et élève du chevalier noir Néo Lightfellow.

Elle ferma les yeux, reposant un peu ses paupières alourdies par l'épuisement et réfléchit silencieusement aux propos du pirate. Ce dernier avait mentionné Alucard et Ryu, semblant l'avertir d'une rancune tenue à l'égard de leur petit trio. Que le vampire soit également menacé, cela n'avait rien d'étonnant, il était son maître et beaucoup nourrissaient des sentiments similaires envers son élève et lui-même. Mais quant au mercenaire, il n'avait été vu publiquement en leur présence que lors d'une occasion... La kendoka rouvrit des yeux écarquillés. "Oiseau chanteur", c'était ainsi que l'avait appelée le pirate imbécile.

Arwen se remémora alors la soirée de beuverie au cours de laquelle elle s'était mise à chanter des airs marins affublée d'un déguisement de pirate de fortune tout en dansant allégrement sur les tables de clients agacés. Elle savait donc enfin les raisons de son enlèvement... et s'en sentait plus énervée encore. L'incident datait de plus d'un an maintenant, et Néo lui en avait plus que suffisamment fait payer le prix. L'idée que des pirates qui n'avaient eu qu'à souffrir une mauvaise imitation de leur métier et quelques chants pourtant peu désagréables comparés à ses plus récentes "interprétations" osent s'attaquer à elle pour des motifs aussi futiles la mettait hors d'elle.

Plongée dans ses pensées, Arwen avait de nouveau clos les paupières, inconsciemment. Lorsqu'elle s'en rendit compte, elle secoua la tête mais ne parvint pas à s'éveiller tout à fait de sa somnolence. Combattant laborieusement sa fatigue, elle décida de s'aider de l'inconnue pour se tenir éveillée :

- Et toi, qui es-tu et pour quelle raison as-tu été enlevée ?

Après avoir traversé en la compagnie d'Alucard le portail ensanglanté, Lightfellow avait rapidement rassemblé un équipage, qui avait immédiatement embarqué avec le vampire sur un navire aux commandes de... Alec. Alec, ce même garçon que l'Esper avait rencontré assis près du lac, méditant sur les vexations de la kendoka. Amusé de la hiérarchie déconcertante du jeune apprenti, il suivait ses directives avec intérêt depuis la pièce protégée du soleil qui lui avait été réservée.

Après une journée de traversée, Alucard se lassa toutefois du statut improbable d'Alec et s'ennuyait déjà du voyage. Il n'était pas autorisé à consommer le sang des membres de l'équipage. Détail futile... si l'interdiction n'avait été émise par le chevalier noir, seul être, en dehors des reines, que le vampire respectait suffisamment pour ne pas l'ignorer. Il soupira. Il n'éprouvait aucune soif, seulement de la gourmandise. Le trajet s'annonçait long.

Etta.. j’étais a bord de l’Élisabeth que ces rufians viennent de couler. Dit-elle dédaigneuse.
Nous sommes surement en route pour le marché aux esclaves de Partage.

Le Ruby Read ! Lacha-t-elle rageuse en tentant de tirer sur ses chaînes.
Puis résignée, elle se tourna de nouveau vers Arwen.

Le Ruby Read ne faisait parler de lui que depuis quelques mois, mais avait déjà sa propre légende. Éminence grise du Jolly Roger, son capitaine était décrit comme un être cruel et impitoyable. Aussi insaisissable que le capitaine Teal, son équipage commettait ses méfaits, apportant carnage et destruction, pour ensuite prendre le large aussi vite qu’ils étaient venus. Ceux qui l’avaient affrontés en mer n’avaient jamais eu aucun survivant.. mais comment la légende s’était-elle propagée alors ? oO

Comment ce fait-il qu'ils t'aient laissé une arme ? Demanda-t-elle suspicieuse.

Impair : Arwen n'est plus en état de chanter
Pair : Arwen peut encore chanter \o/

Arwen a effectué 1 lancé(s) d'un (dé du destin.) :

Le nom du bateau n'évoqua rien à la kendoka, qui hocha simplement la tête. L'idée d'être vendue comme esclave ne l'inquiétait que peu. D'une part, c'était un statut dont il serait sûrement plus facile à se défaire que celui de prisonnière, puisque quelle que soit la tâche à accomplir, elle aurait de toute façon besoin d'une plus ample liberté de mouvements et aurait donc plus d'aisance à s'échapper. D'autre part, en dehors du combat et de la magie, Arwen était tout simplement incapable de quoi que ce soit. Elle entretenait si maladroitement le linge que celui-ci était plus soigné sans son intervention, cuisinait si mal que ses plats rivalisaient avec les pires poisons et négligeait si bien le ménage que les moutons qui s'amoncelaient sous son "nettoyage" lui valaient plus de mérites comme bergère que ménagère. A l'évidence, aucune personne saine d'esprit ne la choisirait pour esclave, et bientôt l'on enverrait même très probablement de l'argent pour que Néo la reprenne sous sa tutelle plutôt que de souffrir davantage son assistance.

Elle sourit d'un air mauvais à la question d'Etta et répondit :

- Parce que les membres qui m'ont enlevée sont idiots... Dis-moi, ont-ils fait preuve d'autant de négligence avec toi, tout du moins assez pour qu'il te reste encore un moyen de t'échapper ?

Arwen fit l'effort de soutenir le regard de sa nouvelle camarade, presque imperceptible dans l'obscurité de la pièce, et attendit sa réponse. Il y avait peu de chance qu'Etta les sorte de leur situation, mais il fallait bien, par considération pour elle, le vérifier au préalable avant de se résigner à reprendre ses airs marins plus criés que chantés.

Alucard avait fait transmettre au jeune élève du chevalier noir les quelques informations qu'Arwen était parvenue à récolter depuis le fond de sa cale. Nul doute que le garçon saurait en tirer profit, à supposer que ces détails soient effectivement justes. De son côté, le mage de sang commençait à très sérieusement s'ennuyer, et plus le temps passait, plus sa fureur lui inspirait les tortures qu'il se ferait une joie de présenter aux hôtes inconscients de son imbécile d'apprentie....

Arwen se faisait une idée bien naïve de ce que signifiait l’esclavage. Les acheteurs de Partage cherchaient rarement de la main d’œuvre ménagère. La jeune femme avait plus de chance de finir dans un bordel ou collée aux travaux forcés, voir de remplir la couche de son maître. Bien sur, elle pouvait aussi être acheté pour le bien de la science, par quelque onques sorcier fou, ou servir comme offrande sacrificielle au service de telle ou telle secte. Certains esclaves étaient même achetés pour des jeux d’arène, mais rarement les femmes. L’esclavage était une pratique légale, bien que réprouvé par la reine Celeste, et tout esclave pouvait être châtié selon le bon vouloir de son maître.. peu s’en privaient !

Il existait plusieurs façons de devenir esclave. Par dettes, par prise de guerre, par sentence, ou comme Arwen : Par capture. On le naissait parfois, ont en sortait rarement. Marqués dans leurs chairs par le tatouage de leur condition, les esclaves en fuites pouvaient difficilement vivre cachés, et étaient impitoyablement pourchassés.

Non.. Répondit Etta à la question de sa co-détenue.
Son ton était à mi-chemin entre sarcasme et résignation.

L’idiot qui m’a attaché devait être moins crétin que le tiens.

Elle agita tout de même ses chaînes pour la forme mais celles-ci restèrent attachées.

Comment as-tu été capturée ? Demanda-t-elle finalement.
Tu es de l’école de chevalerie ? Tu n’as pas l’accent du continent, tu es une
arrivante ?

« Arrivant » était un terme pour désigner les calyptiens originaires d’autres mondes, en opposition aux Natifs. Contrairement aux Arrivants, qui recevaient un pouvoir dès leur arrivée, les Natifs, eux, ne possédaient pas forcément un pouvoir calyptien.

Arwen esquissa un petit sourire désolé à la réponse négative de sa camarade, pour laquelle elle compatissait d'avance. Après tout, la pauvre femme était déja suffisamment mal lotie pour mériter en plus de partager la souffrance auditive des marins. Mais enfin, elle-même sacrifiait bien sa gorge et le peu de salive qui lui restait pour incommoder ses hôtes, "Etta" pouvait bien également faire un effort. Peut-être même pourrait-elle la remplacer pendant ses "temps de pause" de sorte à ne pas rompre l'ambiance musicale ? Avant que la kendoka n'ait pu approfondir ses réflexions, la rouquine lui adressa de nouvelles questions, auxquelles elle répondit après un instant d'hésitation, pressée de reprendre le chant :

- J'étais en train d'imit... de marcher sur la plage quand j'ai été frappée par derrière. Je me suis réveillée ici...

Une pointe d'amertume avait conclu la phrase de la jeune femme, que tant de lâcheté révoltait encore. Elle continua sur un ton plus calme :

- Je ne suis pas de l'école de chevalerie, je ne m'intéresse qu'à l'art du combat à l'épée et n'en suis l'éducation que pour moi-même.

Elle eut l'air pensif, et haussa un sourcil tout en répondant à la dernière question d'Etta :

- J'ai donc un accent ? On ne me l'avait jamais fait remarquer... Cela fait pourtant un peu plus d'un an que je suis arrivée, je pensais m'être assez familiarisée avec cet empire pour ne pas être si facile à différencier des Calyptiens.

Arwen n'alimenta pas plus l'alimentation mais ne reprit pas non plus immédiatement ses chants. Finalement, la compagnie de la rouquine n'était pas désagréable, toute femme qu'elle soit. Sa conversation était agréable, elle paraissait avoir du caractère, et cela la gardait mieux éveillée que les pensées du vampire. Pour autant, si elle n'avait rien à ajouter, l'apprentie mage de sang reprendrait ses solos improvisés...

Terriblement ennuyé de rester enfermé à ne rien faire, Alucard en était réduit à suivre les bavardages des deux détenues depuis l'esprit affaibli et sans défense de la kendoka. Chacune des pensées de cette dernière lui parvenait aussi rapidement qu'un appel mental, et il souriait en sentant son hésitation quant au choix de sa prochaine chanson. Les paroles paillardes qui traversaient l'esprit de la jeune femme l'amusaient, mais il était tout autant curieux d'en apprendre plus de cette demoiselle Etta, aussi n'essaya-t-il pas de l'influencer, bien qu'en cet état de faiblesse, Arwen eut probablement obéit au moindre écho télépathique.

Un léger sourire éclaira le visage de la rouquine.

Contente que tu sois du genre combatif ! Lança-t-elle d’une voix franche.
Je déteste les petites prudes fragiles qui pleurent et se cachent derrière les hommes. Je
suis bretteuse aussi.. enfin.. en temps normal..

Elle leva les mains en geste d’impuissance, puis sourit d’un air complice.

Les hommes sont faibles, mais ils ont parfois besoin qu’on leur rappel. Pour survivre
en mer une fille doit savoir se battre

L’étonnement d’Arwen sur son accent ne surprit pas Etta.

Je suppose que les nouveaux ne s’en rendent pas toujours compte, mais si tu
rencontres d’autres arrivants plus jeunes tu le remarqueras.

Un court silence s’installa. Arwen allait-elle reprendre son chant maintenant ? Non, la kendoka allait encore un peu pouvoir reposer sa voix. Cette dernière n’alimentant pas la conversation, Etta reprit la parole et demanda curieuse.

Comment était ton monde, avant ? Tu y avais des amis ?

L’intérêt poli qu’elle montrait n’en était pas moins sincère pour autant, cet autre monde l’intriguait, après tout, les natifs sont condamnés a n'en voir jamais qu'un.

Arwen eut un large sourire. Elle ferma les yeux et répondit d'un ton enjoué malgré son état de fatigue et de déshydratation :

- Les meilleurs amis qu'on puisse trouver ! Du genre soudés les uns les autres, et prêt à se venir en aide au moindre ennui.

Le souvenir de son monde, en revanche, sembla entamer son entrain et elle continua plus calmement :

- Mon monde était... inintéressant. Pour une majeure partie tout du moins... Les paysages y étaient tout aussi divers qu'en Calypta, l'on pouvait aussi bien arpenter des montagnes enneigées que se perdre en plein désert. Enfin, difficile de se perdre dans un monde où la civilisation humaine est omniprésente. Les humains ont si bien appris à maitriser leur environnement et à améliorer leur technologie qu'il ne reste plus grand chose des paysages naturels. Tout est dominé par la technologie moderne, la magie n'existe pas dans cet univers où les multiples gouvernements rivaux se sont chacun approvisionné en armes destructrices capables d'éliminer des milliers d'êtres au simple caprice d'une guerre. La religion et la cupidité font foisonner les conflits meurtriers des pays les plus pauvres, la nature et les animaux sont régulièrement détruits au profit du confort humain et la loi est régie de telle sorte que la défense est plus chère payée à la victime que l'attaque à l'agresseur... Je déteste ma terre native.

Elle avait rouvert les yeux, mais son regard s'était perdu dans les méandres d'un monde qu'elle ne regrettait pas et auquel elle aurait préféré ne pas songer. Revenue à la réalité présente, elle changea de sujet, peu encline à poursuivre sur le précédent :

- Je vais être directe, Etta : je ne te connais pas mais j'apprécie déja ton caractère. Malgré cela, j'ai décidé de pourrir le sommeil de ces raclures qui m'ont attaquée en lâches, et depuis mon arrivée je n'ai cessé de profiter des moindres petits moments de repos pour gaspiller le peu de salive qu'il me reste à leur hurler des chants aussi pénibles aux oreilles qu'au sommeil. Pour l'instant, ces abrutis se saoulent et font eux-même trop bruyamment la fête pour que ma voix les accable. Mais dès que les fatigues de la bataille et de leurs festivités les prendront, je me remettrai à leur casser les oreilles. Malheureusement, cela signifie qu'à moins que tu ne bouches les tiennes -ce que je te recommande fortement-, tu subiras aussi les conséquences de ma rancune... Désolée, j'ai rien trouvé de mieux pour les contrarier.

Elle soupira et son regard se posa sur les barriques, toujours hors de sa portée mais bien moins éloignées d'Etta....

- En attendant... Peut-être pourrions-nous toutes deux profiter également de la fête et trinquer à notre rencontre ?

Elle analysa du regard la distance qui séparait sa camarade du tonneau le plus proche et conclut qu'il lui faudrait un objet pour allonger sa portée et ainsi renverser le contenant d'alcool pour qu'il roule jusqu'à elle. Motivée par cette entreprise, la kendoka fit un effort pour réveiller son esprit embrumé et parvint finalement à trouver son inspiration. Elle envoya alors à Etta le fourreau du sabre serpent, lui souriant d'un air complice.

- Penses-tu pouvoir amener à toi cette barrique à l'aide de mon fourreau ?

Alucard surveilla avec beaucoup d'attention la réponse d'Arwen, autant par intérêt personnel que par méfiance quant aux informations qu'elle pourrait donner. Mais la jeune femme détourna d'elle-même la conversation, aussi n'apprit-il pas grand chose et n'eut-il pas besoin d'intervenir. Il sourit en constatant les efforts poussés de son élève à réfléchir à un moyen éventuel d'atteindre une barrique d'alcool. Il la soupçonnait d'être plus encouragée par son alcoolisme notoire que par son besoin d'hydratation...

Pris d'une soudaine envie de boisson, il cria à l'adresse des humains qu'il entendait s'agiter sur le navire :

- UN WHISKY FRAIS, ET DE LA QUALITÉ OU JE M'OCCUPE PAR MOI MÊME DE TROUVER UNE AUTRE BOISSON A MA CONVENANCE AU SEIN DE L'ÉQUIPAGE !

Ignorant le fourreau d’Arwen, Etta se para d’un sourire arrogant et, d’un mouvement impérieux, se leva et laissa tomber ses fers qui s’ouvrirent sans effort de ses poignets.

Laisse-moi me présenter à nouveau, dit-elle d’un ton léger et en parlant avec emphase.

Je m’appelle Mary Read, ton hôte, premier lieutenant du Capitaine Teal, et
commandante à bord de ce bâtiment. J’ai appris que tu voulais me voir, mon quartier-
maître pense qu’il faudrait te tuer, mais je ne suis pas de son avis. Seulement, je vais
devoir te prendre ton épée..

Sur ces mots elle tendit la main.

Éh ! Au fait, je ne t’ai pas montré mon pouvoir calyptien. Dit-elle avec un large sourire de défit.

Son regard se fit soudain plus brillant, attirant inexorablement celui d’Arwen qui, a présent, était sous son totale contrôle. La pirate se servait du même pouvoir hypnotique que les vampires.

Donne moi ton arme. Dit-elle en approchant calmement de la jeune femme.

Le sabre enfin en sa possession, Mary retourna s’asseoir sur les tonneaux, sans quitter la jeune blonde des yeux, puis son regard redevint normal. Mettant ainsi fin à son sortilège et rendant à Arwen son état conscient. Cette dernière n’avait cependant qu’un trou noir concernant son court instant d’inconscience.

Avec un sourire triomphant, Mary fit tournoyer l’arme dans sa main avant de pointer la lame vers sa vraie propriétaire.

Tu es a présent sous ma protection, tu n’as plus besoin de ça, personne à ce bord ne
viendra te porter atteinte.

Puis prenant un air sérieux elle ajouta.

Je vais être franche a mon tour : Tu me plais. J’étais curieuse de savoir qui tu es, et je
ne suis pas déçue. Que dirais-tu de d’venir pirate ? Tu as toutes les qualités qu’il faut
pour ça et les mers son pleines d’aventures ! Tu connais même déjà nos chansons,
ajouta-t-elle avec une pointe de mordant, c’est une vie de rapines, de rhum et de
liberté, plus passionnante que la vie d’esclave !

Médusée par la tromperie de Mary, Arwen l'écouta silencieusement se présenter, les yeux écarquillés d'un air ahuri. Lorsque celle-ci conclut par une main tendue vers son épée, elle se remit de sa surprise pour lui adresser un sourire sarcastique, le sourcil levé dans une expression narquoise. Son hôtesse pensait-elle vraiment qu'elle lui abandonnerait si aisément Gekido après avoir tant résisté ?

Et pourtant, l'instant d'après, le sabre serpent se dressait dans la main de la pirate. Arwen cligna des yeux, incrédule. Sans s'expliquer sur la téléportation du sabre, Mary lui fit une proposition si inattendue qu'elle laissa de côté le mystère du déplacement de Gekido pour réfléchir quelques instants, les yeux rivés sur la jeune femme. Au bout d'un moment, elle finit par lâcher, le sourire aux lèvres :

- J'en dis que le rhum, la liberté et les airs marins forment un tout qui ne se refuse pas. Et puis après tout, j'me suis déja fait des amis dans la bande, pas vrai ?

Elle sourit plus largement en songeant au "plaisir" qu'auraient surement les matelots à l'accueillir dans leurs rangs après les concerts qu'elle leur avait imposé des nuits durant.

Tandis que la kendoka réfléchissait à la proposition de son hotesse, un flot de souvenirs serpentait dans son esprit -et celui de son maître, donc. Son sentiment de trahison lors de son déménagement forcé à l'arrivée du Sapin, mais également alors que Néo la menaçait de lui retirer l'enseignement qu'il lui avait promis sous la simple vexation des vérités qu'elle avait énoncées sur ses camarades. Sa frustration à l'indécision du chevalier, et surtout à son calme olympien qu'elle n'arrivait pas à imiter malgré ses efforts. Sa jalousie face aux autres élèves que ses maîtres protégeaient et la solitude que son mauvais caractère lui imposait.

Puis, ses mauvais souvenirs s'estompèrent et à la place, la jeune femme se revit sur la plage à observer inlassablement la mer, subjuguée par sa beauté apaisante. Des éclats de rire et des chants bousculèrent cette image reposante, le mercenaire et elle-même dansaient en tenue de pirate sur les tables de la taverne et le mage de sang les applaudissait joyeusement.

Tout à coup, les souvenirs de l'humaine s'interrompirent. Elle avait pris sa décision. Alucard éclata de rire, aussi amusé qu'impressionné par la tournure que prenaient les évènements. Les humains étaient décidément passionnants, aucune race ne l'étonnait autant que celle-ci. Ou bien était-ce Arwen qui était particulièrement distrayante ?

Prévenez Alec qu'il peut rentrer s'entrainer, je n'ai plus besoin d'aide et je ne reviendrai pas. Remerciez-le pour moi, ainsi que Néo. Quant à nous, maître Alucard... Nous nous reverrons lorsque je serai prête à passer au niveau supérieur en magie du sang, n'est-ce pas ? Je vous reste loyale, vous allez me manquer.

Le mage ne répondit pas, laissant la nécrophile supposer qu'il lui tenait rancune. Ce qui était loin d'être le cas, bien au contraire, la chose était des plus amusantes ! Il s'efforça d'effacer de son visage le long sourire ravi qu'il arborait et se précipita soudain hors de sa cale, l'air furieux. Il rejoignit à toute vitesse le stratège qui commandait le navire et annonça d'un ton grave :

- Arwen est dangereusement malmenée, les pirates ne la garderont plus très longtemps en vie. Presse-toi davantage, jeune homme, elle n'a plus beaucoup de temps devant elle, il nous faut absolument retrouver le navire qui la retient.

Sans plus d'explications, il délaissa le stratège et retourna à sa cale, pour y rlacher à nouveau ses gloussements amusés. Il était impatient de faire la rencontre de son élève rebelle sous les ordres des pirates. Et alors, comment réagirait-elle si elle avait à affronter les hommes du chevalier venus la secourir ? Au delà du comique de la situation qu'il espérait provoquer, Alucard avait également hate de se défouler sur les tortionnaires à cause desquels il avait dû resté lui aussi enfermé sur un navire, dans l'impossibilité de s'en prendre à l'équipage, privé de sang et d'amusement.

A la bonne heur ! S’exclama Mary l’air ravie.

La pirate libéra alors Arwen de ses fers, faisant tomber les chaînes qui retenaient l’ex captive attachée contre le pied de mât.

Il n’y à qu’une formalité a remplir, dit-elle en jouant avec Gekido.
Un serment sur l’honneur pour officialiser ton entrée dans la piraterie.

Levant la main droite, elle récita sur un ton solennel.

Lève la main droite et répète :

"Sur l’honneur, je promet allégeance au Capitaine Teal
Je jure de lui rester loyal, a lui, et à mon capitaine (ça c’est moi)
De respecter la hiérarchie
D’être fidèle au Code, et a mes camarades
De ne divulguer aucune information que ce soit
De me battre jusqu’au bout
Sabre de bois, sabre de fer
Si je mens je vais en enfer"

Maintenant crache par terre et bois ton rhum cul sec !

Et plongeant deux grandes chopes dans un tonneau, la capitaine en tendit une a Arwen et leva la sienne, l'accompagnant cul sec.

Bienvenue a bord moussaillon !

Aussitôt libérée, Arwen s'empressa de se lever, manquant de retomber sous la vitesse des efforts que sa fatigue lui rendaient difficiles. Bien qu'elle suivit du regard les mouvements de son sabre sous la main voleuse d'Etta d'un air possessif, un sourire arrogant trahissait sur son visage l'exaltation que lui inspirait sa nouvelle vie de piraterie. Elle écouta ensuite bien sagement la récitation de la jeune femme, et la répéta à son tour, la main droite levée :

- Sur l’honneur, je promets allégeance au Capitaine Teal
Je jure de lui rester loyale, à lui, et à mon capitaine (ça c’est vous) -elle ne put s'empêcher ce dernier ajout-
De respecter la hiérarchie
D’être fidèle au Code, et ...

Elle hésita un instant, grimaça et continua de mauvaise grace :

- à mes camarades.

Le reste lui vint plus naturellement et lui rendit son précédent sourire :

De ne divulguer aucune information que ce soit
De me battre jusqu’au bout !
Sabre de bois, sabre de fer
Si j'mens j'vais en enfer !

Enfin, elle cracha laborieusement à terre -tâche compliquée par le peu de salive qui lui restait- et se saisit avidement de la chope que lui tendait Etta pour la vider d'un trait, autant par soif extrême que par plaisir ivrogne.

- Merci, Capitaine !

Arwen leva alors une jambe dans l'intention de quitter la pièce, mais il lui sembla que celle-ci se mit à tourner sur elle-même et bien qu'elle se débattit courageusement quelques secondes durant pour retrouver l'équilibre, l'épuisement eut raison d'elle et elle tomba bruyamment en arrière, inconsciente et la main toujours refermée sur sa chope vide.